28 avr. 2022
Comment s’organise la vie des abeilles dans une ruche ?
Composée de plusieurs milliers d’individus, une colonie d'abeilles est une société organisée dans laquelle la reine et chaque ouvrière ont un rôle à jouer.
La vie des abeilles mellifères est fascinante. Au sein de la ruche se déroule un spectacle complexe où chaque abeille a un rôle précis à jouer à chaque étape de sa vie pour la survie de toute la colonie.
La reine des abeilles, préposée à la ponte
La reine des abeilles joue un rôle clé dans la ruche. Malgré son titre honorifique, elle ne bénéficie guère d’un quotidien particulièrement enviable. Son rôle se cantonne à la reproduction : elle pond jusqu’à 2 000 œufs par jour au plus fort de la saison chaude. Entourée des nombreuses ouvrières de sa colonie (il y en a jusqu’à 80 000), la reine est la seule abeille femelle fertile. Ses phéromones empêchent toute autre abeille de vouloir pondre. Par ailleurs, elle seule a un système reproducteur complet et une spermathèque permettant de faire naître des ouvrières.
Les œufs fécondés se transforment en abeilles femelles. La reine et les ouvrières partagent les mêmes gènes : ce qui les différencie, c’est que certaines larves sont nourries plus longtemps à la gelée royale, en faisant des reines potentielles. La première à éclore tue, ou fait fuir ses concurrentes. Les autres abeilles, nourries principalement de miel et de pollen, seront ouvrières.
Enfin, les œufs non fécondés se transforment en abeilles mâles, les faux-bourdons, par un processus appelé parthénogenèse.
La reine se distingue des autres abeilles, d'abord par sa taille (une fois et demi supérieure) mais également par ses mandibules dentées, ses ailes étalées, ses ovaires actifs et sa spermathèque, son dard lisse plutôt que barbelé, ainsi que son absence de corbeilles à pollen sur les pattes… La reine jouit aussi généralement d’une longue vie qui peut atteindre plusieurs années, contrairement aux autres abeilles qui vivent environ 45 jours, sauf les abeilles d’hiver qui vivent plusieurs mois, travaillant peu et hivernant dans leur ruche.
La reine ne sort que très rarement de la ruche. A moins de la quitter à l’occasion d’un essaimage, elle ne sortira que lors d’un seul et unique vol nuptial, pendant lequel les faux-bourdons rempliront sa spermathèque de manière définitive.
La reine des abeilles, reconnaissable à sa grande taille, est marquée par l’apiculteur d’un point de couleur suivant son année de naissance afin de mieux l’identifier.
Les faux-bourdons, reproducteurs flâneurs
Grosses abeilles poilues qui ne piquent ni ne produisent de miel, les faux-bourdons volent de ruche en ruche pour se nourrir du miel produit par les ouvrières. Accueillis partout au printemps et en été, ils mènent une vie plutôt oisive jusqu’au vol nuptial. S’ils fécondent la reine, leur appareil reproducteur est arraché et ils meurent. S’ils survivent, à la fin de l'automne, lorsque les ressources extérieures se font rares, les mâles sont expulsés des ruches et meurent, incapable de se nourrir seuls.
Les ouvrières, travailleuses polyvalentes
Si la larve fécondée pondue par la reine est nourrie de miel et de pollen, elle deviendra une ouvrière qui occupera plusieurs rôles à des moments donnés de sa courte vie. Si les abeilles peuvent s'adapter suivant le contexte, on considère que leur vie se décompose comme suit.
De sa naissance au sixième jour de sa vie, l’abeille est “nettoyeuse”, elle garde la ruche propre et en bonne santé. Du 6e au 9e jour, elle sécrète de la gelée royale qui nourrit les larves et la reine, devenant de ce fait “nourrice”. Pendant les trois jours suivants, la “magasinière” récupère le nectar récolté par les butineuses à partir duquel le miel est produit. Du 11e au 15e jour, l’abeille devenue “bâtisseuse” produit de la cire et construit les alvéoles de la ruche.
Au bout de 15 jours, elle devient alors “gardienne” pour protéger la ruche des prédateurs et des autres colonies d’abeilles. A certaines périodes, elle est aussi une abeille “ventileuse”, aérant la ruche grâce au battement de ses ailes, pour réguler la température et faire baisser le taux d’humidité.
Enfin, à trois semaines, il est temps pour elle de devenir “butineuse” ou “porteuse d’eau”, contribuant ainsi à l’approvisionnement de la ruche. Les plus expérimentées, devenues “éclaireuses”, montreront le chemin aux autres abeilles. Après avoir butiné le nectar des fleurs ou le miellat sur les arbres, et s’être couvertes de pollen, les éclaireuses et butineuses rentrent à la ruche. Elles y régurgitent le nectar stocké dans une poche interne de la bouche ou se déchargent du pollen qu’elles ont accumulé le long des pattes.
