20 avr. 2020

Notre-Dame de Paris : il faut une charpente en bois

Les travaux de reconstruction de la charpente de Notre-Dame de Paris devraient débuter dans un an et nous souhaitons qu’elle soit en bois.

Notre-Dame de Paris : il faut une charpente en bois

La forêt de Notre-Dame partie en fumée il y a tout juste un an, et malgré le confinement actuel, le général Georgelin a bon espoir que les travaux débutent dans un an. D’ici là, il faudra démonter l’échafaudage, dresser un état des lieux rigoureux et avoir décidé comment elle serait rebâtie. Nous appelons de nos voeux une nouvelle charpente en bois pour coiffer la cathédrale de Paris, édifice le plus visité d’Europe.

Il y a un an, Notre-Dame de Paris brûlait 

C’est toujours dans l’adversité et dans les moments de crise que la générosité des hommes se révèle. Nous avons pu le constater dans la crise actuelle qui enrhume le monde sous l’effet du coronavirus. Nous l’avons également noté il y a un an lorsque la stupeur de voir flamber le premier édifice religieux de France, joyau de l’art gothique, fut passée. Moins de vingt-quatre heures après l’incendie, les dons affluaient, de grandes entreprises, mais aussi de particuliers qui, du monde entier, souhaitaient participer à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, alors même que les fumées n’étaient pas dissipées. Pas une seule seconde, il n’a été question de baisser les bras ou de renoncer. De la même manière, et en dépit de fausses rumeurs qui vont bon train depuis un an, il n’est nullement question de bâtir un espace de coworking sur les toits de la cathédrale ou d’en faire un musée. Le général Georgelin, qui préside l’établissement public chargé de superviser le chantier de reconstruction, est catégorique, et nous pouvons le croire, car il n’est pas homme à avoir la langue dans sa poche. 
Malgré cela, il ne peut pas dire à ce jour quel matériau sera choisi pour rebâtir la charpente de Notre-Dame de Paris ni si une flèche sera reconstruite à l’identique. Mais l’espoir que des matériaux nobles et écologiques, tel que le bois, soient employés, est permis. 

Le bois, matériau de construction noble et pérenne

Contrairement à ce que l’on pensait il y a un an, le chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris ne devrait pas prendre des dizaines d’années. Emmanuel Macron s’y est engagé, certes dans l’émotion qui nous étreignait encore peu de temps après le spectaculaire incendie, mais il semble que cela soit toujours à l’ordre du jour. La cathédrale pourrait ouvrir ses portes à grands battants en 2024 et lancer ses cloches à pleine volée pour célébrer sa renaissance. Le président de la République voulait qu’elle soit rebâtie “plus belle encore” et “à distance d’homme”, c’est-à-dire dans les cinq ans, afin que nous puissions la voir, de notre vivant, de nouveau belle et pure comme elle était avant l’incendie. 
Et nous savons que le bois est un matériau qui peut se prêter à l’édification rapide d’une nouvelle charpente. Il a couru beaucoup de bruits sur la forêt de Notre-Dame depuis un an, mais nous savons aujourd’hui que les bâtisseurs du Moyen Age n’attendaient pas que les troncs coupés soient secs pour les utiliser. Ils taillaient les arbres encore verts et utilisaient le bois peu de temps après l’abattage. Cela pourrait donc être rapide.
Surtout, quel matériau peut se targuer d’être plus noble, plus durable et plus écologique que le bois ? Le métal, comme certains le préconisent, pour imiter la charpente de la cathédrale de Chartres ? Le béton, comme dans la cathédrale de Reims ? Ce sont là deux matériaux utiles, certes, mais beaucoup plus émetteurs de carbone, alors que nous savons que le bois, lui, stocke le carbone tant qu’il n’est pas brûlé ou en décomposition. Une nouvelle charpente en bois permettrait de stocker énormément de CO2 pour plusieurs siècles, si aucun autre accident ne survient. Sachant que la charpente de Notre-Dame a nécessité 3000 à 5000 m3 de bois de chêne et qu’un mètre cube de bois stocke environ 0,9 tonne de CO2, en estimant qu’une nouvelle charpente nécessite 4000 m3 de bois, cela reviendrait à stocker 3600 tonnes de CO2 (fourchette basse), ce qui n’est pas tout à fait rien. A contrario, nous savons que le béton est la source d’environ 7 à 8% des émissions de CO2 mondiales, notamment à cause du procédé de fabrication du ciment qui requiert la cuisson à plus de 1400 degrés du calcaire, et bien que l’on favorise aujourd’hui l’utilisation du béton recyclé (ce qui n’est pas sans générer encore des gaz à effet de serre).
La charpente en bois de Notre-Dame a tenu huit siècles sans présenter le moindre signe de faiblesse, et elle aurait pu tenir mille ans de plus, sans l’incendie. Peut-on en dire autant du béton ? On ne connaît aucun bâtiment en béton aussi pérenne. Par ailleurs, le bois est beaucoup moins inflammable qu’on le pense. Il a fallu plusieurs heures au feu pour parvenir à effondrer la toiture de la charpente, alors que le métal ou le béton auraient pu fondre ou s’écrouler d’un coup, fragilisant bien davantage la structure de la cathédrale.

