1 août 2022

Feux de forêt : comment les éviter et reconstruire après ?

Évitons les feux de forêt en réduisant nos émissions de GES et en plantant des forêts résilientes. Reconstruire les forêts incendiées demande de la patience.

Pierre-François Dumont Saint Priest
Pierre-François Dumont Saint PriestDirecteur Général Délégué
Feux de forêt : comment les éviter et reconstruire après ?

Avec les dizaines de milliers d’hectares de forêts partis en fumée cet été, les questions ressurgissent et les accusations remplacent souvent les débats : à qui la faute ? Il n’y a pas une seule solution simple à adopter et qui résoudrait les problèmes, mais plusieurs mesures fortes à prendre pour éviter de nouveaux gigantesques feux de forêt. De même, les mesures sur la “reconstruction” des forêts brûlées font débat, car elles doivent être adaptées à chaque situation. Une chose est sûre, en revanche, c’est qu’il faut agir sans tarder. Et surtout agir pour contenir le réchauffement climatique.

Pourquoi les forêts brûlent-elles ?

Selon Alexandre Jouassart, porte-parole de la Sécurité civile, “90% des départs de feu sont d’origine humaine”. Il faut placer là-dedans les actes involontaires, les accidents mais aussi les incendies propagés par des pyromanes. Les déséquilibrés fascinés par la puissance du feu, nous ne pourrons jamais faire qu’il n’y en ait plus. Pour ce qui est des mises à feu involontaires, en revanche, la prévention et la sensibilisation aux risques sont à parfaire et à mettre plus en avant. Il est évident que beaucoup de nos compatriotes ne prennent pas la mesure du danger que représente le fait de jeter un mégot de cigarette par la fenêtre de sa voiture ou d’allumer un barbecue quand il fait très chaud et sec et qu’il y a du vent. Il faut également compter avec les engins agricoles qui parfois embrasent accidentellement un pré très sec en provoquant des étincelles


Il ne s’agit bien entendu pas d’arrêter de vivre, mais de prendre conscience combien notre environnement naturel est devenu hyper sensible avec un réchauffement climatique beaucoup plus rapide qu’on ne l’avait prévu. La sécheresse est désormais telle, sur pratiquement tout le territoire, même à la fin de l’hiver, qu’il est absolument nécessaire de changer nos habitudes. Nous ne pouvons plus faire ce que nous faisions il y a une, deux ou trois décennies : les choses ont changé, profondément. Et notre rapport aux éléments naturels doit s’adapter. Nous pouvons toujours replanter après les incendies - et c’est souvent nécessaire ! - mais il vaut toujours mieux prévenir que guérir. L’important est donc d’identifier les causes de ces feux de forêt à répétition. Et la cause majeure en est le réchauffement climatique produit par nos rejets d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Il convient donc de s'attaquer à la racine du mal. 


Emmanuel Macron a annoncé “un grand chantier national pour replanter”, ainsi que la mise aux normes des installations comme les campings. Il nous a assuré que nous avions la flotte d’intervention contre les incendies la plus moderne d’Europe. C’est pourtant la France qui déplore le plus de feux de forêt en Europe, après l’Espagne. Alors, si l’Etat peut agir matériellement afin d’avoir une réponse plus rapide aux départs d’incendies, que pouvons-nous faire, comme forestiers et citoyens ?

