1 juil. 2022

Quelles sont les causes de la pénurie de plants de chênes ?

Conjuguée à une mauvaise récolte de glands, la forte demande poussée par le plan de relance gouvernemental a rendu difficile l’approvisionnement en chênes.

Quelles sont les causes de la pénurie de plants de chênes ?

62 000 chênes sessiles, c’est le nombre que nous souhaitons planter dans notre forêt de la Trinité en 2023, mais pour l’instant aucun pépiniériste ne peut nous en fournir. A Langonnet, nous en planterons 5000 cet hiver - ceux-là nous sont assurés. Dans toute la France la pénurie de plants de chênes est avérée. Si les changements climatiques en sont l’une des raisons, c’est aussi le plan de relance gouvernemental dédié à la forêt qui crée cette pénurie exceptionnelle.

Comment se procure-t-on de jeunes plants d’arbres ?

Connaît-on les différentes étapes de la plantation d’une forêt ? Lorsque, grâce à nos partenaires, qu’ils soient entreprises ou particuliers, nous envisageons de planter de jeunes arbres pour créer de nouvelles forêts ou qu’il s’agit de reboiser à la suite d’une coupe, c’est toute une filière qui est sollicitée. Pour commencer, nos forestiers mettent en place un plan simple de gestion ou un itinéraire sylvicole. Cela se fait obligatoirement dans le respect des essences objectifs, des essences d’accompagnement ou de diversification que l’arrêté préfectoral rend possible de planter dans chaque région. Les forestiers prennent cela en compte et sélectionnent celles dont ils ont jugé qu’elles seront à même de respecter l’écosystème présent tout en fournissant du bois d’oeuvre. Il est alors fait appel à une société d’ouvriers forestiers et de planteurs qui s’occupent, en lien avec les forestiers d’EcoTree, de commander les plants. La commande est passée à un ou des pépiniéristes locaux qui ont fait pousser les jeunes plants grâce aux graines qu’ils ont achetées. Ces graines, dont la provenance est tracée, ne peuvent pas avoir été récoltées n’importe où car l’origine des arbres plantés dans chaque zone géographique est réglementée. Ce, afin de répondre aux exigences des sols, du climat, d’éviter les maladies, les espèces exotiques envahissantes et de respecter une diversité de plantation tout en s’assurant de reproduire le meilleur patrimoine génétique de chaque espèce.

L’origine, la vente et la plantation des arbres sont réglementés

C’est ainsi, nous explique Vianney Renard, responsable de notre pôle forêt et biodiversité, que nous aurions pu acheter de jeunes plants de chênes en Allemagne pour pallier le manque, cette année. C’est le seul endroit où nous en avons trouvé. Néanmoins, ajoute-t-il, ce serait insensé pour deux raisons. L’une écologique : faire transporter des chênes d’Allemagne jusqu’en Bretagne aurait un coût écologique non négligeable ; par ailleurs, la réglementation l’interdit, car ce ne sont pas les mêmes zones géographiques. La loi est en réalité bien faite, qui ne considère pas les arbres comme des biens meubles transportables et adaptables n’importe où.

“En septembre 2021, lorsque j’ai passé commande des chênes qu’il nous fallait planter à la fin de l’hiver 2022/2023, ajoute Vianney de la Brosse, forestier en chef d’EcoTree en Bretagne, on m’a dit que seuls 5000 plants pourraient m’être livrés, sur les 67 000 que je demandais pour les plantations prévues à la Trinité-Langonnet. Et je me suis vite aperçu que nous étions tous logés à la même enseigne. La pénurie touche toute la France.” 
Les plants de chênes ne se gardent pas longtemps en pépinière et leur vente est très encadrée, il n’y a pas de spéculation en la matière, c’est bien à un manque de ressource exceptionnel, généralisé à tout le pays, que nous avons affaire.

Où sont les glands ?

Le fait est que la récolte de glands a été mauvaise en 2021, or c’est à ce moment qu’auraient dû être semés ceux dont nous aurions ensuite mis en terre les plants un an et demi plus tard. Selon Gilles Bauchery, pépiniériste dans le Centre-Val-de-Loire et président du syndicat des pépiniéristes forestiers, elle a même été quasi nulle (10 à 15% des besoins exprimés). Or, la demande était très forte, à la suite des annonces gouvernementales du plan de relance pour la forêt. Cette annonce a été faite au cours de la récolte de glands en 2020, trop tard donc, nous dit-il, pour augmenter sensiblement le volume de graines semées cette année-là.

“Le plan de relance a été sorti du chapeau sans anticipation pour notre filière il y a un an et demi, nous explique le pépiniériste Pierre Naudet, dont l’entreprise familiale est située en Côte d’Or. Cela a mis tout le monde en difficulté. Mais c’est parce que la demande a été très forte d’un coup et qu’elle s’est ajoutée à une production très faible que nous n’avons pas pu satisfaire toutes les demandes. De mauvaises glandées, il y en a régulièrement, et nous n’avons jamais connu une telle situation. Ce qui est exceptionnel, c’est la conjonction de ces deux phénomènes. Si les récoltes avaient été bonnes, nous aurions pu livrer tous les plants de chênes commandés. On peut produire des plants de chênes en un ou deux ans. C’est assez rapide mais il faut tout de même un peu d’anticipation ; c’est la nature qui dicte sa loi.”

Les petits chênes devraient être bientôt de retour

Pierre Naudet se veut rassurant, estimant que les choses devraient bientôt rentrer dans l’ordre. Il relève toutefois que les gels précoces tels que celui qui a compromis la glandée de 2021 sont de plus en plus courants et qu’il va falloir s’adapter. “A l’avenir, nous allons devoir adapter les plantations, et le chêne pubescent est probablement amené à jouer un rôle plus important dans la moitié nord de la France, car il résiste mieux à la sécheresse. Quoi qu’il en soit, c’est à nous de nous adapter à la nature. Ainsi, il est très difficile de stocker des glands en prévision des mauvaises années ; c’est une graine qui résiste mal au stockage.”
Malgré de récentes images spectaculaires de sangliers arpentant les rues de Fontainebleau à la recherche de nourriture dans les poubelles, faute de glands, Vianney de la Brosse va tout faire pour que nous puissions trouver assez de petits chênes pour planter la forêt de la Trinité à la fin de l’hiver prochain.
 

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