25 sept. 2020

Entretien avec Gilles Kervot, apiculteur, producteur de miel pour EcoTree

L’apiculteur Gilles Kervot, qui s’est occupé de l’installation des essaims d’abeilles des ruches de la forêt du Faouët, nous donne de leurs nouvelles.

Entretien avec Gilles Kervot, apiculteur, producteur de miel pour EcoTree

Gilles Kervot est apiculteur, mais s’occupe aussi du Musée de l’abeille vivante et la cité des fourmis au Faouët, dans le Morbihan. C’est lui qui s’est occupé de l’installation des essaims d’abeilles dans les ruches d’EcoTree dans la forêt du Faouët. Il nous donne des nouvelles de nos abeilles.

Comment s’annonce la récolte de miel cette année ?

Gilles Kervot : Les conditions climatiques n’ont pas été optimales, cette année. Nous avons d’abord eu un printemps sec, puis il a beaucoup plu au cours de la floraison des châtaigniers et des ronces. Or, quand il pleut, les abeilles ne sortent pas des ruches. Et il a plu longtemps. Dans mon secteur, la récolte de miel sera donc moyenne. 

Peut-on dire que le réchauffement climatique bouleverse le travail des abeilles ?

G.K. : C’est difficile à dire parce que, d’un côté les abeilles aiment la chaleur, donc en Bretagne, cela pourrait les arranger. D’un autre côté, nous avons subi cette année un printemps chaud et sec, les fleurs étaient en avance, certains apiculteurs pensaient déjà faire de superbes récoltes, mais on ne peut pas prévoir cela au mois de mai ou avril. Et effectivement, après cela, la pluie est tombée.
Dans nos régions, nous faisons du miel de ronces. Les abeilles butinent les fleurs qui donneront par la suite des mûres. Ensuite, elles butinent les fleurs de châtaignier, puis le trèfle blanc. Ce sont les trois grosses miellées, si l’on exclut les autres fleurs qui donnent un miel aux parfums mélangés. 
Malheureusement, la pluie est tombée à la fin du printemps et ne s’est pas arrêtée. La floraison des ronces commence vers la mi-juin et celle des châtaigniers finit à la mi-juillet. Après quoi, elles n’ont plus rien à manger jusqu’à début septembre.

Il y a pourtant des fleurs en été ?

G.K. : Oui, mais pas pour les abeilles. C’est au printemps et au début de l’été qu’elles font leur miel, et les fleurs qui les intéressent ne fleurissent pas pendant les fortes chaleurs. 

D’où la nécessité de planter d’autres essences ?

G.K. : Exactement. C’est pour cela que j’ai demandé à EcoTree de planter des plantes mellifères qui fleurissent en juillet et en août. Ce n’est pas encore fait au Faouët, mais dans les forêts de Melrand et Mariaker, oui. Les plantations sont prévues au Faouët. 
Ce sont des hectares de plantes mellifères qu’il faut. Il y a déjà des rejets d’acacias dans les forêts d’EcoTree, qu’il est intéressant de préserver, mais ils fleurissent au mois de mai. Des châtaigniers ont été plantés, c’est déjà bien. L’idéal serait de trouver des arbres qui fleurissent en été. 

Le lierre nourrit aussi les abeilles, non ?

G.K. : Oui. C’est maintenant qu’il fleurit, au mois de septembre. Il pousse évidemment naturellement, mais il ne faut pas couper le lierre qui pousse sur les arbres, parce qu’il ne fleurit que s’il a poussé sur les arbres ou sur les murs. Il lui faut de la hauteur pour fleurir. 
En ce moment, les abeilles récoltent le miel de lierre, mais nous ne pouvons pas le récolter, parce qu’il cristallise directement dans les ruches. 
Le miel d’acacia, par exemple, met un an ou deux à cristalliser. Le miel de colza ou de lierre cristallise dans les semaines qui suivent. Donc, le miel de lierre, nous le leur laissons, il les nourrira tout l’hiver. C’est ce qui leur permettra de survivre. 

50 ruches ont été installées dans la forêt du Faouët dont vous vous occupez. Que butinent les abeilles ?

G.K. : Au printemps, elles ont toutes les fleurs : aubépines, prunus, genêts, ajoncs, avant les ronces et les châtaigniers. Comme il y a beaucoup de jeunes arbres dans cette forêt, ils laissent de la place à ces fleurs, et c’est bon pour les abeilles. Au printemps prochain, il peut y avoir des champs de colza. Nous avons une belle vallée tout autour, de terres cultivées mais aussi de pâtures. L’un des agriculteurs voisins a des vaches, qu’il fait paître sur du trèfle blanc. C’est très bon pour les abeilles quand il fait chaud. Il a aussi planté de la luzerne qui fleurit en ce moment. 

La question n’est pas uniquement liée aux forêts où sont installées les ruches ?

