24 janv. 2023

COP 15 : les entreprises ont un rôle à jouer pour la biodiversité

La COP15 s’est soldée par un accord mondial non contraignant. Il revient maintenant aux Etats et aux entreprises d’agir pour sauver la biodiversité.

COP 15 : les entreprises ont un rôle à jouer pour la biodiversité

La Conférence des Parties sur la biodiversité s’est tenue du 7 au 19 décembre 2022 à Montréal. On peut se féliciter qu’elle ait abouti à un accord, puisque celui-ci semblait inaccessible. On peut aussi se désoler que l’accord soit non contraignant.
En réalité, au lendemain de la COP 15 pour la biodiversité, on peut voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. Nous avons choisi de vous présenter les deux et de vous expliquer comment les entreprises peuvent contribuer à remplir le verre pour qu’il soit tout à fait plein, et qu’un monde en commun soit possible.

196 États réunis signent un accord in extremis

Il faut se réjouir qu’un accord (même arraché au forceps) ait été adopté par les 196 États réunis à Montréal. Et qu’en découle un plan stratégique visant à guider l’action des États jusqu’en 2030 pour la protection et la sauvegarde de la diversité des espèces dans le monde
Pour avancer, 23 mesures cibles ont été adoptées, ainsi que 4 objectifs de développement durable visant à rendre le monde plus inclusif et égalitaire. Parmi les avancées intéressantes adoptées lors de ce sommet, notons ces objectifs : 

  • restaurer 30% de la superficie des écosystèmes terrestres, côtiers et marins dégradés d’ici à 2030 ;
  • atteindre une superficie de 30% de terres, côtes et mers protégées d’ici à 2030 (notamment où la biodiversité est fragile et importante) ;
  • réduire les impacts du changement climatique et déployer des Solutions Fondées sur la Nature pour reconstituer le tissu du vivant ;
  • réduire la présence d’espèces exotiques envahissantes d’au moins 50% d’ici à 2030 ;
  • identifier d’ici à 2025, puis éliminer ou réformer d’ici à 2030 les incitations financières qui nuisent à la biodiversité d’au moins 500 milliards de dollars par an ;
  • réduire toutes les sources de pollution, spécialement celles émanant des pesticides ;
  • étendre la gestion durable au plus grand nombre de terres, mers et forêts, afin de sécuriser l’alimentation mondiale ainsi que la santé, dans le respect des écosystèmes naturels ;
  • aider les pays du Sud à se développer de façon durable via un fonds doté d’au moins 20 milliards de dollars annuels jusqu’en 2025, 30 milliards jusqu’en 2030.


Source : Nature positive

Un accord toutefois non contraignant

Néanmoins, peut-on regretter, s’il y a bel et bien eu accord, celui-ci, pour être transformé, repose sur la bonne volonté des États. C’est l’inconvénient d’un accord non contraignant. Aussi faut-il maintenant se fier à la bonne volonté des uns et des autres. Pour entrer davantage dans le détail, voici ce que l’on peut craindre. 

  • L’objectif de 30% d’aires protégées est mondial, ne s’applique donc pas à chaque État en particulier. Il se pourrait ainsi que certains pays placent 50% de la superficie de leur territoire sous protection tandis que d’autres en feraient beaucoup moins. Et que ce soient précisément dans les parties du monde où la disparition de la biodiversité est la plus sensible que l’on agisse le moins pour la protéger. C’est l’inconvénient de mesurer la quantité et non la qualité. 
  • Par ailleurs, on pourrait, à ce compte, ne préserver que la surface de la terre et pas les mers ou inversement.
  • Il faut également dire que chercher à placer 30% du globe sous protection est un aveu d’échec de notre mode de vie. Cela signifie, en creux, que nous n’avons pas réussi à vivre en bonne intelligence avec la nature. Que nous ne savons pas respecter la biodiversité au quotidien et faisons peu de cas des espèces communes.
  • Et en entrant dans le détail, nous constatons que beaucoup d’aires censées être protégées ne le sont pas vraiment. Même en France, l’État a été pointé du doigt, notamment par France Nature Environnement. En 2020, l’association de protection de l’environnement notait que l’État français prévoyait de protéger fortement 10% du territoire mais n'avait toujours pas su en préserver 2%. Elle notait également que seulement 1,5% des mers françaises étaient réellement protégées contre les 23,5% annoncées. Que beaucoup d’aires protégées subissaient de nombreux dommages. 
  • Ainsi, compte tenu de ce qui est relevé aujourd’hui dans les aires marines censément protégées, l’objectif peut paraître inaccessible en France ou n’être qu’une annonce.