Les sécheresses provoquent les incendies

Pourquoi les forêts flambent-elles de manière si récurrente et dramatique ? Parce que les sécheresses sont de plus en plus marquées. Et sont amenées à l’être de plus en plus, ainsi que le relève le ministère de l’Ecologie. Nous sommes entrés dans un cercle vicieux où la sécheresse provoque le dépérissement des forêts et parfois leurs incendies, tous éléments qui relâchent d’énormes stocks de CO2 dans l’air, contribuant au réchauffement global et donc aux sécheresses. L’usage de l’eau par l’industrie (25% de la consommation en France) et l’agriculture provoquent des déséquilibres. Au cours de l’été, l’agriculture peut consommer jusqu’à 80% de l’eau disponible en France. Bien sûr, il faut se nourrir, mais une adaptation de notre modèle agricole est nécessaire. Par exemple, le maïs demande beaucoup plus d’eau que les légumineuses. Or, en France, il représente 9% de la Surface Agricole Utile, 60% de celle des Landes, tandis que 50% de la sole* maïs est cultivée sur la façade Atlantique, laquelle, au 21 juillet 2022, est très largement soumise à des restrictions d’usage de l’eau, notamment pour les Landes. Quant à l’usage du maïs, son principal débouché est l’alimentation animale (volailles, ovins, porcs…). Ne serait-il pas nécessaire de modifier notre agriculture, c’est-à-dire d’abord nos habitudes ? Nos habitudes alimentaires, mais aussi de vie : en économisant l’eau dans notre quotidien (pour nous laver, arroser, remplir les piscines, etc.) 


Il est par ailleurs maintenant connu que l’eau verte, celle qui est présente dans les sols et utile aux végétaux, particulièrement aux arbres pour se développer, commence à manquer. La limite a été franchie, qui permet de craindre que le manque d’eau fasse périr de plus en plus de forêts, lesquelles n’appelleront plus les pluies, et ainsi de suite. Les dérèglements climatiques sont des réactions en chaîne.

Comment adapter la gestion sylvicole pour éviter les feux de forêt ?

Que peuvent, de leur côté, faire les forestiers pour contribuer à cet effort collectif indispensable de diminution de la pression sur les nappes phréatiques et d’adaptation des forêts aux sécheresses qui s’annoncent avec une récurrence accrue ?


Leur mot d’ordre est aujourd’hui résilience. Pour conduire nos forêts vers plus de résilience qui doit les aider à mieux s’adapter aux conditions climatiques extrêmes qui s’annoncent, il convient de planter les bonnes essences et de les mélanger adroitement. D’abord de prendre garde à ne pas multiplier les essences gourmandes en eau dans les régions qui tendent à devenir de plus en plus sèches. C’est la raison pour laquelle le chêne pubescent, qui est une essence rustique comme le chêne vert, le chêne-liège, le pin maritime ou le cèdre de l’Atlas, est amené à remplacer  ou accompagner le chêne sessile dans bien des stations forestières françaises dont le déficit hydrique est de plus en plus criant. Certaines essences exotiques, de même, sont à éviter, ainsi des eucalyptus, qui boivent jusqu’à deux fois plus d’eau par jour que les pins.
Et puisque les meilleures essences sylvicoles sont souvent gourmandes en eau (chênes sessile et pédonculé, frêne, peuplier, Douglas, épicéa commun…) il convient de les accompagner, dans la mesure du possible, d’essences qui ont besoin de moins d’eau, telles les pins maritimes ou laricio. Il convient également de planter les essences dans leur habitat naturel, l’exemple de l’épicéa planté dans les plaines où il est largement attaqué par les scolytes tandis qu’il subit beaucoup moins sa pression en altitude, est éloquent.


La gestion forestière à couvert continu est également une bonne manière de lutter contre les incendies car, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les petits arbres qui repoussent sur des terres défrichées par des coupes rases propagent plus facilement les incendies que les vieux arbres. C’est d’ailleurs l’un des problèmes de la replantation après incendie. Les premières années sont à surveiller de très près.
C’est encore une façon d’éviter les coupes rases responsables du ruissellement de l’eau sur les sols quand, au contraire, la présence des arbres fait pénétrer l’eau et les minéraux en profondeur dans les nappes phréatiques. Conserver un couvert constant même lors des coupes d’arbres est le meilleur moyen de préserver l’écosystème forestier et d’engendrer des phénomènes de dépression qui provoquent la pluie et maintiennent un taux d’humidité raisonnable. C’est le principe de la futaie jardinée ou irrégulière. Des arbres de différents âges cohabitent, ainsi ne sont-ils jamais tous coupés dans le même temps et les plus grands protègent-ils les plus petits jusqu’à leur céder la place. Dans ces futaies à plusieurs étages, l’hétérogénéité des canopées crée de petites dépressions, l’air n’étant pas chargé de chaleur et d’eau dans des volumes comparables à chacun des étages. Cela favorise ainsi la condensation de l’eau, sa répartition et les précipitations.
C’est également, bien entendu, une manière de protéger la biodiversité, laquelle est primordiale dans la résilience des écosystèmes forestiers. Les forêts, en effet, sont plus qu’une somme d’arbres, et le rôle des animaux est aussi essentiel à leur régénération naturelle que celui des champignons à leur croissance. Plus une forêt abrite une population d’insectes, de champignons, de bactéries, de faune et de flore d’une grande richesse, plus elle sera à même de leur faire jouer leur rôle de défense naturelle contre les attaques de bioagresseurs. C’est à cette condition que les forêts seront pérennes, aptes à lutter contre les incendies et productives dans le même temps.

