31 janv. 2023
Biodiversité, vers une sixième grande extinction ?
La sixième extinction de masse est en cours : 30% des espèces animales sont menacées en France et la biodiversité entière dans le monde.
Tous les indicateurs sont au rouge et doivent nous faire prendre conscience de l’urgence qu’il y a à agir. Si 5 extinctions de masse des espèces ont déjà précédé celle qui menace d’advenir, elles étaient plusieurs centaines de fois moins rapides. La vie sur Terre est gravement menacée mais nous pouvons encore agir, les chiffres le montrent : nous sommes capables de sauver des espèces menacées si nous ne nous y prenons pas trop tard.
Quelles sont les 5 extinctions de masse précédentes ?
Les scientifiques présentent l’extinction massive des espèces que nous sommes en train de vivre comme la sixième grande extinction de masse. Lors des cinq précédentes, c’est 75% de la biodiversité qui s’est éteinte en moyenne, si bien que 90% des organismes qui ont un jour vécu sur Terre n’y existent plus sinon sous forme fossilisée. Nous n’en sommes pas à ce stade, loin s’en faut ! Mais peut-être pas si loin, au bout du compte, si l’on tient compte de la rapidité fulgurante avec laquelle les espèces s’éteignent ces dernières décennies.
Extinction de masse de l’Ordovicien
La première extinction de masse connue est celle de l’Ordovicien, survenue il y a quelque 445 millions d’années. De 60 à 70% des espèces ont alors disparu, estime-t-on, probablement sous l’effet d’une période glaciaire aussi brève qu’intense. On pense qu’à cette période, la vie était principalement dans les océans dont le froid a congelé la majeure partie.
Extinction de masse du Dévonien
Jusqu’à 75% des espèces se seraient éteintes il y a 360 à 375 millions d’années, probablement par épuisement de l’oxygène dans les océans. Ce sont une fois de plus les organismes marins qui en patirent le plus, mais les causes en restent discutées. Cela peut être dû au choc provoqué par une astéroïde, à un changement du climat ou une fluctuation du niveau de la mer. La prolifération de végétaux terrestres aurait aussi pu conduire à ce manque d’oxygène dans les eaux de surface.
Entreprises : aider la biodiversité
Extinction de masse du Permien
Il y a environ 252 millions d’années, 95% des espèces ont disparu, probablement après l’impact de plusieurs astéroïdes et/ou d’une activité volcanique puissante. Celle que l’on a appelée la mère de toutes les extinctions a touché aussi bien les mers que les terres. La quasi-totalité des insectes a également disparu à cette période, mais on ne sait pas sur combien d’années elle s’est étendue, certains scientifiques expliquant qu’elle est advenue sur seulement 200 000 ans, d'autres qu’elle s’est produite au cours de plusieurs millions d’années.
Extinction massive du Trias
C’est il y a environ 200 millions d’années que 70 à 80% des espèces ont disparu, sans que l’on sache aujourd’hui pour quelle raison. La plupart des ancêtres des dinosaures ont alors disparu ainsi que les gros amphibiens.
Extinction de masse du Crétacé
Il y a environ 66 millions d’années, 75% des espèces animales ont disparu, probablement à cause de la collision d’un astéroïde. L’impact de l’astéroïde géant découvert dans le Yucatan laisse penser qu’il aurait causé la disparition des dinosaures non aviaires, tels que tricératops ou tyrannosaurus rex.
En route pour une sixième extinction de masse ?
Assisterions-nous à une nouvelle extinction de masse des espèces et si oui, quelle serait sa spécificité ? Les chiffres sont difficiles à manier avec précision, attendu que nous ne connaissons pas toutes les espèces vivantes, loin de là. Mais la disparition à laquelle nous assistons serait encore bien plus large que nous l’avons d’abord pensé. Et, fait extraordinaire, elle n’est le résultat d’aucune catastrophe naturelle, sinon celle que provoque le réchauffement climatique actuel. Ainsi, qu’il s’agisse de la hausse des températures ou de la destruction des habitats, de la pollution, de la surexploitation des ressources, de l’importation d’espèces exotiques dans des habitats qui ne sont pas les leurs, c’est par la main de l’Homme qu’a lieu cette extinction accélérée.
“En prenant en compte les mollusques terrestres (escargots et limaces), 7,5 à 13 % des espèces animales et végétales auraient disparu dans le monde depuis l’an 1500, au lieu des 0,04 % estimées jusqu’alors. Appliqué à l’ensemble des êtres vivants, ceci représente 150 000 à 260 000 espèces éteintes”, résume un article du Muséum National d’Histoire Naturelle.
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime que plus d’un million d’espèces est menacé de disparition et que la vitesse à laquelle elles s’éteignent n’a pas eu d’équivalent au cours des 10 derniers millions d’années.
Les mesures prises lors de la COP15 pour la biodiversité donnent le sentiment que ce grave problème est intégré dans les esprits, à défaut d’être en passe de résolution. Or, en la matière, accepter de voir est déjà faire un pas. En effet, nous avons du mal à accepter que des espèces disparaissent, si bien qu’il faut parfois plusieurs décennies après avoir vu le dernier spécimen dans la nature pour en admettre l’extinction. Regarder les choses en face doit nous aider à agir.
