17 janv. 2019
Pour Michel Houellebecq, une forêt doit être entretenue
Dans Sérotonine, Michel Houellebecq, l’écrivain français le plus célèbre au monde, offre à ses lecteurs une petite leçon d’écologie pratique.
L’écrivain français le plus célèbre au monde vient de publier un roman puissant dans lequel il analyse le malaise français, notamment à travers le prisme du déclin agricole. Le personnage principal de Sérotonine est ingénieur agronome, comme l’est Michel Houellebecq. Il offre au lecteur une petite leçon d’écologie pratique.
Houellebecq, un écrivain ingénieur agronome
Michel Houellebecq a étudié à la fin des années 1970 à l’Institut national agronomique Paris-Grignon qui forme des ingénieurs agronomes. On peut être poète et avoir un esprit scientifique, c’est d’ailleurs ce qui fait l’une des spécificités du lauréat du Goncourt en 2010. Aussi lorsque son personnage Florent-Claude Labrouste, se retrouvant en Normandie, va se promener sur les bords de l’Orne, voici à quoi il pense : « il me semblait remarquer par exemple que cette forêt était mal tenue – la densité de lianes et de plantes parasites était trop forte, la croissance des arbres devait en être gênée ; il est faux de s’imaginer que la nature laissée à elle-même produit des futaies splendides, aux arbres puissamment découplés, de ces futaies qu’on a pu comparer à des cathédrales, qui ont pu aussi provoquer des émotions religieuses de type panthéiste ; la nature laissée à elle-même ne produit en général qu’un informe et chaotique fouillis, composé de plantes variées et dans l’ensemble assez moches ; c’est à peu près ce spectacle que m’offrit ma promenade jusqu’aux bords de l’Orne. »
Une forêt doit être entretenue
Les observations de Florent-Claude Labrouste sont justes et l’on sent à travers ses pensées qu’il a une notion exacte de la manière dont doit être entretenue une forêt. Il a travaillé au ministère de l’Agriculture, il est doté d’un esprit scientifique et d’observation. Il sait qu’une forêt abandonnée à son état sauvage ne produit pas ce qu’elle a de meilleur, mais qu’elle est entravée par des lianes et des plantes parasites. Il sait que la nature, de même que la société des hommes, a besoin de règles et de lois pour sortir de la lutte pour la survie, le fameux struggle for life, qui ne permet pas au meilleur d’advenir, mais bien plus sûrement aux parasites de pousser sur le dos des éléments les plus forts. De même que l’on a appris à domestiquer les plantes pour qu’elles portent de beaux fruits et que l’on sème dans les champs pour pouvoir récolter le bon grain qui sera séparé de l’ivraie, les forestiers œuvrent à débarrasser les arbres des plantes qui les entravent et des arbustes qui empêchent leur plein développement. Une forêt vierge peut présenter un intérêt scientifique pour qui voudrait y étudier la vie de la faune et de la flore, elle n’est que de peu d’intérêt pour l’homme soucieux d’y récolter le bois.
Pour Michel Houellebecq, la nature n’est pas belle par essence
Le personnage du roman de Houellebecq remarque également que cet « informe et chaotique fouillis » forme un ensemble assez moche. La beauté jaillit certes de la nature mais à travers l’œil humain. Or, celui-ci est adapté à l’ordonnancement des choses, à leur composition. C’est dans une nature composée et ordonnée que l’être humain trouve la beauté. C’est la leçon des peintres et des poètes, des architectes et des paysagistes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté / Luxe, calme et volupté.
La face cachée de la Lune a récemment été photographiée pour la première fois. Peut-on dire qu’il s’agit là de quelque chose de beau ? Assurément, c’est un spectacle fascinant, mais ce que nous y trouvons de beau ne réside que dans le cliché qui en a été pris. C’est la cadre photographique qui en fait un élément de beauté.
Voici pourquoi, puisque la beauté nous est aussi nécessaire que les fruits de la forêt, nous devons entretenir nos bois.