2 mai 2024

Les bases du carbone, notions clés

Un crédit carbone est un certificat qui prouve l’évitement ou la captation d’une tonne de CO2 eq. grâce à la mise en place d’une action.

Théophane Le Méné
Théophane Le MénéDirecteur Général
Les bases du carbone, notions clés

Dans un monde où chaque tonne de CO2 compte, une compréhension approfondie des crédits carbone, de leur fonctionnement et de leur application est essentielle pour tout acteur souhaitant jouer un rôle actif dans la lutte contre le dérèglement climatique.

1 - Crédit Carbone – Définition :

Un crédit carbone est un certificat qui prouve l’évitement ou la captation d’une tonne de CO2 eq. grâce à la mise en place d’une action.

Faut-il parler de carbone ou de CO2 ?

Au quotidien, on parle indifféremment de carbone ou de CO2 mais il s’agit de deux choses différentes :

  • Le carbone est un atome, représenté par la lettre C — il n’est pas problématique en lui-même.
  • Le dioxyde de carbone, ou CO2 est une molécule, composée de deux atomes d’oxygène (« di-oxyde ») et d’un atome de carbone — de par sa structure, cette molécule entre en vibration lorsqu’elle est exposée à des rayons infrarouges, et génère ainsi de la chaleur qu’elle renvoie dans l’atmosphère.

Attention !

Dans le cadre de crédits carbone, quand on parle d’une « tonne de carbone », il s’agit en réalité d’une tonne de COéquivalent.

  • 1 atome de Carbone (C) pèse 12 unités de masse atomique (m.a.)
  • 1 atome d’Oxygène (O) pèse 16 unités de m.a.
  • 1 molécule de CO2 pèse donc 1C + 2O = 12 + (2 x 16) = 44 unités de m.a.

→ Autrement dit, 1 tonne de C captée, correspond à 3.67 tonnes en équivalent CO2

Quelques faits :

Les arbres capturent du CO2 mais ne séquestrent que du Carbone (C), car ils réémettent du dioxygène (O2).
On peut écrire CO2 ou CO2 ou, à la rigueur, co2, mais en aucun cas CO², Co2, C02, C02, C0², c0² etc.

2 - Les 4 caractéristiques d’un crédit carbone

Pour être valide, un crédit carbone doit répondre à des critères bien définis, et ce, quelle que soit la certification.

Mesurabilité/Vérifiabilité

Il doit être possible de mesurer/vérifier les réductions d’émissions pour garantir que chaque crédit correspond bien à 1 tCO2 eq. évitée ou captée.

Si certains considèrent la vérifiabilité comme l’une des caractéristiques fondamentales des crédits carbone, en plus de la mesurabilité, EcoTree choisit de ne pas dissocier ces notions.

En effet, la vérifiabilité se rapporte à la capacité de vérifier et confirmer indépendamment les affirmations liées à un crédit carbone. Or, ce qui est “mesurable” est, par nature, “vérifiable” : la sélection de métriques précises pour les réductions assure implicitement que ces métriques peuvent être vérifiées par un tiers certificateur indépendant.

Additionnalité

Tout est calculé par rapport à un scénario de référence, qui représente ce qu’il se passerait si le projet n’était pas réalisé. Il faut prouver que les réductions d’émissions n’auraient pas eu lieu dans ce scénario de référence.

L’additionnalité a plusieurs dimensions :

  • Physique/biologique

On ne valorise que les tonnes de CO2eq. qui ont été captées/évitées dans le cadre du projet, moins les tonnes qui auraient de toute façon été séquestrées dans le scénario de référence. Par exemple, si un projet forestier permet de capter 10 tonnes, mais que, dans le scénario de référence, une friche se serait naturellement développée sur la même parcelle et aurait captée 4 tonnes, alors on ne peut générer que 10 – 4 = 6 crédits carbone.

  • Economique

Pour que les réductions d’émissions soient additionnelles, il faut également prouver qu’elles n’auraient pas pu avoir lieu sans la valorisation des crédits carbone. A titre d’exemple, si le scénario de projet est plus rentable que le scénario de référence, on considère de manière économiquement rationnelle, que le projet aurait en tous les cas eu lieu. Dans le cas d’une plantation de forêt, on émet l’hypothèse qu’il serait anormal qu’un propriétaire forestier ne conduise pas un projet de boisement, si ce dernier est plus rentable qu’une friche (scénario de référence).