Les oiseaux sont en train de disparaître
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et le Muséum national d’histoire naturelle, recueillant les données d’un très important programme de sciences participatives, concluent que près de la moitié des espèces d’oiseaux observées au printemps décline.
Depuis 2012, 41% des espèces d’oiseaux observées dans les jardins français au printemps ont vu leurs effectifs diminuer. D’un autre côté, pour la moitié d’entre elles, les populations ont augmenté en hiver. Ainsi, nombreuses sont les espèces migratrices à nicher en France en hiver, mais beaucoup moins nombreuses sont-elles à l’époque de la nidification. Et la même tendance est observée dans toute l’Europe. C’est ainsi qu’en France, “la population des oiseaux des villes et des champs a décliné de près de 30 % en trente ans.”
Les raisons qui expliquent cela sont l'artificialisation qui diminue les habitats possibles, notamment pour les espèces telles que l’hirondelle rustique qui nichent sous les toits, dans les cavités des façades, etc. C’est pourquoi la LPO encourage la pose de nichoirs et une gestion des jardins et prairies favorable à la biodiversité. Mais c’est aussi la disparition des insectes qui en est cause, en partie due aux épandages de pesticides.
Ainsi que le dit Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO : « Nous avons réussi à sauver les espèces emblématiques telles que les cigognes blanches, les faucons pèlerins ou les vautours fauves ces dernières décennies. Pour sauver les oiseaux de proximité, ce sont nos modes de vie qu’il faut changer. »
La disparition des insectes nous menace directement
Aujourd’hui, la population mondiale d’insectes décline de 2% par an. C’est du jamais vu. La déforestation, l’épandage de pesticides, le changement climatique, l’artificialisation des sols et la pollution lumineuse en sont les principales causes. Et avec les insectes disparaissent les plantes qu’ils pollinisent et les animaux qu’ils nourrissent. Sans insectes, point d’oiseaux ni de poissons. Moins de rongeurs et d’amphibiens. Sans eux, mammifères, serpents et rapaces sont menacés. Ainsi de suite.
La diversité des insectes est incroyable, représentant plus des deux tiers du million et demi d’espèces animales recensées sur Terre. Et plusieurs millions n’ont pas encore été décrites, et pourraient ne l’être jamais de leur vivant. Avec leurs 73 000 représentants (des humains aux oiseaux et poissons), les vertébrés ne sont que 5% du royaume animal connu, selon l’UICN.
Ainsi les insectes nourrissent-ils le monde (oiseaux, reptiles, mammifères, plantes) mais sont beaucoup plus que cela. Ils pollinisent 75% des cultures, service écosystémique que l’IPBES évalue à 577 milliards de dollars par an. Avec moins d’insectes, nous aurons tout simplement moins de nourriture. Et dans la nature, 80% des plantes sauvages sont dépendantes de la pollinisation par les insectes. Leur disparition menace directement les écosystèmes naturels.
Une étude de chercheurs de l’université de Harvard estime ainsi qu’à la disparition des insectes peut être imputée un demi-million de morts prématurées chaque année dans le monde. En effet, le déficit de pollinisation entraînerait une baisse de 3% à 5% de la production de fruits, de légumes et de noix qui, consommés, auraient évité 427 000 décès annuels. Les scientifiques ont même calculé que, dans les pays à revenu moyen supérieur et à revenu élevé, “les déficits de pollinisateurs étaient responsables de 1 % de la mortalité annuelle totale,” écrit Les Echos.
La disparition d’espèces médiatisées ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt
A présent, plus d’un million d’espèces est directement menacé de disparition et nous avons le regard braqué sur les ours polaires, les pandas et les grands singes. Ce n’est certes pas réjouissant que ces espèces disparaissent, mais elles sont loin d’être un cas isolé, et de bien plus nombreuses disparaissent en silence, sans attention médiatique.
Or, chaque espèce qui s’éteint emporte avec elle un ensemble de caractéristiques très particulières qui la rendait unique et indispensable à l’écosystème au sein duquel elle évoluait. Ce sont des millions voire des milliards d’années d’évolution qui prennent fin et des échanges particuliers au sein de son milieu que rien ne pourra remplacer. Entre 800 et 1500 espèces ont disparu depuis les années 1500, pour ce que nous en savons. Et les disparitions accélèrent depuis la révolution industrielle et plus encore depuis les trois ou quatre dernières décennies. Le nombre d’espèces vertébrées qui a disparu au cours du dernier siècle aurait dû s’étaler sur une période beaucoup plus longue, de 800 à 10000 ans. En dépit des mesures déjà prises, les scientifiques estiment que l’extinction des espèces actuelle va 1000 fois plus vite qu’elle ne ferait sans l’Homme. Et qu’à ce rythme, la moitié des espèces pourrait disparaître d’ici à la fin du siècle. Voici pourquoi on peut parler de sixième extinction de masse. Et voici pourquoi il est très urgent d’agir.