3 juil. 2023
Comment engager les entreprises pour freiner l’érosion de la biodiversité ?
Les entreprises ont une responsabilité dans l’amenuisement de la biodiversité et peuvent jouer un rôle important pour inverser la tendance.
De même que dans la nature tous les écosystèmes sont liés et doivent rester connectés, notre vie est liée par tous ses aspects à la nature. C’est elle qui nous procure la nourriture, les médicaments, les matériaux de construction, l’eau, etc. Ainsi, plus notre environnement naturel est dégradé, plus la société devra y palier, plus cela nous coûtera de temps, d’argent et d’énergie. Il est beaucoup plus intelligent de respecter la diversité du vivant et de l’aider à se reconstituer aujourd’hui pour profiter de ses richesses. Pour cela, il faut comprendre ce qu’est la connectivité des écosystèmes et comment entreprises et particuliers peuvent contribuer à relier les organismes vivants à leur milieu naturel.
Qu’est-ce que la connectivité des écosystèmes ?
La connectivité des écosystèmes ou connectivité écologique est un concept biologique et géographique qui cherche à appréhender la façon dont sont reliés entre eux des milieux naturels ayant un certain nombre de correspondances.
La connectivité est ainsi structurelle : deux habitats ont la même structure et sont reliés par un corridor qui permet l’échange des populations vivantes et non vivantes.
La connectivité est aussi fonctionnelle : elle prend en compte la capacité des organismes à se déplacer.
Par exemple, entre deux forêts, tous les organismes n’auront pas la même capacité de se déplacer même si un couloir naturel leur a été aménagé : oiseaux, insectes, champignons, bactéries, graines ne se déplacent pas aussi loin ni aussi facilement.
Cette connectivité à deux échelles nous force ainsi à considérer la nature comme une succession de relations qu’il faut favoriser en tenant compte tout à la fois de la diversité des organismes vivants mais aussi de leur capacité à se déplacer et se croiser.
Pourquoi les entreprises doivent-elles s’engager pour une nouvelle connectivité des écosystèmes ?
Les entreprises ont une responsabilité dans la perte de la biodiversité
Le rôle des entreprises dans la disparition du vivant n’est pas nul, aussi doivent-elles consacrer une partie des richesses générées par les services écosystémiques dans la reconstitution de la nature. En effet, à quoi nous servira la richesse quand nous connaîtrons de réelles difficultés pour nous nourrir et que le climat sera totalement déréglé ?
L’attente des clients en matière d’engagement des entreprises est forte
L’engagement des entreprises pour freiner l’érosion de la biodiversité est par ailleurs une attente forte des clients et peut être un argument fort des entreprises en matière de communication et de marketing, pourvu que leur engagement soit à la hauteur de leur discours.
Le climat attire encore l’essentiel des fonds
C’est aujourd’hui la lutte contre le réchauffement climatique qui attire l’essentiel des fonds et mobilise le plus les entreprises. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), des “actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité”, ne reçoivent que 3% du financement mondial pour le climat, alors que “30% des besoins d’atténuation climatique nécessaires pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris pourraient être assurés par des Solutions Fondées sur la Nature (SFN).”
Il est essentiel de se démarquer pour une entreprise
Les entreprises qui s’engagent pour la biodiversité via des SFN se mettent ainsi avantageusement en avant en faisant preuve d’innovation, d’avant-gardisme et en adoptant une posture différenciante vis-à-vis de leurs collaborateurs, de leurs clients et de leurs pairs.
En s’engageant pour la biodiversité, l’entreprise répond à la demande des investisseurs et se conforme aux réglementations
L’attente des investisseurs va croissante et les entreprises capables de prouver leur engagement concret en matière de reconstitution de la diversité du vivant se démarquent réellement par rapport à celles dont l’engagement est encore timide. Poussés par les nouvelles réglementations mais aussi par leurs convictions, les investisseurs privilégient les entreprises qui soutiennent des projets durables de réhabilitation de la nature. Par ailleurs, les entreprises seront bientôt contraintes de se soumettre aux nouvelles réglementations (CSRD) pour leurs reportings extra-financiers.
La stratégie des entreprises pour le climat ne peut pas faire l’impasse de la biodiversité
Une approche RSE rigoureuse ne peut pas éviter le sujet de la biodiversité. Cela n’a plus de sens de s’engager en faveur du climat sans prendre conscience de la dimension de la crise du vivant que nous traversons. Nous sommes déjà entrés dans la sixième extinction de masse, par conséquent toute stratégie d’entreprise cohérente doit prendre en compte l’attention au monde vivant dont l’amenuisement influe directement sur le climat.
Pourquoi faut-il favoriser la biodiversité ?
La nature ne se défendrait-elle pas très bien toute seule ? En vérité si, mais à condition que les sociétés humaines ne se soient pas immiscées dans son développement. Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), 69% des espèces de vertébrés ont disparu depuis 1970, 80% des insectes d’Europe ont disparu et 60% des populations d’animaux sauvages ont été perdues en 40 ans. La Ligue pour la Protection des Oiseaux estime que 70% des moineaux parisiens ont disparu en moins de 15 ans à cause de la diminution des sites de nidification due à l’intensification de l’urbanisation (façades lisses) et à la malnutrition.
