2 avr. 2020

Smart Cities : développement durable ou meilleur des mondes ?

Les villes dites intelligentes sont-elles la solution idéale à la lutte contre le réchauffement climatique, ou de dangereuses utopies ?

Suzanne Sinniger
Suzanne SinnigerChargée de communication
Smart Cities : développement durable ou meilleur des mondes ?

Une grande quantité de littérature se publie ces dernières années au sujet de l’avènement des smart cities. Ces villes dites intelligentes et connectées seraient la solution idéale à la lutte contre le réchauffement climatique et à la prise en compte des problématiques du développement durable pour le futur. Derrière les belles maquettes et les projets séduisants portés par les grands acteurs de l’économie et de la technologie mondiale, la réalité est-elle si verte ? Le monde de demain sera-t-il créé ex-nihilo par de grands trusts financiers où tout et tout le monde sera connecté ? En dépit de très belles idées et d’incontestables réussites techniques, nous nous interrogeons. Quand la science-fiction cherche à s’imposer au monde réel, c’est rarement une réussite.

Les rêves fous de nos architectes

Le Corbusier avait sans conteste du génie, mais ses immeubles-villes tiennent aujourd’hui davantage du musée ou de la curiosité architecturale, voire de l’utopie, que de l’habitation ou du lieu de vie tels qu’on les entend ordinairement. Le bilan des villes nouvelles françaises construites à partir des années 1960 est globalement mitigé. L’on pourrait ainsi multiplier les exemples.
D’un côté existe ce rêve vieux comme le monde d’une cité idéale, harmonieusement inscrite dans son paysage où vivrait un peuple paisible, dans une sobriété heureuse ; d’un autre côté, l’utopie s’écrase souvent contre un réel plus complexe. Les architectes sont nombreux aujourd’hui à vouloir régénérer le monde et inventer les villes de demain. De Dominique Perrault et son obsession de la ville souterraine à Stefano Boeri et ses immeubles couverts d’arbres en passant par Jean Nouvel, Rudy Ricciotti, Franck Gehry, Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Shigeru Ban…, les villes de demain risqueraient de ne ressembler à rien de ce que nous connaissons, si nous les laissions agir en toute liberté.
Bien entendu, il faut de la nouveauté, de la pensée, de la théorie, mais malgré les protestations des intéressés et les promesses des promoteurs, les villes ou les immeubles imaginés sur le papier oublient souvent de prendre en compte ceux qui les habiteront, et qu’on n’impose pas un nouveau mode de vie sans quelque brutalité. Et si le développement durable est placé au coeur des projets, est-ce autre chose qu’un prétexte pour faire passer la pilule ?

Smart City : Google à la manoeuvre ?

Le postulat est celui-ci : une très large majorité de la population mondiale vit ou vivra bientôt dans des villes, d’où la nécessité de penser la ville du futur. La “smart city” ou ville intelligente, entend tirer profit des nouvelles technologies numériques pour améliorer la vie quotidienne dans les villes, ainsi que le développement durable. Nous savons que l’écologie est le principal enjeu de notre siècle, dont aucun projet architectural sérieux ne peut faire l’économie.
Ce n’est pas que nous craignions les nouvelles technologies mais on peut d’abord se demander si leur intégration partout dans les smart cities est tout à fait conciliable avec une véritable écologie (en France la simple installation des compteurs Linky n’a pas fini de soulever des polémiques et des interrogations, tant sur son coût financier qu’écologique), et si nos enfants auront vraiment envie d’évoluer dans des villes où tout est en réseau, donc surveillé.
La smart city, lit-on dans Futura science, “consiste à intégrer l'ensemble des technologies de l'information et de communication (TIC), le digital, afin de fluidifier les éléments clés qui caractérisent nos villes. Data, intelligence artificielle ou encore capteurs, objets connectés, réseaux intelligents et communicants sont devenus le quotidien. Ces technologies sont mises au service de la ville d'aujourd'hui, notamment pour son organisation, ses équipements collectifs, sa consommation d'énergie, ses bâtiments et constructions, les déplacements, la vie quotidienne et le travail, les loisirs, etc.”
Autrement dit, il faudra bien que quelqu’un gère toutes ces données et prenne les décisions, dans le but “de « monitorer » en direct la ville afin d'en faciliter l'organisation, d'en améliorer le fonctionnement et de créer de nouveaux usages pour les citoyens, entreprises, services publics, etc.” Qui dit ville intelligente suppose qu’une intelligence soit à la manoeuvre. Peut-on également se poser cette question : ne seraient-ce pas les villes qui, selon la logique des smart cities, seraient mises au service des nouvelles technologies, en justifiant leur développement ?
A Toronto, c’est ainsi une filiale d’Alphabet, maison-mère de Google, qui va créer sa “ville du futur”. Pour l’instant, il ne s’agirait que d’un district, soit un grand quartier de la ville, véritable “laboratoire à ciel ouvert pour tester les nouvelles technologies”.
La filiale chargée du projet, Sidewalk Labs, présente évidemment la chose sous un dehors sympathique, attrayant et écologique. “Plus d'un milliard d'euros sera consacré à la construction de bâtiments en bois, d'infrastructures pour les voitures autonomes et les vélos, mais aussi pour la mise en place de capteurs et d'un réseau Wi-Fi public.” Mais également : “au milieu de ces immeubles et de ces routes, le prochain siège de Google au Canada. Le tout en promettant de réduire les gaz à effet de serre de 89 %.”
Bien entendu, Google n’est pas une entreprise philanthropique, mais méfions-nous que l’argument écologique ne cache une réalité beaucoup moins noble. On reproche déjà à Google de maquiller son empreinte carbone sous des actions écologiques qui ne suffisent pas à endiguer ses émissions de GES. Et l’on comprend bien que si la société de Larry Page est prête à investir des milliards dans ce genre de projet, c’est qu’elle sait quel bénéfice elle en retirera.

