25 janv. 2021
Pourquoi les essences exotiques d’arbres sont utiles dans nos forêts
Les essences exotiques d’arbres enrichissent nos forêts depuis plusieurs siècles, voici quels sont leurs usages et leur utilité.
Les essences exotiques d’arbres enrichissent nos forêts depuis plusieurs siècles, et sont sous le feu des critiques de certains écologistes qui semblent méconnaître leur usage et leur utilité. Non seulement le bois exotique a bien des vertus que nous serions stupides de ne pas exploiter, mais certaines essences de résineux importées sont très efficaces pour stocker le CO2 qui est la cause principale du réchauffement climatique. Voici pourquoi les essences d’arbres exogènes ont aussi leur rôle à jouer en France et en Europe, à condition d’être intelligemment intégrées.
Pour relancer l’économie, le Fonds forestier national plante des résineux exotiques après la guerre
C’est sous l’impulsion du Fonds forestier national que des essences d’arbres résineux exotiques ont été plantées en France assez massivement, après la Seconde Guerre mondiale. L’objectif était de relancer l’économie et l’emploi et de reconstituer rapidement des forêts sur le territoire français.
Aujourd’hui, beaucoup de ces plantations arrivent en fin de cycle et l’on peut légitimement se poser la question de savoir s’il faut replanter selon le même schéma ou s’il faut adapter nos plantations. C’est l’affaire des forestiers. Mais, puisque la plantation d’essences d’arbres exogènes semble également devenir un problème idéologique, il nous appartient, en tant que forestiers, de faire de la pédagogie et d’expliquer quels sont les apports de ces essences d’arbres.
Que sont et d’où viennent les essences exotiques ?
Une essence exotique est une essence d’arbre non-indigène ou non spontanée, qui provient de pays « exotiques », c’est-à-dire étrangers. Des essences exotiques ont été introduites depuis fort longtemps sous nos contrées. Non seulement la nature, par les cycles de réchauffement et de refroidissement de l’atmosphère, modifie lentement l’anatomie des forêts (qui ne sont pas peuplées aujourd’hui des mêmes arbres qu’il y a 10 000 ans), mais l’homme y contribue.
Depuis la sédentarisation des sociétés humaines, les hommes ont importé et adapté des espèces animales et végétales pour se nourrir ou dans un souci d’ornement et d’organisation de l’espace.
Ainsi la vigne, par exemple, n’est-elle pas une espèce indigène de France. Les premiers pieds de vigne semblent provenir d’Asie mineure, dans les régions de la Géorgie et de l’Arménie. Pour orner la cour, le marronnier d’Inde a été introduit en France au début du XVIIe siècle. C’est une essence originaire des Balkans. Le noyer, le pommier, le poirier, le cerisier ont été acclimatés en Europe occidentale par les Romains et proviennent d’Asie Centrale et occidentale. Le hêtre, lui, est originaire d’Europe Centrale. L’olivier peuplait les rives orientales de la Méditerranée avant d’être introduit en Italie, en France, en Espagne. Le châtaignier a également été introduit dans les Cévennes par les Romains pour cultiver la châtaigne. C’est une essence d’arbre originaire d’Asie centrale. Or, nous savons combien certaines de ces essences ont été importantes pour nourrir les populations pendant des siècles. Faudrait-il à présent les bannir, sous prétexte de retrouver la supposée pureté originelle d’un continent vierge de toute influence humaine ?
A ce compte, devons-nous en revenir à l’alimentation médiévale, donc nous passer de la pomme de terre, de la tomate, de l’aubergine, du concombre et du cornichon, du fenouil et de l’angélique ?
Devrions-nous cesser les expérimentations qui consistent à planter des essences méditerranéennes dans les régions plus septentrionales, afin d’anticiper les effets du réchauffement climatique et pour que nos forêts ne meurent pas toutes de sécheresse ?
Avantages des essences d’arbres exotiques
Foin du romantisme et de la mauvaise foi, le problème ne vient pas de l’adaptation d’essences d’arbres exotiques. Il peut venir de ce qu’elles ne sont pas plantées au bon endroit ou selon une sylviculture monospécifique qui, quelle que soit l’essence plantée, est à éviter.
Au contraire, Sapin de Douglas, Chêne rouge d’Amérique, Thuya, Séquoia, Cèdre, Eucalyptus etc, ont un indéniable intérêt sylvicole.
Certaines essences d’arbres comme l’araucaria, le cryptoméria, le marronnier, ont été introduites uniquement pour servir de plantes ornementales et ne sont donc pas cultivées dans les forêts.
