21 avr. 2020
Portrait de Vianney, cofondateur et forestier d’EcoTree
Vianney de la Brosse, cofondateur d’EcoTree, en est aussi le forestier et le sylviculteur.
Vianney de la Brosse est l’homme de terrain d’EcoTree. Celui par qui les forêts sont entretenues et grâce à qui les arbres poussent droit et haut. Il est tombé dans la marmite quand il était petit, nous confie ce Breton. Pour le plus grand bonheur de tous les petits Idéfix amoureux des arbres que nous sommes.
Quel est ton parcours, Vianney ?
Vianney de la Brosse : Après plusieurs années d’études, j’ai changé d’orientation pour travailler dans les forêts. J’ai donc commencé comme ouvrier forestier. J’ai été d’abord planteur en Mayenne pendant un an et demi, tout en passant mon BTS de gestion forestière par correspondance. Par la suite, j’ai été employé par la DDA (actuelle DDT, Direction Départementale des Territoires) comme conseiller forestier dans le Morbihan. Puis, en 2010, j’ai monté mon entreprise de plantation et travaux forestiers dans les Côtes-d’Armor. J’ai commencé seul, et petit à petit, j’ai embauché des apprentis, puis des ouvriers. J’ai alors pu étendre mon action à l’ensemble de la Bretagne.
Que t’ont appris ces études ?
Vianney : Les études de sylviculture enseignent essentiellement à gérer une forêt, à différencier les essences, à savoir que planter en fonction de la nature du sol, de l’ensoleillement, de la pluviométrie.
Avec mon entreprise, j’ai donc essentiellement effectué des travaux de plantation l’hiver, puis de dégagement, d’éclaircie, d’élagage, de taille de formation le reste du temps. J’ai un peu travaillé pour le conseil général mais principalement pour des propriétaires privés. Nous faisions du reboisement à la suite de coupes rases ou sur des friches, sans être mécanisé, seulement avec des planteurs, des bêches et des débroussailleuses. Nous avons fait beaucoup de déplacements pour planter des parcelles allant d’un à vingt hectares.
Il y avait beaucoup de travail ?
Vianney : C’est un métier très physique et vraiment difficile. Il y a donc peu de candidats pour beaucoup de travail, et notamment au début des années 2010, parce que de nombreuses parcelles avaient besoin d’être reboisées en Bretagne. Beaucoup de plantations du Fonds forestier national avaient été pratiquées au cours des années 1970-80 et arrivaient à terme. Les forêts avaient été coupées et il fallait reboiser. Il y avait besoin d’entreprises pour le faire, et ça a très bien marché pour moi au début des années 2010.
Comment t’es venue cette idée de planter des arbres ?
Vianney : Des arbres, j’ai commencé à en planter à 7, 8 ans avec mon grand-père, je suis un peu né là-dedans. Je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit. J’ai grandi en Bretagne et j’ai toujours eu la passion des forêts.
Comment es-tu tombé tombé dans la marmite EcoTree ?
Vianney : La marmite, c’est un peu moi. En 2014, Erwan, que je connaissais bien, travaillait dans la finance et moi dans les forêts. Nous avions longuement discuté de nos métiers respectifs, et nous en sommes arrivés à nous dire que la forêt était vraiment une valeur d’avenir, notamment pour les plantations. C’est en mêlant nos idées que nous avons monté EcoTree. Il a fallu un peu de temps pour tout mettre en place, donc j’ai gardé mon entreprise jusqu’en 2018. Depuis, je me consacre à temps plein aux forêts d’EcoTree.
Et c’est toi qui t’occupes aussi de l’achat des forêts ?
Vianney : Je me concentre vraiment sur les acquisitions et la gestion de forêts en Bretagne. J’ai un réseau de personnes qui me proposent des forêts à vendre, des terres agricoles et des friches. Là-dedans, je sélectionne les meilleurs stations pour nos clients.
Comment procèdes-tu pour choisir les bonnes forêts ?
Vianney : Avec EcoTree, nous avons un objectif de production de bois d’oeuvre. Il faut donc que ce soit une bonne station forestière pour les essences de production : douglas, châtaignier, chêne... Je sélectionne les bons sites, en fonction de la pluviométrie, de la profondeur du terrain, de l’exposition, et d’autres critères qui permettent de se dire que cela donnera une bonne production de bois.
Y a-t-il une superficie minimale pour qu’EcoTree en fasse l’acquisition ?
Vianney : Lorsque nous sommes présents sur le secteur, nous pouvons acheter une terre d’un hectare, mais si c’est géographiquement éloigné, nous cherchons des massifs d’au moins dix hectares, car cela générerait trop de déplacements pour la plantation et l’entretien, et ce serait une dépense d’énergie et une production de gaz à effet de serre trop importante. Aujourd’hui, je couvre essentiellement les trois départements bretons que sont les Côtes-d’Armor, le Morbihan et le Finistère.