Les butineuses peuvent butiner jusqu’à 250 fleurs en une heure. Pour produire un gramme de miel, elles doivent butiner pendant environ 30 heures et parcourir en moyenne une quarantaine de kilomètres ! Après quelques semaines d’un travail aussi harassant, les abeilles mourront d’épuisement. Qu’elles fassent partie d’une ruche exploitée ou non, cela n’y change rien, elles auront le même niveau d’activité et feront le même travail. Seul le miel excédentaire est récolté par les apiculteurs et, dans le cas où la ruche manquerait de ressources en hiver, l’apiculteur la supplémenterait par exemple avec du sucre candi pour assurer la survie de la colonie.
Un système de communication sophistiqué
Il est bien connu que les abeilles communiquent grâce à leurs “danses”. De retour dans la ruche, les éclaireuses et butineuses se déplacent d’une manière particulière pour partager des informations sur les lieux de butinage. Chaque danse a une signification particulière.
Une danse en rond signifie que le lieu de butinage est proche de la ruche, tandis qu’une danse en faucille veut dire que la distance est plus grande, et indique la direction à suivre. L’angle formé entre son axe de symétrie et la direction verticale est équivalent à celui qu’elles doivent prendre en sortant de la ruche entre la direction du soleil et la direction à prendre.
La danse frétillante donne trois informations : la direction (comme donnée lors de la danse de la faucille) et la distance de la ressource (suivant le temps que prend la danse) ainsi que sa richesse (selon la fréquence de frétillement). Ces informations sont aussi complétées par des renseignements olfactifs.
Du toit au plancher, une ruche bien organisée
Semblable à un gros cube, vue de l’extérieur, une ruche à cadres est plus complexe à l’intérieur. Il existe différents types de ruches, nommées d’après leurs inventeurs : la plus utilisée en Europe est la ruche Dadant, la plus courante aux Etats-Unis est la ruche Langstroth, tandis que les ruches Voirnot sont souvent utilisées dans les régions plus froides, et les ruches Warré sont facilement manipulables. La majorité a une structure interne relativement semblable.
La ruche surélevée repose sur un socle, le plancher. L’entrée de la ruche se trouve à ce niveau et peut être réduite par une grille afin d’éviter l’intrusion des rongeurs.
Vient ensuite le corps de la ruche : c’est l’élément principal car il contient le cœur de la colonie : le couvain (œufs, larves et nymphes), ainsi que le miel et le pollen, qui sont situés dans une dizaine de cadres, suivant le type de ruche. Ces cadres vides, parfois barrés d’un fil de fer fin, fournissent le support sur lequel les abeilles construiront des alvéoles de cire.
Aux beaux jours, une fois la colonie en pleine expansion et quand l’espace vient à manquer dans le corps de la ruche, l’apiculteur installe une hausse, ou exceptionnellement plus, sur le corps de la ruche, avec des demi cadres. C’est là que l’excédent de miel sera stocké par les abeilles et c’est uniquement ce miel qui sera récolté par l’apiculteur.
La hausse est souvent posée au-dessus d’une “grille à reine”, qui empêche la reine d’accéder à la partie supérieure de la ruche afin qu'il n’y ait pas de couvain dans les cadres récoltés.
La ruche est enfin surmontée d’un couvre-cadre, un toit qui permet d’isoler de la chaleur et du froid.
Une dure vie d’abeille
On aurait tort de croire que récolter le miel, le pollen, la gelée royale et la cire d’abeilles porte préjudice aux abeilles. L’activité même de l’apiculteur repose sur le bien-être et la santé de ses colonies. Il travaille donc de manière raisonnable afin de ne pas nuire à la colonie.
Si l’on peut s’inquiéter pour les abeilles, c’est à cause des dangers auxquels elles ne peuvent pas faire face seules. Les attaques de varroas, acariens qui compromettent la croissance des larves, sont de plus en plus fréquentes et mettent en grave péril la survie des colonies qui ne sont pas traitées. L’usage fréquent de pesticides contribue aussi au déclin des abeilles. La disparition de la biodiversité, le changement climatique et les perturbations que cela engendre (gel tardif, pluviométrie élevée, sécheresses…) nuisent gravement aux abeilles domestiques, tout comme aux autres pollinisateurs.
L’apiculture contribue à la survie des abeilles mellifères, indispensables à la sécurité alimentaire humaine : plus d’un tiers de la production de nourriture mondiale dépend des insectes pollinisateurs. Les abeilles solitaires, guêpes, bourdons, papillons, coccinelles, mouches et autres pollinisateurs ne bénéficient hélas pas toujours des égards accordés aux abeilles domestiques…