30 avr. 2022

Les anoures, petits amphibiens extraordinaires

Crapauds, grenouilles et rainettes sont appelés anoures (du grec an-oura, “sans queue”) car ils perdent leur queue à l’âge adulte.

Les anoures, petits amphibiens extraordinaires

Vous connaissez sans aucun doute crapauds, grenouilles et rainettes, mais saviez-vous qu’on les appelle aussi anoures ? L’ordre des “anura” (“sans queue” en grec) regroupe les amphibiens dépourvus de queue une fois dépassé le stade larvaire, contrairement aux urodèles, tels que les tritons et salamandres.
Excellent représentant de l’herpétofaune, l’ordre des anoures est l'un des cinq ordres de vertébrés les plus diversifiés. Parmi tous ces crapauds, grenouilles et rainettes, certains spécimens possèdent d’incroyables capacités.

Grenouilles, crapauds et rainettes : quelle différence ?

Il n’y a aucune différence entre grenouilles, crapauds et rainettes, ou tout du moins, aucune différence justifiée de manière taxonomique.

On a cependant pris l’habitude de distinguer ces trois anoures selon leur aspect : les grenouilles et rainettes ont souvent la peau lisse, contrairement aux crapauds qui sont couverts de pustules venimeuses. On les juge aussi à leur lieu de vie : les grenouilles passent beaucoup de temps dans l’eau, contrairement aux crapauds qui vivent principalement sur terre, tandis que les rainettes qu’on appelle “arboricoles” vivent perchées dans les arbres et arbustes. Leur morphologie est assez adaptée à leur habitat : les crapauds ont des membres postérieurs plus courts que les grenouilles, dont les longues pattes musclées sont mieux adaptées au saut, tandis que les rainettes, très légères, ont des doigts munis de ventouse pour mieux grimper sur les végétaux. Enfin, leurs modes de ponte diffèrent aussi. Les crapauds pondent de longs cordons d’oeufs, tandis que les oeufs de grenouilles et rainettes forment des grappes. 

Il existe néanmoins quelques exceptions à ces manières de catégorisation, ce pourquoi on préférera appeler tous ces amphibiens sans queue à l’âge adulte les anoures. D’ailleurs, dans d’autres langues, il n’existe qu’un nom pour désigner n’importe quel amphibien dépourvu de queue, sans distinction de peau, de pattes, de lieu de vie ou de mode de ponte.


Pourquoi, en français, distinguons-nous grenouilles, crapauds et rainettes ? Etymologiquement, le latin rana (signifiant déjà grenouille) a donné naissance au mot rainette (petite grenouille) et aurait en parallèle évolué en “renoille”, “grenoille” et enfin “grenouille”. Le mot crapaud viendrait plutôt du germanique krappa (“crochet”, qui aurait aussi donné “grappin”, “crampon”) en référence à ses pattes crochues avec lesquelles il agrippe la femelle. Une autre hypothèse attribue l’origine du mot crapaud au grec sepos (“serpent venimeux”), qui aurait donné sapo, nom actuel du crapaud en espagnol. Il est donc possible que les grenouilles et rainettes, et les crapauds aient été jugés sur leur aspect physique plus que tout autre critère depuis bien longtemps déjà.


Des capacités extraordinaires

Petites bêtes étranges, grenouilles et crapauds ont longtemps été, dans la culture populaire, synonymes de magie et maléfices. Il suffit pourtant de regarder au-delà de leur peau visqueuse pour comprendre à quel point les anoures possèdent de fascinantes capacités.
Plus haut, plus loin et plus longtemps qu’on ne s’y attend

Avec plus de 4000 espèces d’anoures, il n’est donc pas étonnant que quelques-unes se distinguent par d’impressionnantes caractéristiques. 

Non contents de sauter très loin (jusqu’à 50 fois la longueur de son corps, pour la Litoria nasuta), certains anoures peuvent même sauter sur l’eau, comme le fait la rainette grillon. Si les anoures marchent, sautent, nagent, et parfois grimpent, certains savent même voler – ou presque. C’est par exemple le cas de la grenouille volante de Wallace, qui est capable de planer sur une douzaine de mètres.