  • Réglementaire

Enfin, l’additionnalité est aussi dépendante de la réglementation. S’il était interdit de rouler avec une voiture essence ou diesel, on ne pourrait pas récompenser l’utilisation plus propre d’une voiture électrique. De même, s’il était obligatoire de planter des arbres sur une friche, la plantation d’arbres deviendrait le scénario de référence, et aucun crédit carbone ne pourrait en être issu.

Permanence

Pour être valide, un crédit carbone doit être associé à une réduction d’émissions “permanente”, et théoriquement irréversible.

Sans la contrainte de permanence, et en poussant un peu le raisonnement, on pourrait en effet envisager de générer des crédits carbone en retenant simplement sa respiration quelques secondes, ce qui serait absurde.


De même, un arbre ayant une durée de vie limitée, il ne peut être considéré que comme un stock de carbone temporaire, réversible : en effet, que le bois mort soit abandonné en forêt ou utilisé comme du bois d’œuvre, il finira de toute façon par se décomposer ou être brûlé, à plus ou moins long terme. On ne saurait donc associer un crédit carbone à des arbres spécifiques.


A l’inverse, la quantité de carbone séquestré à l’échelle de la forêt peut être considérée comme permanente. Pour comprendre comment cela est possible, on peut utiliser l’analogie d’une ruche : une abeille née au printemps vit en moyenne 3 à 5 semaines, ce qui signifie qu’entre le printemps et l’automne, toutes les abeilles ouvrières auront été remplacées par de nouvelles, mais il s’agira toujours de la même colonie, dans la même ruche. De même, dans une seule et même forêt gérée durablement, tous les arbres finiront par être remplacés par de nouveaux.

Unicité

Un crédit carbone ne peut être utilisé qu’une seule fois, par une seule entité, afin d’éviter les problèmes de double comptabilité i.e. si deux entités revendiquaient un même projet de captation de 100 tonnes, on estimerait que 2x100t = 200t ont été captées, quand en réalité, le total capté ne représente que 100t.

Pour éviter ce genre de situation, les grands acteurs du marché volontaire du carbone ont mis en place des registres dans lesquels ils inscrivent individuellement les crédits associés à chaque projet, en attribuant à chacun une référence unique.

3 - Quelques notions complémentaires

Ex-ante vs. Ex-post

  • Un crédit est dit ex-ante (littéralement “d’avant”) lorsqu’il est émis avant que les réductions d’émissions aient eu lieu (e.g. que le boisement soit réalisé et que la forêt grandisse).

  • Un crédit est dit ex-post (littéralement “d’après”) lorsqu’il est émis après que les réductions d’émissions ont été effectivement constatées (e.g. après des mesures de volume de bois sur pied sur le terrain).

Évitement vs. Captation

Un projet d’évitement consiste à émettre moins de CO2 dans l’atmosphère que ce qui aurait dû être émis si on avait maintenu le statu quo.

Par exemple :

  • Utilisation d’une éolienne au lieu d’une usine à charbon.
  • Mise en place d’un projet agroforestier au lieu d’une agriculture intensive avec utilisation d’intrants chimiques.
  • Restauration d’une tourbière, qui va permettre le maintien du carbone séquestré, plutôt que sa réémission en se décomposant.
  • Installation de double vitrage qui, en isolant mieux un logement, permet de réduire sa dépense énergétique.

Un projet de captation consiste à absorber du CO2 de l’atmosphère.

Par exemple :

  • Une forêt absorbe du CO2.
  • Des technologies de Direct Air Capture permettent l’extraction du CO2 de l’air et son stockage dans des matériaux.

Les 3S : Séquestration, Stockage, Substitution

Il est important de distinguer ces trois notions :

  • Séquestration : piégeage du carbone dans la biomasse par photosynthèse (i.e. les arbres vivants dans la forêt).
  • Stockage : stockage du carbone dans les produits de la filière bois (meubles, cagettes, poutres, copeaux, etc.).
  • Substitution : fait de remplacer les sources d’énergie fossile (charbon, pétrole...) ou l’utilisation de matériaux à la production énergivore et/ou polluante (aluminium, béton) par du bois. Les quantités de carbone évitées par l’utilisation de ce matériau renouvelable plutôt qu’un autre non-renouvelable sont dites substituées.

