3 déc. 2020

Quel est le rôle des feuilles mortes dans l'écosystème forestier ?

A l’automne, les feuilles des arbres tombent, recouvrant le sol et formant une litière indispensable à la survie de l’écosystème forestier dans son ensemble.

Quel est le rôle des feuilles mortes dans l'écosystème forestier ?

A l’automne, les feuilles des arbres tombent, recouvrant le sol et formant ce qu’on appelle la litière. Ce phénomène naturel n’est pas seulement inévitable, il est indispensable à la survie de l’écosystème forestier dans son ensemble. Pendant des siècles, les feuilles des arbres furent collectées dans les forêts, appauvrissant sensiblement les sols, donc la productivité des forêts. Désormais, nous savons combien ces matières organiques sont riches et importantes. Surgies de terre, les feuilles doivent retourner en terre. Ainsi va le cycle de la vie.

Mortes, les feuilles d’arbres ont encore un rôle à jouer

Pensiez-vous que les feuilles d’arbres n’avaient qu’une fonction décorative et qu’une fois au sol, elles n’étaient plus utiles ? Non, bien sûr. Mais peut-être pensiez-vous qu’elles servaient aussi à nous procurer de l’ombre l’été ? A moins que vous ne connaissiez leur rôle fondamental dans la photosynthèse qui permet aux arbres de se nourrir ? Vous seriez déjà bien renseignés. Mais aviez-vous songé que ces déchets verts, comme on les appelle encore communément, surtout dans les espaces verts des villes où on ne veut pas les voir traîner, pouvaient avoir une fonction primordiale en leur état de déchet ?
Vous hausserez sans doute les épaules, si vous êtes déjà féru d’écologie, en vous disant que bien sûr, c’est une évidence de laisser les feuilles mortes où elles sont tombées plutôt que de les ramasser à la pelle, comme chantait mélancoliquement Yves Montand. Pourtant s’il le chantait, c’est qu’elles étaient bien ramassées, méthodiquement, ces feuilles mortes. Et le sont toujours en bien des endroits. Or, la science nous prouve qu’il est bien plus utile de les laisser au sol. Non seulement pour la poésie de ces parures fauve et or qu’elles forment, mais aussi pour le renouvellement des sols, donc des forêts. 

Quand les feuilles mortes étaient ramassées

Qui aujourd’hui, à part les jardiniers des espaces verts de parcs municipaux ou de résidences privées ; à part les jardiniers du dimanche que nous pouvons être, ramasse encore avec frénésie les feuilles tombées des arbres en automne ? Il est certes peu commun de faire ce travail en forêt, et pourtant ! En Europe centrale, pendant des siècles, les feuilles mortes étaient systématiquement ramassées par ratissage pour le bétail. Les feuilles mortes servaient de litière aux animaux de l’étable avant d’être répandues, agrémentées du fumier qu’elles avaient récolté sur les champs cultivés, jouant le rôle d’engrais riche. Les sols cultivés en étaient certes engraissés, mais les forêts privées. 
Or, cette pratique courante a duré au moins depuis le XIIe siècle et jusqu’après la seconde guerre mondiale, entraînant des conséquences néfastes sur le long terme dans les écosystèmes forestiers. Cette pratique a heureusement disparu dans la plupart des forêts, bien qu’on la déplore encore dans les espaces citadins privés, et une étude publiée en 2005 dans la Biological reviews de la "Cambridge philosophical society" en analyse les conséquences. 

Les sols forestiers souffrent de l’absence de feuilles mortes

Avec les brindilles et les déchets organiques non décomposés, les feuilles mortes forment ce qu’on appelle la litière. Un sol forestier est normalement couvert de 12 à 15 tonnes de litière par hectare, et en produit 3 à 9 tonnes par hectare chaque année. Ainsi, sachant qu’au début du XIXe siècle, avec l’arrivée de nouvelles cultures telles le houblon et la pomme de terre, de plus en plus de forêts furent converties en terres agricoles et que, par conséquent, la quantité totale de feuilles mortes était moindre pour une demande plus importante, on ramassait jusqu’à 15 tonnes de litière par hectare dans une forêt de hêtres, soit la totalité de la litière. 
Un demi-siècle plus tard, plusieurs études scientifiques alertaient sur le danger que cela représentait, et même les paysans se rendaient compte que la production de feuilles mortes ne faisait que baisser, le rendement étant deux à trois fois moindre. Assez rapidement, on constate ainsi qu’une forêt que l’on prive de sa litière péricilite. La production de bois diminue de moitié et les cernes de croissance sont environ 30% plus étroits. Et malheureusement, bien que cette pratique ait été interdite aux alentours des années 1950, ses effets étaient encore visibles en Autriche, en Suisse ou en Allemagne plusieurs décennies après. 
Le prélèvement systématique des feuilles mortes a entraîné un très net appauvrissement des sols, par conséquent de la biodiversité et donc un manque de croissance des arbres. Comment auraient-ils pu pousser, alors qu’on leur avait ôté le pain de la bouche ? Eh oui, les arbres sont autotrophes, c’est-à-dire capables d’élaborer leur propre substance nutritive à partir des minéraux du sol et, partiellement, de ce qu’ils ont produit eux-mêmes. 

Quel est le rôle des feuilles mortes au sol ?

Si l’Europe centrale est si largement peuplée de résineux, c’est pour partie dû à cet appauvrissement des sols. Sans litière, le sol est moins riche, et les résineux sont moins exigeants. Mais dans le même temps, ils travaillent à acidifier les sols et les rendre plus difficilement colonisables à leurs cousins feuillus
Voici pourquoi il convient de conserver les feuilles au sol, la litière jouant un rôle très important dans l’écosystème forestier. Pour commencer, elle protège le sol minéral de l’action directe de l’eau, amortissant la chute des gouttes de pluie qui séparent les particules du sol. Elle prévient aussi la compaction du sol et empêche le ruissellement des particules de terre. 
Fonctionnant comme une grosse éponge, la litière stocke jusqu’à 15% de l’eau de pluie qu’elle restitue lentement, en permettant l’infiltration en profondeur. 
Par ailleurs, la lente décomposition des feuilles mortes alimente le sol en matière organique, que l’on appelle humus. Lorsque l’humus est prélevé de manière répétée, une acidification du sol se met progressivement en place, qui modifie sa structure, empêchant, in fine, certaines essences d’arbres de s’y implanter ou d’y croître. 
Enfin, la décomposition des feuilles d’arbres joue un rôle direct dans la libération des éléments minéraux que prélèvent les racines des arbres pour se nourrir. Dans une forêt où la litière est systématiquement prélevée, on perd 40 à 50% de la quantité d’azote, qui est un élément essentiel à la nutrition des plantes. Les feuilles des arbres sont donc moins riches en azote, se développent moins, en libèrent moins en tombant et c’est le début d’un cercle vicieux. Il en est de même du phosphore et encore d’autres éléments minéraux indispensables au cycle de vie de l’arbre
Cela, sans évoquer le désastre que représente pour les insectes ou les champignons l’absence de couverture sous laquelle se développer et qui les nourrissent. De même que certaines plantes fragiles ne peuvent germer et pousser en l’absence d’une litière confortable. Ainsi, progressivement, en l’absence de feuilles mortes couvrant le sol, les arbres ont le plus grand mal à se développer mais aussi à produire des graines, tandis que celles-ci sont condamnées à mourir desséchées dès l’éclosion ou détruites par des pluies trop fortes.
La nature fait bien les choses, n’entravons pas son œuvre. 
 

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