23 sept. 2020

Entretien avec l’expert forestier François du Cluzeau

François du Cluzeau, expert forestier, collabore avec EcoTree, pour l’achat et la gestion de nouvelles forêts.

Entretien avec l’expert forestier François du Cluzeau

François du Cluzeau, expert forestier, collabore avec EcoTree, lors de l’achat de nouvelles forêts. Il nous explique en quoi consiste son métier, comment il travaille pour gérer des forêts durablement et de quelle manière il prend en compte quotidiennement le réchauffement climatique pour adapter les plantations forestières.

En quoi consiste le métier d’expert forestier ?

François du Cluzeau : La première partie du métier, c’est la gestion forestière. L’expert forestier s’occupe de la maîtrise d’oeuvre de toutes les opérations. Il est un peu l’architecte de la forêt. C’est lui qui rédige les documents de planification de la gestion pour les 10, 15, 20 prochaines années, et qui fait agréer ces propositions d’aménagement par l’administration. 
Ce n’est qu’une fois que nous avons obtenu le tampon de l’administration française que nous pouvons commencer à travailler dans les bois. Il faut faire agréer des Plans Simples de Gestion (PSG) pour pouvoir entreprendre des travaux dans les forêts françaises

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les Plans Simples de Gestion ?

F.C. : Dans les Plans Simples de Gestion se trouvent tous les renseignements administratifs et techniques. Ce sont eux qui expliquent de quoi est composée la forêt et qui précisent la planification des travaux. Ils présentent également la cartographie de la forêt, de ses peuplements, des parcelles, etc. François du Cluzeau

 

C’est donc un travail qu’il faut réaliser sur le terrain.

F.C. : Tout à fait. Nous sommes souvent assistés de techniciens qui nous aident à obtenir une vision globale, afin de définir la stratégie et les objectifs du propriétaire de la forêt. Il existe en effet différentes façons de gérer une forêt, et notre rôle est de vérifier que les attentes du propriétaire coïncident avec ce qu’il est possible de faire. 

Une fois que cela est fait, c’est généralement l’expert forestier qui est gestionnaire de la forêt dont il a été chargé. C’est alors lui qui s’occupe du martelage des bois à vendre, puis de la vente des bois. Cela se fait généralement sous forme d’appel d’offres, un peu comme une vente aux enchères. L’expert se charge encore du rapport avec l’administration, et de la sécurisation de l’environnement juridique de la propriété forestière : assurances, réglementation spécifique, etc. 

L’expert peut-il réaliser les travaux ?

F.C. : L’expert forestier est responsable des travaux, mais il n’a pas le droit de les faire lui-même. La profession est réglementée afin que l’expert soit tout à fait indépendant dans les conseils qu’il donne. Vous imaginez bien qu’il ne nous est pas possible d'acheter les arbres que nous avons désignés. Nous sommes seulement les maîtres d’oeuvre des travaux. Nous nous occupons du cahier des charges des plantations, des créations de routes... 

Quelle est la deuxième partie du métier ?

F.C. : La deuxième partie du métier, c’est l’expertise. L’expert donne la valeur d’une forêt quand le propriétaire en a besoin, dans le cadre d’une transaction ou d’une succession. C’est une mise en place assez lourde et chronophage, d’estimer la valeur d’une forêt. Cela prend beaucoup plus de temps que d’estimer la valeur d’un appartement, par exemple. Il faut arpenter la forêt et faire des calculs.
Nous pouvons aussi être amenés à estimer la valeur d’un bois dans le cadre d’un préjudice, en cas d’incendie, de tempête, ou si un tracteur y cause des dégâts, par exemple. Cela peut aussi concerner des expertises judiciaires ou amiables, avant des litiges. Pour ma part, je suis expert auprès de la cour d’appel de Versailles. Mais ce sont des cas assez rares. 

Et quel est le travail que vous menez, précisément, pour EcoTree ?

Pour EcoTree, j’ai été amené à fournir l’expertise nécessaire à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), afin que la société puisse initier la commercialisation d’arbres. L’expertise a été principalement technique, plus que juridique et administrative. J’ai été chargé d’analyser les propositions, le fonctionnement et l’aménagement que EcoTree voulait mettre en place dans le cadre de sa gestion forestière. J’ai visité les plantations qu’ils possédaient et j’ai fourni un rapport qui a permis à l’AMF de valider l’aspect économique d’EcoTree. 
Tout cela est fait dans un objectif de sécurisation, afin que personne ne soit lésé. 