Nature-based vs. Technology-based

Les crédits carbone peuvent être générés de différentes manières :
Il est important de distinguer ces trois notions :

  • Naturelles : ces crédits sont issus de projets qui utilisent des processus naturels ou des écosystèmes pour réduire ou capturer les émissions de GES.
    • Reboisement et afforestation : planter des arbres dans des zones où ils ont été abattus ou dans de nouvelles zones où les arbres ne poussaient pas à l’origine.
    • Agroforesterie : intégration des arbres dans les exploitations et les systèmes agricoles.
    • Restauration des zones humides : restauration des marais, des tourbières et d’autres zones humides qui peuvent agir comme des puits de carbone.
    • Agriculture durable : pratiques agricoles qui augmentent la quantité de carbone stockée dans le sol, telles que la culture sans labour ou l’utilisation de cultures de couverture.
    • Restauration des tourbières : les zones humides, en particulier les tourbières, peuvent stocker de grandes quantités de carbone, mais lorsqu’elles sont drainées ou dégradées, elles peuvent devenir d’importantes sources d’émissions. La restauration de ces terres peut leur redonner leur capacité de séquestration du carbone.
    • etc.
  • Technologiques : ces crédits sont issus de projets ou d’activités qui tirent parti de la technologie pour réduire ou capturer les émissions de GES.
    • Capture et stockage du carbone : il s’agit de capturer les émissions de dioxyde de carbone à leur source (comme les centrales électriques), puis de les stocker sous terre ou de les utiliser d’une manière ou d’une autre, plutôt que de les rejeter dans l’atmosphère.
    • Projets d’énergie renouvelable : projets solaires, éoliens, hydroélectriques et géothermiques qui produisent de l’énergie en émettant moins de dioxyde de carbone que des centrales thermiques utilisant des énergies fossiles par exemple.
    • Amélioration de l’efficacité énergétique : amélioration des installations, des machines ou des processus afin de consommer moins d’énergie.
    • etc.

Retrait

Pour pouvoir intégrer un crédit dans sa comptabilité carbone, il est nécessaire de le “retirer” du registre : cela signifie dans la pratique que, pour qu’une entreprise puisse obtenir un certificat qui lui permettra de “compenser” son empreinte avec le crédit en question, elle doit contacter l’entité qui a émis ce crédit, pour que ce dernier lui soit définitivement attribué.

Un certificat est alors émis, avec la référence unique du crédit, associée à la référence unique de l'entreprise. 

Un crédit “retiré” ou consommé ne peut plus être échangé (i.e. ni acheté, ni vendu).

Neutralité vs. Net Zero

Même si ces deux termes sont parfois utilisés indifféremment, il y a tout de même une subtilité qui les distingue :

  • Pour parler de "neutralité carbone" :
    • On peut utiliser des crédits carbone de toute sorte, notamment d’évitement.
    • La neutralité n’implique pas d’obligation de réduction des émissions : une entreprise pourrait théoriquement communiquer sur sa neutralité en continuant à augmenter ses émissions annuelles
  • Pour parler de Net Zero : 
    • On ne peut utiliser que des crédits carbone basés sur de la captation.
    • Une revendication Net Zero implique que l’entité a réduit ses émissions au minimum incompressible.

Compensation vs. Contribution

Les notions de neutralité et de Net Zero s’emploient essentiellement à l’échelle d’une entité individuelle, dans une logique de compensation, qui sous-entend qu’il est possible d’annuler ses émissions par une simple opération comptable.

Or, les émissions et captations de CO2 sont des phénomènes complexes qui ne peuvent en aucun cas être réduits à une simple soustraction qui ne tient compte ni de la localisation, ni de la temporalité de ces flux physiques. C’est pourquoi la neutralité carbone ne peut se concevoir qu’à l’échelle planétaire.

Pour éviter toute ambiguïté, et ne pas donner l’illusion qu’un crédit carbone fait tout simplement disparaître une tonne de CO2 émise par une entreprise spécifique, on préfère parler de contribution à la neutralité carbone globale. Cela signifie que, si une entreprise continue à acheter des crédits carbone, elle ne le fait plus pour annuler ses propres émissions, mais pour participer positivement à la lutte collective contre le dérèglement climatique.

Cet article est un extrait de notre guide complet “Comment choisir des crédits carbone de qualité ?”

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