27 juil. 2020
L’enjeu des dramatiques feux de forêt en Sibérie
Depuis plusieurs mois, la forêt boréale de Sibérie est en feu, et le monde assiste impuissant à cette tragédie qui se répète désormais d’année en année.
Depuis plusieurs mois, la forêt boréale de Sibérie est en feu, et le monde assiste impuissant à cette tragédie qui se répète désormais d’année en année. Selon Greenpeace, 19 millions d’hectares de forêts sont déjà partis en fumée depuis le début de l’année, dont 10 millions à cause d’incendies. Bien que le gouvernement russe minimise l’ampleur des dégâts, ces millions d’arbres qui partent en fumée révèlent l’un des terribles effets du réchauffement climatique et l’engrenage délétère dans lequel il nous entraîne.
Feux de forêt en Sibérie : une conséquence du réchauffement climatique
Samedi 20 juin 2020, la ville de Verkhoïansk, au nord est de la Sibérie, avait enregistré une température record de 38°C. C’était la température la plus haute jamais enregistrée au-delà du cercle polaire. Ce qui était à craindre est depuis lors arrivé. A ces températures extrêmes, d’immenses incendies ont suivi, si bien que des millions d’hectares de forêts sont partis en fumée. En réalité, dès le mois de mars, les arbres avaient commencé à brûler, la période sèche étant particulièrement précoce cette année.
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que l’Arctique étant la région du monde la plus sensible au réchauffement climatique en cours, nous pouvons considérer les records de température qui y sont relevés et leurs conséquences comme un avant-goût de ce qui arrivera dans le reste du monde.
L’an dernier, les flammes avaient détruit 19 millions d’hectares de forêts en Sibérie, et depuis que l’agence fédérale des forêts en fait le décompte, soit depuis le début du millénaire, la tendance générale est à la hausse, même si certaines années sont pires que d’autres. Cela va de pair avec la hausse des températures mondiales depuis le début des années 2000.
Des facteurs climatiques…
Les forêts boréales de Sibérie sont largement composées de pins, d’épicéas et de bouleaux, essences typiques de la taïga. Or, si les incendies favorisent, dans une certaine mesure, la régénérescence de ces forêts et contribuent à la décomposition de la nécromasse végétale, c’est sur des cycles longs, tandis que les incendies se succèdent désormais à un rythme effréné.
En effet, la forêt boréale est une écozone particulière, dont l’écosystème est régulé par de grandes perturbations. Les populations végétales sont ainsi contrôlées par les insectes ravageurs ou les feux de forêts.
Le grain, pour porter du fruit, doit mourir, c’est l’intraitable loi naturelle. Les forêts de Sibérie orientale ont donc également besoin de s’abîmer pour renaître. Dans les régions du monde qui sont situées très près du cercle arctique, la décomposition de la nécromasse végétale est freinée par les basses températures et le milieu acide que créent les résineux. Le feu agit en consommant la litière et l’humus accumulé sous le couvert forestier, permettant de minéraliser la matière organique qui sera utilisée par les plantes en poussant. C’est un cycle essentiel, notamment pour l’azote que l’humus emmagasine dans de très larges quantités. Lorsqu’il est relâché, il abaisse l’acidité du sol tout en favorisant sa nitrification.
Aussi le problème n’est-il pas tant que des feux de forêts semblent détruire des forêts, puisqu’ils permettent également le renouvellement des écosystèmes, mais qu’ils reviennent si souvent. On estime que les feux ravageaient le milieu boréal sur des cycles d’environ 200 ans, par le passé. Le dérèglement climatique anthropique semble avoir augmenté la taille, la fréquence et l'intensité des incendies en zone boréale. Or, les jeunes forêts boréales, qui ont poussé sur des incendies antérieurs récents, peuvent alors, en brûlant trop tôt, « devenir une source nette de carbone dans l’atmosphère après des incendies consécutifs et faire basculer le bilan carbonique boréal d’un puits à une source », avec un risque de boucle de rétroaction catastrophique, comme l’explique une étude scientifique publiée par la revue Nature l’été dernier.
… et des hommes
Comme l'explique le responsable des forêts au bureau de la WWF à Moscou, “le réchauffement du climat a entraîné des perturbations dans le rythme des précipitations, [si bien qu’] on observe un allongement des périodes de sécheresse, ce qui augmente les risques d’incendie.” Désormais, les arbres se mettent à brûler avant la fin de l’hiver, alors que la taïga est encore couverte de neige.
Or, si la sécheresse est l’un des facteurs de ces incendies que le gouvernement russe n’arrive pas à endiguer, l’homme en est le premier coupable. Non seulement de manière indirecte, en hâtant le réchauffement climatique, mais aussi de façon directe en provoquant 90 à 95% des feux de forêt lors d’opérations de débroussaillage ou par accident, selon Konstantin Kobyakov, responsable des forêts au bureau de la WWF à Moscou.
Par ailleurs, de nombreuses organisations internationales reprochent aux autorités russes de ne pas mettre assez de moyens dans la lutte contre les incendies et de ne pas assurer une prévention adéquate.
Souvenons-nous qu’avec ses 800 millions d’hectares de forêts, la Russie possède le cinquième de la surface forestière mondiale.