23 mai 2018
Arbres fourragers et foresterie : une nouvelle alliance ?
Très utiles pour le bétail, les arbres fourragers n’ont pas toujours été au goût des forestiers. Et si cela changeait ?
Les arbres fourragers n’ont pas toujours été appréciés de la foresterie qui estimait que le pâturage des branches nuisait à la production du bois. Et si ces deux pratiques se réconciliaient pour cultiver la biodiversité ?
Dans son ouvrage Arbres fourragers. De l’élevage paysan au respect de l’environnement (Éditions de Terran, 2017), Jérôme Goust nous rappelle qu’à l’apparition de l’élevage, au néolithique, soit environ 10 000 ans avant notre ère, le bétail ne se nourrissait pas que d’herbe mais paissait aussi les arbres qui, alors, couvraient une grande partie de l’espace géographique de la France. Depuis cette époque et jusqu’au mitan du XXe siècle, les arbres fourragers furent utilisés comme fourrage d’appoint. Alors, les prairies ont peu à peu supplanté la culture des arbres fourragers.
Que sont les arbres fourragers ?
Ainsi, des milliers d’années durant, les feuilles d’arbres ont constitué une partie non négligeable de l’alimentation du bétail. Aujourd’hui encore, l’on peut se rendre compte de cela en Corse où les bovins en liberté se nourrissent essentiellement de feuilles d’arbres, causant parfois des ravages. Cette pratique intéresse pourtant de nos jours les chercheurs de l’INRA. On estime que les feuilles de châtaignier, de noisetier, d’alisier, de cormier ou d’érable sycomore ; les aiguilles et bourgeons de pin sylvestre, de pin noir ou de pin maritime) sont non seulement comestibles mais suffisamment nourrissantes pour les vaches, les chèvres et les brebis. Certaines essences mellifères comme le robinier faux-acacia ou le châtaignier nourrissent dans le même temps les abeilles. Les chevaux, eux, se nourrissent de fourrage ligneux (branches en feuilles coupées en fin de saison, assemblées en fagots, distribuées fraîches ou séchées, plus nutritives que le foin) dont les principales espèces sont : l’argousier, l’ajonc d’Europe, l’aubépine, l’aulne glutineux, le bouleau, le charme, le cornouiller mâle, le frêne, le hêtre, le micocoulier, le noisetier, l’orme champêtre, le mûrier platane, les peupliers, poiriers, pommiers saules, le tilleul…
Intérêts des arbres fourragers
Les intérêts de cette forme de pâturage sont divers. Pour les éleveurs, cela permet de limiter le surpâturage ou l’achat de fourrage. A l’époque où l’herbe se fait rare, en fin d’été, et plus rare encore à mesure que les températures se réchauffent, les arbres peuvent prendre le relais. Et nous savons quels sont les avantages des arbres sur l’herbe : ils puisent l’eau plus en profondeur, limitent l’érosion, régulent le cycle de l’eau, hébergent oiseaux et insectes, offrent de l’ombre aux bêtes et stockent le dioxyde de carbone qui est une des sources majeures du réchauffement climatique.
Comment fonctionnent les arbres fourragers ?
Cette pratique permettrait de reboiser certaines parcelles dédiées au pâturage des bêtes. Deux manières de faire existent : soit les feuilles, les jeunes rameaux et les fruits sont pâturés sur pied, c’est la méthode du sylvopastoralisme. Soit les branches sont coupées et distribuées aux bêtes sur le sol. Restent alors ce que l’on appelle des arbres têtards (qui sont étêtés) ou trognes ou alors des arbres émondés (dont les branches latérales ont été coupées). Les branches pâturées peuvent ainsi servir de bois de chauffage ou de broyat. Elles servent aussi, parfois, à la fabrication d’outils.
C’est à la fin du XVIIIe siècle, après que Colbert a donné une nouvelle impulsion à l’industrie forestière, que l’émondage et l’étêtage furent critiqués au prétexte qu’ils nuiraient à la production du bois. Trois siècles plus tard, le temps est venu de réconcilier ces deux pratiques qui sont complémentaires, non pas concurrentes. C’est ce que tend à démontrer le programme de recherche Oasys mené par l’Inra à Lusignan dans la Vienne.