Les raisons de la perte de la biodiversité
Les raisons de l’amenuisement de la diversité des espèces sont :
- La destruction des habitats (déforestation, urbanisation, modernisation des bâtiments empêchant moineaux, chauves-souris et hirondelles de nicher, par exemple).
- La surexploitation des ressources naturelles (agriculture intensive, surpêche, extraction de minerais...)
- Le changement climatique.
- La pollution (de l’eau, du sol ; chimique, lumineuse, plastique, de déchets…)
- L’introduction d’espèces exotiques envahissantes (écrevisse de Louisiane, vison d’europe, pyrale du buis, jussie, renouée du japon, moustique tigre, frelon asiatique…)
Ces 5 phénomènes majeurs sont le fait du développement des sociétés humaines, l'IPBES estimant que le taux d'extinction des espèces est plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de fois supérieur au taux moyen d’extinction des 10 derniers millions d’années. Et que le rythme accélère toujours.
Comment favoriser la biodiversité ?
Ainsi donc, si l’Homme a une capacité de destruction de la nature si puissante, il doit être capable de faire preuve d’une capacité de reconstitution équivalente. Même si nous ne ferons pas revenir les espèces définitivement éteintes, nous pouvons inverser la tendance générale et mettre en œuvre les solutions adéquates pour “raviver les braises du vivant”, pour reprendre l’expression de Baptiste Morizot. C’est essentiellement une question de volonté. C’est aussi une urgence car s’il est rapide de détruire, la reconstitution est beaucoup plus longue.
EcoTree vous propose des solutions sur-mesure pour soutenir des projets de réhabilitation de la biodiversité terrestre ou marine.
Quels sont les services écosystémiques ?
Au quotidien, la nature nous rend des services que l’on appelle écosystémiques :
- 84 % des espèces végétales cultivées dépendent directement des insectes pollinisateurs.
- En France la part de la production végétale destinée à l’alimentation humaine que l’on peut attribuer à l’action des insectes pollinisateurs représente une valeur comprise entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros.
- 70% des médicaments utilisés pour traiter les cancers sont des produits naturels ou des produits inspirés par la nature.
Source de l'image : Géoconfluences ENS Lyon
Créer des aires de protection ou reconnecter les écosystèmes ?
Pour que la biodiversité puisse de nouveau s’épanouir et la nature nous nourrir, nous vêtir, nous abriter, il n’est plus question de mettre des pans de nature sous cloche mais de prendre conscience que nous sommes une partie de la nature et que celle-ci doit être préservée partout où nous sommes et à tout instant.
C’est ainsi que les nouveaux dispositifs misent davantage sur un continuum géographique (connectivité des écosystèmes) que sur des réserves naturelles. C’est toute l’approche mise en place depuis les années 1990 avec les zones Natura 2000 puis les trames verte et bleue.
Nous sommes passés d’une vision statique misant sur quelques espèces rares à préserver à une vision dynamique qui travaille à reconnecter le plus grand nombre d’espaces pour préserver toute la diversité du vivant, même la plus commune. Car ce n’est pas parce que nous voyons encore des moineaux à Paris que leur population n’a pas largement diminué. Et dans le tissu du vivant, chaque espèce est utile et importante.
Aujourd’hui, les aires protégées couvrent environ 15% de la surface terrestre du monde. On comprend bien que nous ne pouvons pas prendre soin de la nature uniquement dans ces 15% ! Et même si la COP15 sur la biodiversité a rehaussé l’objectif pour atteindre d’ici à 2030 au moins 30 % de terres et de mers à protéger au moyen de réseaux écologiques fonctionnels, ainsi qu’une restauration d’au moins 20 % des écosystèmes dégradés en assurant la connectivité entre eux, ces objectifs semblent trop ambitieux pour être atteints et ne suffiront pas à endiguer la perte du vivant s’il n’est pas en même temps protégé partout.
Le rôle fondamental des forêts pour la protection du monde vivant
80% des espèces terrestres sont abritées par la forêt. C’est la raison pour laquelle il est essentiel d’en prendre soin. Ce qui signifie les gérer en préservant un couvert continu qui favorise le brassage génétique des arbres (donc leur adaptabilité au changement climatique) et qui évite de mettre brutalement des sols à nu tuant d’un seul coup toutes les espèces inféodées au milieu et épuisant le sol. Ce qui signifie également planter de nouvelles forêts où ce milieu fait défaut, attendu qu’il est le réservoir de biodiversité le plus efficace sur terre et la manière la plus efficace de connecter les milieux et les écosystèmes entre eux. Parce qu’il offre nourriture et abri à bon nombre d’espèces, même celles qui se nourrissent dans les espaces ouverts.
L’agriculture extensive et l’artificialisation des sols (villes, usines, constructions…) ont fait beaucoup de mal aux espèces en les chassant de leur territoire et en les isolant. La forêt est aujourd’hui un élément essentiel dans le dispositif de reconstitution des écosystèmes naturels en Europe, même pour les espèces aquatiques qui sont souvent mieux protégées sous un couvert forestier que dans les champs ou les plaines ouvertes.