Autre record, dans la catégorie poids lourds : certains anoures pèsent jusqu’à plus de trois kilos. Côté poids plume, les plus petits anoures adultes ne mesurent guère plus d’1.2 cm ! Tandis que pour le record de longévité, certains anoures en captivité atteignent l’âge vénérable de quarante ans.

Survivre à des températures extrêmes

Comme d’autres animaux à sang froid, en hiver, les anoures hibernent. Selon leur mode de vie, certains se bâtissent des hibernaculums ou se terrent dans des tunnels, d’autres encore s’enfoncent dans la vase ou se cachent sous les feuilles mortes. Quatre espèces de grenouilles du Canada peuvent même survivre à la congélation ! Des cristaux de glace se forment dans leur corps, hors de leurs organes vitaux, et leur cœur s’arrête. Pour autant, elles ne sont pas mortes : dès qu’il fait de nouveau assez chaud, leur cœur repart et les grenouilles se réveillent.

Se faire entendre à un kilomètre

Les anoures coassent avant l’arrivée de la pluie, pour défendre leur territoire, ou encore lorsqu’ils sont en détresse. Mais le plus souvent, les coassements des anoures résonnent au printemps, lors de la saison des amours. Les mâles avec la plus belle voix, grave et de grande intensité, attirent ainsi les femelles. Pour produire ces sons, les anoures font passer l’air par leur larynx et l'amplifient dans les sacs vocaux de leur gorge ou de leur bouche. Certains coassements peuvent se faire entendre jusqu’à un kilomètre de distance !

Des modes de reproduction variés

Les bien-nommés amphibiens (du grec amphíbios, “qui vit dans deux éléments”) sont à l’aise sur terre comme dans l’eau. A l’âge adulte, les anoures vivent principalement, voire pour beaucoup exclusivement, sur terre. Ils ne retournent alors vers la zone humide dans laquelle ils sont nés que lors de la saison des amours. Après avoir attiré des femelles par leur chant, les mâles, plus petits que les femelles, s’accrochent fermement au dos de ces dernières. Il arrive que plusieurs mâles montent sur une femelle, parfois jusqu’à l’étouffer ! L’étreinte des mâles stimule la ponte des femelles, qu’ils aspergent de sperme : la fécondation est donc externe. Les œufs fécondés resteront alors dans l’eau jusqu’à l’éclosion des têtards, qui se métamorphoseront en quelques semaines…

Il existe toutefois quelques exceptions moins connues. Chez certaines rares espèces d’anoures vivipares ou ovovivipares, les femelles mettent bas des petits déjà complètement formés. 

Parmi les anoures ovulipares - dont la fécondation est externe - certains prennent grand soin de leur progéniture. Par exemple, le mâle Colostethus subpunctatus cache les œufs pondus par sa femelle jusqu’à leur éclosion, avant de transporter les jeunes têtards sur son dos jusqu’à un point d’eau, tandis que le mâle Alyte accoucheur transporte les oeufs sur ses pattes arrières pendant plusieurs semaines. 
Plus insolite encore : la grenouille de Darwin du Sud mâle garde ses jeunes têtards dans son large sac vocal pendant plusieurs semaines, jusqu’à leur métamorphose, avant de les régurgiter. Les femelles Rheobatrachus, espèce australienne désormais éteinte, avalaient même complètement leurs œufs et les laissaient se développer dans leur estomac, sans pouvoir donc se nourrir pendant plusieurs semaines car leur système digestif était à l’arrêt. 

Respirer par la peau

Si la peau des anoures est visqueuse et doit rester humide en permanence, c’est pour une bonne raison : les anoures peuvent respirer à travers leur peau, qui est perméable à l’oxygène ! La respiration cutanée leur permet notamment de pouvoir respirer sous l’eau sans avoir à remonter à la surface. 

Hors de l’eau, les anoures respirent plutôt par leur bouche et ont donc une paire de poumon, bien qu’elles puissent a priori vivre sans : c’est notamment le cas de la grenouille  Barbourula kalimantanensis, originaire d’Indonésie, à laquelle la nature a jugé bon de ne donner aucun poumon !

Le revers de la médaille de ce super pouvoir à double tranchant est que leur peau rend les anoures particulièrement sensibles aux substances toxiques de leur environnement et pourrait contribuer à leur grave déclin.
 

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