Toutefois, même si nous savons que tout ne sera pas respecté par tous, la COP 15 a été plus médiatisée que les précédentes. C’est-à-dire que la perte très rapide de la biodiversité, qui est le péril majeur de notre époque, commence enfin à être connue et prise au sérieux par le plus grand nombre. Cela, nous pouvons nous en réjouir !


 

En apprendre plus sur le lien entreprise biodiversité

L’engagement des entreprises pour la protection de la biodiversité ira croissant

Les mesures adoptées par la COP 15 étant non contraignantes et pouvant parfois sembler imprécises, il ne semble pas possible de tout attendre des États et de leur union. Ceux-ci appellent d’ailleurs toute la société à soutenir l’effort et attendent beaucoup des entreprises qui ont un devoir de premier plan dans la sauvegarde de la diversité du vivant. Et beaucoup d’entre elles prennent déjà leurs responsabilités. Comme elles l’ont fait pour ce qui concerne le climat, elles ont commencé, de manière volontaire, à intégrer dans leur stratégie de développement des mesures concrètes pour la préservation et la restauration de la biodiversité. Il faut noter que les services écosystémiques gratuits que la biodiversité rend aux entreprises leur sont économiquement profitables. Néanmoins, rien ne les contraignait jusque-là à contribuer activement à son enrichissement, et les nouvelles mesures de la CSRD commencent tout juste à entrer en application. 
Des cadres internationaux de référence se développent toutefois, qui poussent les entreprises à aligner leurs reporting en prenant en compte la biodiversité (TNFD). Il existe également un réseau d'organisations qui permet aux entreprises de comprendre leurs impacts et les dépendances avec la nature pour parvenir à réduire leur empreinte et fixer des objectifs pour la restaurer (SBTN). Ce sont des organismes qui, pour le climat, ont été largement suivis (équivalent TCFD et SBTi) par les entreprises. On peut espérer que cela sera aussi le cas pour la biodiversité. 

En vidéo : Biodiversité, entreprises et réglementations

A ce jour, bien qu’il n’existe aucun cadre contraignant, on peut s'attendre à ce que cela devienne la nouvelle normalité, comme nous l’avons vu advenir pour les actions encadrant l’effort en faveur du climat.
Ainsi, les entreprises qui agissent le font volontairement, mais y ont également un intérêt financier car les investisseurs leur demandent de plus en plus de rendre des comptes sur ces questions-là, et celles qui ne le font pas peuvent perdre des investisseurs. C'est notamment à cela qu'est utile la taxonomie européenne, dont l’objectif est d’orienter les flux financiers vers les entreprises "durables".

Nous remarquons chaque jour qu’une dynamique s’est instituée et que nombre d’entreprises sont volontaires pour œuvrer à la reconstitution de la biodiversité. Certaines attendent que nous proposions des crédits de biodiversité comme il existe des crédits carbone, et c’est ce à quoi nous travaillons. 

Sur un panel d’entreprises que nous avons interrogées, un certain nombre se dit prêt à investir davantage dans des projets de biodiversité à condition d’avoir des chiffres sur les mesures d’impact, et c’est pourquoi nous avons développé des KPI sur la reconstitution de la biodiversité. Notre souhait est que l’attention portée à l'absorption du carbone par les entreprises ne contrecarre pas la volonté de s’engager pour la biodiversité. Réconcilier biodiversité et carbone est notre volonté, et nous y travaillons chaque jour pour que les entreprises puissent s’inscrire pleinement dans cette dynamique. C’est pourquoi nous sommes particulièrement à l’écoute de leurs attentes. 
Car, comme l’indique le document résumant les décisions votées à la COP, le succès de la sauvegarde de la biodiversité mondiale repose sur la coopération de tous les acteurs de la société.

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