Smart City : un succès en Chine et en Espagne

D’abord annoncée pour 2020, la cité écologique du futur imaginée par Stefano Boeri Architetti est encore loin d’être livrée. Les travaux devraient finalement commencer cette année. Il s’agit de bâtir une ville dans la ville de Liuzhou, dans la province de Guangxi, au Nord de la Chine, qui serait une cité-forêt de 175 hectares, entourée de 40 000 arbres et abritant un million de plantes de plus de 100 espèces différentes. Magnifique projet qui, dit-on “permettra à la ville de se fondre dans le paysage, tout en relâchant, selon les calculs du cabinet d'architecture, 900 tonnes d’oxygène dans l’atmosphère et d'absorber 10 000 tonnes de CO2 et 57 tonnes de polluants par an.”
En effet, comme l’a rappelé l’architecte, “les villes produisent près de 70 % des émissions de CO2 et sont donc en partie responsables du réchauffement de la planète, de la fonte des glaces et la hausse du niveau des mers”. Cette barrière naturelle aidera également à lutter contre le bruit, la surchauffe, et à protéger la biodiversité en abritant et nourrissant des oiseaux, insectes et autres petits animaux. Nous savons que la pollution est un enjeu majeur en Chine, et nous soutenons bien entendu les projets de développement de la biodiversité. Toutefois, ce genre de ville construite ex-nihilo est-elle possible dans un autre pays que la Chine qui s'embarrasse peu de connaître l’avis de ses citoyens ? Et ce que ne nous dit pas l’histoire, c’est la dépense énergétique d’une telle construction.
Le Groupe EDF est lui aussi soucieux de l’écologie. C’est ainsi qu’il entend valoriser les énergies renouvelables locales et optimiser les consommations énergétiques des bâtiments grâce à des capteurs reliés à une intelligence artificielle qui permettent d'adapter en temps réel production et consommation. Les technologies permettent certes d’éviter des pertes d’énergie, du gâchis ou d’optimiser nos consommations. Mais d’autres aspects peuvent sembler moins positifs. En Espagne, dans la banlieue de Barcelone, à Sant Cugat del Vallès, pour “responsabiliser les citoyens”, la municipalité a fait mettre en place par Citelum Group EDF des capteurs sonores connectés à l'éclairage public. Ce système dit intelligent “encourage, par un clignotement, les personnes installées en extérieur à baisser le volume lorsqu'elles dépassent, pendant plus d'une minute, le niveau sonore autorisé.”
Est-ce que la “responsabilisation” passe par la surveillance permanente, et par un système de machines qui nous disent quand nous avons enfreint la loi ? Il semble que ce soit là plutôt l’inverse d’une responsabilisation.
Les smart cities ne sont donc pas sans poser deux problèmes fondamentaux, que l’on tend à cacher sous des arguties écologiques : l’homme de demain acceptera-t-il d'être constamment sous surveillance ? Et accepterons-nous un monde à deux vitesses, où les plus aisés pourront vivre dans des cités arborées dont le prix à l’achat ou à la location sera nécessairement plus élevé ?

L’intelligence des projets individuels

Si nous restons mesurés quant aux promesses de smart cities aux allures de meilleur des mondes, nous soutenons l’imagination technique et les projets de construction en bois. C’est ainsi que nous sommes émerveillés par la plus haute tour en bois qui vient d’être construite en Norvège, et dont les portes ont ouvert il y a un an tout juste. Cet immeuble d’un peu plus de 85 mètres de haut n’a pas volé son titre d’édifice en bois de charpente le plus haut du monde. C’est un bel espoir pour le matériau bois, qui est à ce jour l’un des plus écologiques et les moins énergivores qui soient. Car, rappelons-le, l’arbre stocke du CO2 au cours de sa croissance, et ce dioxyde de carbone, en grande partie responsable du réchauffement climatique, reste contenu dans le bois tant que celui-ci ne se dégrade pas. C’est pourquoi l’utilisation du bois de charpente est le meilleur matériau pour lutter contre le réchauffement climatique et pour un développement durable de notre planète. Comme le rappelle le constructeur de cet immeuble nommé Mjøstårnet, le bois est le seul matériau de construction renouvelable que nous ayons.

Nous vous avons également parlé du Sea Tree, un projet séduisant de réintroduction de la biodiversité dans les mégapoles qui n’ont pas assez de place pour inclure de nouveaux espaces verts. Il existe encore la possibilité de végétaliser les toits des immeubles ou même des bus. De nombreuses initiatives sont possibles, souhaitables et à encourager. Nous sommes toutefois plus mesurés sur les bienfaits de villes totalement connectées, surgissant de nulle part, grignotant encore des terres qui pourraient être dévolues à l’agriculture ou à la forêt, et qui ressemblent parfois aux rêves fous d’apprentis-sorciers ou d’entreprises ayant à coeur de contrôler notre vie.
N’hésitez pas, bien sûr, à nous donner votre avis sur ces questions.

 

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