A l’inverse, le robinier faux-acacia a été introduit d’Amérique du Nord notamment pour repeupler des terres gastes. Cette essence pionnière croît rapidement sur des terrains pauvres et dégradés qu’elle contribue à enrichir, notamment en fixant l’azote par ses racines comme la plupart des légumineuses de sa famille. Il fait désormais partie des essences d’arbres les plus cultivées, bien que certains le considèrent comme une espèce envahissante. C’est une essence qui se propage en effet rapidement, mais qui, comme essence pionnière, finit par céder la place à d’autres essences, une fois qu’elle a enrichi le sol. Par ailleurs, les qualités de son bois le rendent précieux. Quasiment imputrescible, il est très durable et peut aisément remplacer d’autres bois exotiques plus onéreux et qui ne sont pas toujours cultivés de manière durable, notamment dans les forêts tropicales. Enfin, fleurissant au début du printemps, il nourrit les abeilles au sortir de l’hiver.
D’autres essences exotiques (Douglas, Thuya, Chêne rouge d’Amérique) ont une croissance rapide qui permet d’obtenir du bois de qualité en peu de temps. Leur rectitude est très satisfaisante pour en faire du bois de construction. Par ailleurs, les forêts d’essences résineuses exotiques stockent du CO2 plus rapidement que les forêts de feuillus.
Quelle quantité de CO2 captent les essences résineuses exotiques ?
Les essences résineuses exotiques du type Douglas ne séquestrent que très peu de carbone. En tout état de cause, elles en absorbent moins que nos forêts de feuillus sur la durée totale de leur vie. Un chêne séquestre davantage de CO2 par m3 de carbone absorbé, parce qu’il a une infradensité supérieure à celle du Douglas, par exemple. L’infradensité est le rapport entre la masse de bois sec et le volume de bois vert, soit la masse sèche contenue dans le volume humide. Chez le chêne, elle est de 0,57, quand elle n’est que de 0,43 chez le Douglas. Un hectare de forêt de chêne séquestre donc environ 100 tonnes de carbone, contre 90 t pour une forêt de Douglas.
Mais cela fonctionne sur le temps long, et si l’on considère la forêt au bout de son cycle de croissance. Car le chêne, s’il capte plus de CO2, met plus de temps à l’absorber et le stocker. Il faut ainsi environ un siècle pour obtenir 300 m3 de bois de chêne, alors qu’il faut deux fois moins de temps pour obtenir la même masse de bois de Douglas.
Par conséquent, en cinquante ans, une forêt de Douglas aura séquestré à peu près deux fois plus de carbone qu’une forêt de chênes. D’autre part, au bout de cinquante ans, le bois du Douglas aura des usages bien plus intéressants que le bois de chêne. Le Douglas pourra être employé en charpente ou en menuiserie, tandis qu’un peuplement de chênes de 50 ans ne pourra globalement fournir que du bois de chauffage. Or, nous savons que le CO2 qui est séquestré à long terme est le plus intéressant pour lutter contre le réchauffement climatique. Il vaut bien mieux stocker le CO2 dans la construction et l’ameublement pour plusieurs décennies ou plusieurs siècles, en le substituant à des matériaux polluants tels que le béton, l’aluminium ou le plastique qu’en faire du bois rapidement dégradé par la combustion qui rejette le CO2 stocké par le bois dans l’atmosphère.
Approche sylvicole des plantations d'essences exotiques
In fine, il ne faut pas prendre en compte le carbone stocké uniquement par l’arbre mais aussi à l’échelle de la forêt. Dans cette approche sylvicole, les forêts de feuillus comme les forêts de résineux exotiques ont des effets vertueux, chacun à son échelle et selon l’utilisation qui lui est propre.
Si une forêt de résineux contient moins de biodiversité qu’une forêt de feuillus, il est tout à fait possible de mélanger les essences de feuillus aux essences de résineux. C’est la sylviculture que nous menons, notamment dans nos forêts de Bretagne. Au bout du compte, l’approche sylvicole la plus intéressante et la plus pertinente est celle qui prend en compte la terre sur laquelle est plantée la forêt et qui y installe les essences les mieux adaptées. Ne planter que des essences résineuses exotiques serait effectivement mettre en danger notre biodiversité, mais en planter de manière mesurée et en sachant pourquoi on le fait et quels bénéfices on en retire est une sylviculture vertueuse et durable.
Comme souvent dans la vie, tout est question de mesure et de nuance. Il est aussi malvenu de stigmatiser les essences exotiques résineuses qui ont bien des qualités que nous savons mettre au profit des sociétés humaines et de la lutte contre le réchauffement climatique qu’il le serait de ne cultiver que ces essences. L’Homme intervient dans la nature et dans le développement des forêts depuis très longtemps, même dans les forêts tropicales que l’on dit vierges. Dans une sylviculture raisonnée, menée en futaie irrégulière et mélangée, chaque essence a sa place et, feuillus comme résineux, indigènes comme exogènes ont un intérêt économique, écologique et culturel.