J’ai beaucoup aimé la manière de travailler des cofondateurs d’EcoTree, notamment leur côté entreprenant et nous avons donc continué à travailler ensemble. Aujourd’hui, je fournis les attestations pour les plantations forestières que vous effectuez et que vous commercialisez. Je ne délivre d’attestation qu’une fois que le dossier me semble bon. 
Un des gros travaux que nous menons ensemble porte sur les scénarios de croissance des peuplements. La grande difficulté des forestiers est de se projeter et d’imaginer quel sera le volume d’arbres dans cinquante ans, et à quel prix les arbres pourront être vendus. C’est d’une immense difficulté et on ne peut jamais être certain du pari que l’on fait, mais on fait en sorte d’être au plus juste. Cela va aussi bien dans l’intérêt d’EcoTree que de ses clients qui achètent des arbres. 
Tout ce travail que nous menons ensemble a vocation à sécuriser l’avenir. On ne peut pas tout prévoir, mais pour ce qui est de la partie théorique de croissance des arbres en fonction du sol et de la pluviométrie, nous sommes raisonnables et le plus juste possible. 

J’accompagne aussi EcoTree pour expertiser des forêts à vendre. Je donne mon avis avant achat, pour que celui-ci soit rentable. Au bout du compte, EcoTree n’acquiert qu’une forêt sur trois ou sur quatre que j’ai expertisées. 

Expert forestier

Y a-t-il une notion de gestion durable des forêts dans le travail d’expertise que vous menez ?

F.C. : Oui, ça me semble si évident que j’ai oublié de le mentionner, mais c’est la base. On ne sait pas gérer une forêt de façon non durable. Cela n’existe plus en France, dans le cadre de forêts gérées sous PSG. La gestion durable est une obligation. Tout ce qui est fait et validé présente une garantie de gestion durable. C’est la première chose que je vérifie : le projet est-il durable et viable ? Est-ce qu’on ne plante pas des arbres au mauvais endroit ? La base de la durabilité est l’adaptation d’une essence au sol, à la pluviométrie et à l’ensoleillement. 

Prenez-vous en compte les effets du réchauffement climatique ?

F.C. : Aujourd’hui, personne n’est capable de dire quelle sera l’adaptation d’une essence ou d’une autre. Nous sommes évidemment prudents. Là où nous savons que les essences atteignent les limites de ce qu’elles peuvent tolérer dans une station, nous les évinçons au profit d’essences qui sont bien adaptées. Ce que nous faisons, surtout, c’est un mélange des essences. Ce n’est pas toujours facile ni réalisable, surtout sur une petite surface, mais EcoTree le fait de plus en plus. 
Cela permet de diminuer les risques de catastrophe parce qu’une essence ne supportera peut-être pas le changement climatique tandis qu’une autre le supportera mieux. 
Lors des plantations, on prend forcément en compte le changement climatique, mais sans vraiment savoir ce qui va se passer. C’est lié aux essences mais aussi aux secteurs. 
Certaines forêts d’altitude, vers 1000 mètres, où il fait encore frais et où la pluviométrie est bonne, meurent parfois beaucoup plus rapidement que d’autres, qui sont à cent mètres d’altitude, dans des conditions plus chaudes. Pourtant, il s’agit de la même essence. Je suppose - et il est difficile de faire mieux aujourd’hui - qu’un arbre qui a toujours poussé dans une région où la sécheresse est régulière, s'est adapté, habitué au manque d’eau. Ainsi, quand il vient à manquer d’eau de façon très importante à 50, 80 ou 100 ans, cela ne le tue pas forcément. A contrario, le même arbre qui aura été planté dans des conditions extrêmement favorables, qui n’a jamais connu le manque d’eau peut succomber à une grosse vague de chaleur pourtant passagère. 
Nous sommes donc dans une grande incertitude. Les scientifiques se contredisent d’année en année. On pensait il y a quelques années que le hêtre serait la première essence à dépérir. Par endroits, cela est vrai, mais on note aussi que cet arbre a une grande capacité d’adaptation...

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