Comment faites-vous pour les forêts d’EcoTree qui sont en Ile-de-France ?
Vianney : J’en supervise la gestion à distance et je les fais entretenir par des gestionnaires forestiers locaux, mais je m’y rends quand même plusieurs fois par an. Cela évite de générer du CO2 inutilement, et permet de favoriser les emplois locaux.
Il y a également d’autres projets, liés à la biodiversité
Vianney : Oui, EcoTree, c’est de la production de bois mais aussi le développement de la biodiversité. Depuis quelques années, mais surtout depuis un an, nous développons avec beaucoup de vigueur la biodiversité dans nos forêts. C’est pourquoi nous y installons des ruches, y restaurons des zones humides, y plantons des haies mellifères et des haies bocagères. Ce n’est plus de la production de bois, mais la nature est un ensemble et nous veillons à l’écosystème forestier en général. Cela n’aurait aucun sens de délier la production de bois de l’écosystème forêt et de ne pas respecter la nature dans son entièreté.
Alors, pour installer les ruches, nous nous sommes mis en contact avec des apiculteurs qui souhaitent déposer des ruches. Nous mettons en place des accords entre eux et nos clients, afin que les abeilles puissent vivre et que le miel soit récolté.
Installer des ruches dans les forêts, est-ce bénéfique uniquement aux abeilles ou aussi aux arbres ?
Vianney : C’est une très bonne chose pour la pollinisation. De manière générale, le développement de la biodiversité est bon pour celui de la forêt. Ça la protège et la rend plus résiliente. Sans les abeilles, certains arbres à fleurs de nos forêts ne seraient pas pollinisés et ne se reproduiraient pas.
Justement, qu’est-ce qui influe sur la diversité des essences dans les forêts ?
Vianney : Les nôtres sont principalement situées en Bretagne, donc le nombre d’essences est limité, mais cela est voué à évoluer, pour nos clients, au fur et à mesure que nous acquerrons des forêts dans d’autres régions.
Toutefois, EcoTree ne commercialise pas toutes les essences qui se trouvent dans ses forêts ?
Vianney : Non, bien sûr. Il y a beaucoup d’autres essences présentes dans nos forêts : du bouleau, du châtaignier, du chêne, et encore d’autres. Mais nous commercialisons les essences de production.
Comment se passe un reboisement, concrètement ? D’où viennent les plants ?
Vianney : La plupart de nos plants viennent de Bretagne. Plus précisément, de la pépinière de Saint-Vran. L’entreprise Rouxel y élève les plants en plein champ. Elle pratique les semis, et les plants sont conservés en pépinière pendant deux ou trois ans, en rangs très serrés, après quoi, ils sont arrachés au début de l’hiver et vendus aux planteurs, qui les replantent dans les forêts à reboiser.
Il y a aussi une part de régénération naturelle dans les forêts ?
Vianney : Oui. Dans le cas des forêts, nous privilégions la régénération naturelle. Mais quand nous achetons des terrains nus, il faut faire de la replantation. Nous faisons au cas par cas. Nous préférons la régénération naturelle quand cela est possible, mais quand elle est difficile ou longue, nous faisons de la régénération assistée. Nous comptons alors sur la régénération mais plantons également.
La régénération naturelle est-elle plus rentable ?
Vianney : Non, pas forcément, mais c’est un vaste débat chez les forestiers. C’est un processus plus long, qui demande un accompagnement, car en cas de régénération naturelle, tous les arbres poussent en même temps. Cela nécessite un gros travail de sélection des arbres, qui peuvent être plus de 10 000 à l’hectare. Il faut alors sélectionner, aider ceux qu’on veut faire sortir, supprimer les autres. Et pour engager une régénération, c’est un art. Il faut doser minutieusement la lumière quand les arbres reproducteurs sont encore sur pied, afin qu’il y ait assez de lumière mais pas trop, pour éviter une explosion de ronces ou de fougères qui compromettraient la régénération.
Aujourd’hui, passes-tu le plus clair de ton temps dans les forêts ?
Vianney : J’y passe à peu près la moitié de mon temps, car il faut également s’occuper de toute la partie gestion et acquisition, en lien avec les notaires. C’est comme pour acheter une habitation, il faut compter au moins trois mois et c’est beaucoup de papiers à remplir et de choses à prévoir pour que l’investissement soit bénéfique. Mais je passe quand même beaucoup de temps seul dans les forêts. J’y fais le marquage en vue des éclaircies, et les relevés de terrain pour la préparation des plantations.
Y a-t-il de nouveaux achats de forêts en vue ?
Vianney : En Bretagne, nous avons le projet d’acquérir des prairies délaissées par l’agriculture. Ce serait un gros travail de restauration de zones humides, d’installation de ruches, de réintroduction de la biodiversité et de plantations d’arbres. Cela pourrait concerner plus de 100 hectares, ce serait passionnant !