G.K. : Non, les abeilles sont concernées par tout l’environnement général. Ce qu’elles vont chercher, c’est surtout le nectar. Mais les plantes en sont avares. Le nectar, c’est du sucre que les fleurs des plantes ou des arbres fabriquent pour attirer les abeilles et tous les insectes pollinisateurs. Pour les abeilles, le nectar est une récompense. Cela les attire et quand elles se posent sur la plante, les grains de pollen se collent à leurs poils. C’est ainsi qu’elles pollinisent, en transportant ces grains de pollen sur la plante voisine qu’elles vont également butiner. 
Le nectar leur sert à faire le miel, qui est leur nourriture, mais elles cherchent aussi le pollen qui est riche en protéines. Elles ont besoin du pollen pour se nourrir et nourrir leurs larves. Le pollen est donc récolté sciemment et inconsciemment par les abeilles. 
Mais les fleurs sont intelligentes. Pourquoi ont-elles ces parfums et ces couleurs, et produisent-elles ce nectar ? C’est pour attirer les insectes pollinisateurs. Les abeilles voient en infrarouge et certaines fleurs ont un coeur fluorescent pour elles. C’est là qu’elles vont chercher le nectar. Toutes n’en donnent pas constamment. Certaines le donnent à telle heure de la journée, d’autres à telle température. Donc, quand il fait trop froid ou qu’il n’a pas assez plu, la fleur n’a pas forcément de quoi produire son nectar. Il ne faut donc ni trop de chaleur, ni trop de froid ni trop de pluie. 

Quelle est la période la plus difficile à passer pour les abeilles ?

G.K. : L’hiver. C’est là que l’on peut redouter une grosse mortalité. Il faut donc s’assurer qu’elles aient suffisamment de nourriture pour survivre. Si ce n’est pas le cas, on compense en leur donnant des pains de sucre, qu’on appelle du candi. L’hiver, une fois par mois, je vais soupeser les ruches, afin de m’assurer qu’elles aient assez de nourriture. Tout au long de l’hiver, elles puisent dans leurs réserves. Elles n’hibernent pas, elles chauffent la ruche en mangeant du miel, ce qui leur permet de faire vibrer les muscles de leurs ailes et de produire de la chaleur. Elles maintiennent ainsi une température constante entre 20 et 25°C.
En ce moment, la reine pond les abeilles d’hiver. Puis, dès janvier, février, elle recommence à pondre, il faut alors que la ruche soit à 35°C, pour que les larves se développent. Et lorsque les abeilles de printemps naissent, les abeilles d’hiver meurent, leur rôle est achevé. Elles naissent à la fin de l’été et vivent jusqu’en mars, avril. 

Y a-t-il des essaimages ?

G.K. : Oui, cela arrive. L’autre jour, j’étais dans la forêt avec Vianney et nous avons vu un essaim partir. J’ai disposé une ruche là où il s’était arrêté, l’essaim est entré dans la ruche, mais il n’y est pas resté. On a beau leur donner la meilleure habitation possible, si elles ont décidé d’aller ailleurs, il n’y a rien à faire. Les essaimages sont la forme naturelle de reproduction des abeilles. On essaie de récupérer les essaims mais ça ne fonctionne pas toujours. C’est la vieille reine qui part avec la moitié des abeilles, laissant la jeune reine avec le reste de la ruche. 

Quel est le travail à mener en ce moment dans les ruches ?

G.K. : Nous faisons un traitement anti varroas, qui sont des acariens qui sucent le sang des abeilles. Nous administrons un traitement biologique pour ne pas perturber les abeilles ni polluer l’environnement. Il faut faire ce traitement chaque semaine, entre trois et cinq fois. C’est un gros travail, mais c’est le principe du traitement bio. 

Est-ce que vous constatez que les abeilles enrichissent la biodiversité de la forêt ?

G.K. : Bien sûr. Si elles n’étaient pas là, les châtaigniers ne porteraient pas de fruits. De même pour les acacias. Ce ne sont certes pas les seuls insectes pollinisateurs, mais elles sont si nombreuses que lorsqu’on installe des ruches, elles ont une force de frappe très importante. 

Avez-vous subi des attaques de frelons asiatiques ?

G.K. : Non. Nous en avons de moins en moins ici. C’est normalement à cette période que nous les voyons. Ils chassent les abeilles pour nourrir les futures reines, mais je n’en ai pas encore vu. Le Muséum d’histoire naturelle soupçonne un problème de consanguinité qui fait que les mâles sont surreprésentés. Par ailleurs, ils préfèrent les bords de mer et de rivière. Dans les terres, nous avons moins de problème. 

Les abeilles aussi ont besoin d’eau, où la trouvent-elles dans la forêt du Faouët ?

G.K. : Il y a un petit ruisseau qui coule en bas. Elles vont la chercher. Les abeilles se débrouillent, elles n’ont pas besoin des hommes pour vivre. Elles sont capables de parcourir trois kilomètres pour cela. Quand les arbres qui sont encore petits auront grandi, elles auront peut-être moins de nourriture sur place, mais elles iront la chercher ailleurs, ce n’est pas du tout un problème. 

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