Pourquoi la charpente de Notre-Dame doit être en bois

Plusieurs arguments de choix imposent une reconstruction de la charpente en bois. Premièrement parce que le bois est le matériau le plus écologique qui soit, or nous devons tout mettre en oeuvre pour faire advenir une société plus respectueuse de l’environnement, ce sont les mots même du président de la République. Deuxièmement, parce que les forêts de France sont sous-exploitées et que ce chantier pourrait être un formidable tremplin pour la construction bois, donnant de nouveaux débouchés à une filière qu’il faut absolument développer. Enfin, parce que ce serait l’occasion de pérenniser des savoir-faire ancestraux qui ont du sens et énormément de choses à nous enseigner. Nous savons bâtir des choses vertigineuses, à présent, il est temps de bâtir durablement, intelligemment, respectueusement. L’époque n’est plus aux Tours de Babel, mais à la sobriété.
Le bois est le seul matériau indéfiniment renouvelable, donc intrinsèquement vertueux, pour peu que les forêts soient sainement gérées. Il est le seul à stocker du CO2 au lieu d’en émettre. Il nous est donné tel quel par la nature, pourquoi refuserions-nous ce cadeau ? La charpente de Notre-Dame a nécessité de 1000 à 2000 chênes, dont la majorité n’étaient pas âgés de plus de soixante ans. Plantés très serrés dans des futaies ayant pour objectif une production rapide de bois hauts et minces, ce ne sont pas de vieux chênes centenaires que l’on abattait pour cela, sinon pour les pièces maîtresses. 
Ainsi, il n’aurait pas fallu plus de trois hectares de plantation pour produire les 1200 chênes nécessaires à la construction de la charpente de la cathédrale de Bourges. Or, la France dispose de la plus vaste chênaie d’Europe, avec 6 millions d’hectares de chênes. En prélever quatre hectares n’aurait aucune incidence sur nos forêts. A titre indicatif, la construction de L’Hermione a nécessité 2000 chênes, et personne n’a trouvé à y redire, bien au contraire. 
Il faut valoriser la filière forestière française qui peine à se développer en raison de la sous-exploitation des futaies et de l’exportation massive du bois brut, notamment vers la Chine. Si les charpentes des cathédrales de Reims et de Chartes ont été rebâties, respectivement en béton en 1919 et en métal en 1836, c’était faute de bois d’oeuvre de qualité à proximité des chantiers. Depuis un siècle, l’essor de la forêt française et les moyens de transports ont radicalement changé la donne. 
Par ailleurs, nous serions bien avisés de remettre au goût du jour des techniques de taille de bois traditionnelles qui sont en train de se perdre, bien qu’elles présentent d’incomparables avantages. Du Moyen Age au début du XXe siècle, les charpentiers équarrissaient le bois à la hache, ce qui a l’avantage de le garder plus solide et de meilleure tenue que le bois scié. Un chantier d’une telle ampleur pourrait permettre à bien des gens du métier d’apprendre de nouvelles techniques anciennes qui ont fait leurs preuves et qu’ils aimeraient acquérir. 
Un chantier de reconstruction de la charpente en bois de Notre-Dame de Paris serait une occasion inespérée de réhabiliter des métiers qui tendent à disparaître, de valoriser une filière qui en a besoin et de considérer les matériaux de construction selon leur pérennité et leur respect de l’environnement. Ce serait l’occasion d’entrer dans le siècle de l’écologie. 

Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, le respect de la Charte de Venise, sur la conservation et la restauration des monuments et des sites signée en 1964 fournit un cadre international pour la préservation et la restauration des objets et des bâtiments anciens et s’ajoute au classement de Paris, rives de Seine, au patrimoine mondial de l’Unesco et au document de Nara sur la préservation et la restauration des objets et des bâtiments anciens. Comme le dit le général Georgelin, “Ces documents, certes, n’ont pas valeur de loi, mais ils ne peuvent évidemment pas être ignorés.”
Tout concourt à nous faire dire que la prochaine charpente de Notre-Dame de Paris sera en bois.
 

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