4 juin 2021
Lierre en forêt : pourquoi il est utile aux arbres
Le lierre est l'ami des arbres et du forestier, il contribue à favoriser la biodiversité et n'est pas le parasite qu'on croit.
Contrairement à une idée reçue, le lierre n’est pas un parasite ni une plante nuisible. Il ne tue pas les arbres en les étouffant, comme on entend souvent dire, mais au contraire, leur rend de multiples services. Le lierre est essentiel à la biodiversité et ne doit pas être arraché des arbres.
Le lierre est-il une plante parasite ou épiphyte ?
Le lierre, communément appelé lierre grimpant, qui est le plus courant sous nos latitudes (Hedera helix), est une liane arbustive à feuillage persistant, de la famille des Araliaceae. Cette liane arborescente est l’une des rares à vivre à l’état naturel sous nos climats tempérés, avec la clématite, le chèvrefeuille et le houblon. Le lierre vit facilement centenaire et peut même être millénaire si les conditions lui sont favorables.
Il a une croissance rapide (jusqu’à un mètre par an) en poussant ses tiges droites, non en s’enroulant, grimpant dès qu’il le peut à l’aide de ses racines adventices qui se transforment en crampons et qui, pourtant, ne gênent aucunement la plante ou l’arbre colonisé. Le lierre n’est pas à proprement parler une plante grimpante, il peut très bien jouer un rôle de couvre sol là où il ne trouve aucun support pour s’élever, jouant alors à merveille son office de plante rampante.
Le lierre s’adapte très bien, mais comme il a besoin de lumière pour fleurir, sa tendance naturelle est, comme chez un grand nombre de plantes, à s’élever vers le soleil. Pour cela, il s’aide de tout support, notamment des arbres en forêt. Mais il ne prend rien de la sève des arbres, pas plus qu’il ne les étouffe, abîme leur écorce ou concurrence leur absorption de minéraux par les racines. Les racines du lierre sont superficielles, quand celles des arbres poussent en profondeur. Ainsi, à l’inverse du gui qui peut achever certains arbres faibles, le lierre ne tue pas les arbres ni ne les blesse ou les empêche de pousser. Tout au plus peut-il favoriser leur chute quand son poids devient conséquent et que l’arbre est vieux et malade. Il n'est pas un parasite, mais ce qu'on appelle un épyphyte.
Et comme le lierre apporte bien d’autres services aux arbres et à toute la nature, ceux-ci excusent largement les quelques désagréments dont il pourrait être responsable.
Qu’est-ce que le lierre apporte aux arbres ?
Le lierre offre une aide précieuse aux arbres en abritant, sous ses feuilles lobées, une multitude de petits organismes qui permettront à l’arbre de lutter contre des parasites gênants. C’est ainsi que sous les feuilles du lierre vivent de nombreuses araignées qui débarrassent l’arbre d’un certain nombre d’insectes qui peuvent lui être nocif. La faune auxiliaire qu’il abrite est ainsi utile à l’arbre lui-même mais encore à de très nombreuses espèces.
Ses feuilles, quand elles meurent et tombent au sol, forment une litière et un humus très riche qui favorisent la croissance des arbres et, quand elles sont en vie, sur les lianes, jouent un rôle de régulateur thermique qui protège les troncs des trop grandes variations de température.
D’un autre côté, le lierre est très habile pour capturer l’humidité par les feuilles et peut décharger les arbres d’un trop-plein d’humidité qui favorise certains agents pathogènes. Ses propriétés antifongiques débarrassent ainsi les troncs d’arbres de champignons invasifs qui pourraient s’en prendre à l’aubier et même au duramen.
Ce que le lierre apporte à la nature dans sa diversité
La nature dans toute sa richesse et sa diversité, que l’on appelle communément biodiversité, est un jeu d’interactions constantes où les relations d’entraide sont aussi importantes que celles de concurrence. Si le lierre est en concurrence pour la lumière avec d’autres plantes, il ne fait que répondre à sa nature : le lierre fleurit à la fin de l’été quand il a assez de lumière.
S’il fleurissait à la même période que la plupart des arbres, soit au printemps et au début de l’été, il serait un rude concurrent attirant à lui force insectes pollinisateurs, au détriment des arbres. Mais ce n’est pas le cas. Sagement, il attend le début de l’automne pour fleurir, offrant ainsi le manger à de très nombreux insectes butineurs qui sont bien contents de pouvoir compter sur lui pour faire leurs dernières réserves de provisions.
C’est le cas des abeilles domestiques et l’une des raisons pour lesquelles il est primordial de conserver du lierre grimpant sur des arbres ou des murs, car ce n’est qu’à cette condition qu’il peut fleurir et nourrir les abeilles. Ce nectar et ce pollen qu’elles recueillent sur le lierre leur permettent de produire un miel qui cristallise trop vite pour que nous le mangions mais qui les nourrit, elles, tout au long de l’hiver. De la même manière, la Collette du lierre est une abeille sauvage qui lui est inféodée.
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Associé à un chêne, le lierre abrite « plus de 700 organismes vivants différents (tous les règnes et espèces confondus) », selon Jean-Claude Beaumont, de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux. Grâce à son feuillage persistant, de couleur vert foncé quand il n’est pas juvénile, et grâce aux noeuds que forment ses racines, le lierre est un abri et le lieu d’hibernation de nombreuses espèces telles le Papillon citron ou la Coccinelle à 7 points. Il accroît ainsi la population d’auxiliaires du verger, qui sont prédatrices des ravageurs.
Il abrite une grande quantité de mouches, notamment des Syrphes, dont les larves se nourrissent de pucerons, de guêpes, de frelons, des coléoptères...
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Et puisqu’il abrite une grande quantité d’insectes, il est normal que le lierre abrite aussi leurs prédateurs, les oiseaux. C’est pourquoi la grive, le merle noir, le rouge-gorge, les moineaux domestiques, le Hibou moyen-duc, les chauves-souris peuvent y nicher ou seulement y dormir, tandis que quantités de passereaux s’y nourrissent, et jusqu’aux lérots, renards et martres.
Fleurissant en automne, le lierre nourrit les pollinisateurs, et fructifiant en hiver, il nourrit les oiseaux à une époque (janvier, février) où ils peinent à trouver de quoi se nourrir. Et par la même occasion, ces derniers reproduisent la plante en rejetant ses graines dans leurs déjections. Malin et utile, le lierre est bien l’ami du forestier et loin d’être cet ennemi dont il a la triste réputation.
Enfin, parmi ses qualités incontestables il faut ajouter que le lierre est un dépolluant atmosphérique très efficace. Il absorbe comme nul autre les particules de poussière et, coordonné à l'arbre, participe à assainir l'air environnant, et par là même l'air que nous respirons.