Enfin, les forestiers sont amenés à aménager des voies d’accès, à procéder à des coupes de cloisonnement et à “nettoyer” un peu certaines parcelles en débroussaillant et ramassant une partie du bois mort, les rendant ainsi moins sujettes à des départs de feu. Mais il est évident que même les meilleurs pare-feux ne sont pas de taille à stopper de gigantesques et puissants incendies comme ceux que nous avons connus en Gironde au début de l’été 2022. C’est pourquoi la meilleure réponse est la réduction de nos émissions de GES et la diminution de notre pression sur les réserves d’eau.

Que faire après un feu de forêt ?

L’ambition affichée par Emmanuel Macron de replanter ce qui a brûlé est juste si elle succède aux diagnostics et travaux de nettoyage. Il faut rester humble et ne pas se lancer précipitamment dans de grands projets de reboisement. En la matière, il convient dans un premier temps d’observer en faisant appel à des experts. Il convient ensuite d’accompagner une éventuelle régénération naturelle mais aussi de définir quelles essences d’arbres supporteront le climat promis à la station forestière en question. Alors, seulement, il sera possible de replanter de nouvelles essences. Les plantations ont surtout lieu dans les forêts d’exploitation, par exemple chez un propriétaire forestier dont la forêt, bien qu’entretenue, est partie en fumée. Malheureusement, dans le Sud-Ouest de la France, de plus en plus d’assureurs peinent à couvrir les forêts, trop menacées par les incendies. Certains forestiers ayant tout perdu pourraient compter uniquement sur la régénération naturelle. Mais même dans ce cas, pour obtenir des arbres qui donnent du bois de qualité, un travail d’accompagnement, de dégagements et de prélèvements est nécessaire. Ce qui a un coût. Une forêt dont on espère obtenir des arbres qui répondent aux critères d’exploitabilité fixés pour la production de bois d'œuvre ne pousse pas toute seule. Ainsi, si nous voulons mener à bien la transition écologique, nous avons besoin de bois de bonne qualité. 


Certains scientifiques, écologues ou biologistes expliquent qu’il ne sert à rien de replanter car la nature ressuscite d’elle-même. Ils ont raison, mais cela concerne principalement les parcs naturels ou les grandes forêts de biodiversité où il n’y a guère d'exploitation du bois à des fins commerciales.
Qu’on l’accompagne ou non, il faudra de toute façon plusieurs décennies pour que la forêt reprenne ses droits. Nous savons en revanche qu’une forêt de chênes qui a brûlé, par exemple, sera d’abord colonisée par les pins et toute sorte d’essences pionnières avant que les chênes y reviennent. Le travail du forestier consiste alors à hâter l'œuvre de la nature en plantant directement des chênes, lesquels n’ont aucun impact négatif sur la terre. 
Dans les Landes où la forêt est de production, il est fort probable que la régénération soit artificielle. Mais faut-il replanter des pins pour autant ? N’est-il pas temps de songer à diversifier cette immense forêt de pins qui est si malmenée depuis deux décennies, par les tempêtes et les incendies ? On peut y lire un signe de non résilience. 
L’école de la forêt est d’humilité ; sachons nous remettre constamment en question.

* Étendue de terre labourable destinée à une certaine culture pendant une période donnée de la rotation.
 

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