4 juil. 2022

Sans champignons, il n’y a pas d’arbres

Le rôle symbiotique des champignons et des arbres est irremplaçable pour les uns comme pour les autres car tous deux s’apportent des éléments vitaux.

Sans champignons, il n’y a pas d’arbres

On sait que les champignons jouent un rôle non négligeable dans le développement des arbres, de par leurs interactions. On ne se doute peut-être pas qu’au sens strict, les arbres ne vivent pas sans champignons. C’est l’enseignement de Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.

Les arbres n’exploitent pas eux-mêmes le sol

Depuis sans doute des centaines de millions d’années, explique Marc-André Selosse, les arbres n’ont jamais exploité eux-mêmes le sol. Ils l’exploitent par le biais de champignons, tandis que ces derniers ont besoin des arbres qui sont leur seule source de carbone. 
Ainsi, puisque la santé de la racine de l’arbre est vitale pour les champignons, ils ont développé des caractéristiques qui leur permettent de lui être bénéfiques. C’est ce qui explique qu’un arbre non mycorhizé pousse beaucoup moins bien qu’un semblable qui bénéficie du concours des champignons. 
Et le scientifique de nous apprendre que les arbres qui sont mycorhizés et forment un abondant mycélium en surface n’ont ni vu ni touché le sol depuis des millions d’années! Les pointes racinaires les plus jeunes sont protégées par un manchon de champignons tandis que les plus âgées sont protégées par l’écorce. Ainsi ne sont-ils pas directement confrontés au calcium des régions calcaires et les arbres jugés calcicoles ne le sont-ils pas réellement, les champignons avec lesquels ils vivent en symbiose rejetant pour eux ce calcium. 

Eviter les coupes rases pour préserver les champignons

Dans les forêts, la symbiose entre arbres et champignons se manifeste par un manchon mycorhizien nourricier qui protège les arbres. C’est la raison pour laquelle, lorsqu'il n’y a plus d’arbres sur un sol forestier, notamment à la suite d’une coupe rase, les champignons ne sont plus nourris et meurent, car l’association leur est aussi nécessaire qu’aux arbres. Par conséquent, à la suite de coupes, même dans une forêt menée en taillis où les arbres demeurent à l’état de souche mais sont coupés à la base, la majorité des champignons disparaît. Les truffes comptent parmi les rares espèces de champignons qui demeurent, ainsi remarque-t-on que la trufficulture bénéficie du mode de sylviculture en taillis. Si la recherche, nous dit le scientifique, ne permet pas encore de qualifier chaque taxon de champignon dont l’association est nécessaire à chaque essence d’arbre, il est évident que plus ils sont nombreux et divers, plus la croissance et la santé des arbres en tirent profit. Et il est établi que les champignons de l’ère d’origine des arbres leur sont plus favorables que ceux où ils seraient implantés en tant qu’espèce exotique, ce que des tests sur le Douglas ont notamment démontré. 

A chaque essence d’arbre ses champignons

Marc-André Selosse raconte cette mésaventure des explorateurs français du XVIIIe siècle qui souhaitaient implanter des pins en Afrique. Ces arbres, qui poussent si facilement et si rapidement chez nous, et dans une grande partie du monde, ne s’implantaient pas en Afrique, et mourraient très vite après leur germination. Ne se laissant pas démonter, les colons apportèrent de petits plants de pins avec leur motte et leurs racines. Ce faisant, poursuit Marc-André Selosse, ils apportèrent, sans le savoir, les champignons avec les arbres. Les champignons capables de vivre en symbiose avec ces arbres et de développer la mycorhize (l’association des champignons aux racines des arbres). 
Dans ces conditions, les deux partenaires sécrètent de toutes petites protéines qui pénètrent dans l’autre partenaire et régulent le fonctionnement des cellules. C’est un mélange biochimique qui s’opère entre arbres et champignons. Pour cela, il faut que l’essence d’arbre implantée rencontre les champignons avec lesquels s’associer, ce qui n’est naturellement pas le cas des essences exotiques dont l’évolution ne s’est pas faite, pendant des millions d’années, avec les champignons indigènes.

Les champignons adultes favorisent la mycorhization des plus jeunes

Lorsque de jeunes plants d’arbres poussent auprès d’arbres adultes de la même espèce, nous enseigne encore le chercheur, leur croissance est favorisée par la mycorhization déjà présente. Il n’y a pas eu de rupture générationnelle, ainsi les jeunes pousses peuvent-elles tirer profit des champignons que les anciens ont nourris, en espérant les supplanter au plus vite. Dans ce cas, les vieux arbres morts ne sont d’aucune utilité (pour la mycorhization), il faut bien de vieux arbres vivants ! Et l’on note que, mieux mycorhizés, les arbres se nourrissent mieux. Qu’ils produisent, par conséquent, du meilleur bois. 
Dans les systèmes mycorhiziens de la forêt tempérée, insiste Marc-André Selosse, l’installation d’une espèce d’arbres est favorisée par l’installation préalable de quelques individus pionniers, car ceux-ci nourrissent des champignons qui lui permettront de s’installer encore mieux après. C’est ainsi qu’il vaut mieux éviter de couper tous les arbres avant d’en replanter, et de conserver plutôt un couvert continu pour favoriser l’état du sol, donc de la mycorhization, partant de la croissance des arbres forestiers. Le passage de relais se fait mieux avec une superposition des générations. C’est le principe de la forêt irrégulière
Enfin, d’une certaine manière, les arbres, avant de perdre leurs feuilles, les chargent d’azote et de phosphate qui leur seront rendus au sol, notamment par l’action des champignons décomposeurs. Les arbres veillent à nourrir les champignons au sol grâce aux feuilles qu’ils décomposeront au printemps, parce que les champignons nourrissent les arbres en retour. C’est le principe de leur vie symbiotique aussi utile aux deux organismes. En cela rien de magique mais la beauté d’une nature dont tous les éléments sont intriqués et complémentaires. Le principe même de l’écosystème.
 

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