5 mai 2020
Haie : un élément essentiel de la biodiversité
Alors que près de 70% des haies présentes en France ont disparu en 150 ans, on se rend compte aujourd’hui de la perte énorme que cela représente.
Alors que près de 70% des haies présentes en France ont disparu en 150 ans, on se rend compte aujourd’hui de la perte énorme que cela représente. Maillon indispensable de la biodiversité, les haies remplissent de nombreuses fonctions, parmi lesquelles le stockage du carbone, la continuité des écosystèmes et la production de bois. Elles sont également des abris pour la faune et la flore, jouent un rôle de coupe-vent de premier plan et empêchant le ruissellement des eaux. Il est grand temps de réhabiliter les haies champêtres et bocagères.
Disparition des haies, un appauvrissement de la biodiversité
Tout comme le bocage ancestral, les haies font partie de ce patrimoine semi-naturel qui a fortement régressé depuis le XIXe siècle, le recul ayant été très fort au cours du XXe siècle. C’est à la mécanisation agricole d’après les deux guerres mondiales que l’on doit en grande partie la suppression des haies, que les remembrements et l’élevage hors sol ont poursuivi par la suite. Le paysage bocager a eu ses heures de gloire entre 1850 et 1930, et la France comptait alors quelques deux millions de kilomètres de haies. 70% d’entre elles ont depuis lors été arrachées, ce qui représente un million quatre cent mille kilomètres de haies perdues. Autant de plantes, d’arbustes et d’arbres têtards qui ont disparu, afin de faire place à des champs plus rectilignes, plus faciles à cultiver, certes, mais dans des écosystèmes largement appauvris.
Alors que le remembrement des années 1960 a donné lieu à des parcelles cultivables de bien plus grande ampleur, haies, talus et fossés ont largement été rayés des cartes et du territoire, laissant place à de grandes étendues de terre nue où l’eau ruisselle en hiver et d’où la vie s’est partiellement retirée. Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, environ 2000 km de haie ont été replantés pour former un néo-bocage très appauvri, d’un point de vue écologique. Depuis le début du XXIe siècle, une prise de conscience écologique tend à réhabiliter la présence des haies mais, sinon dans quelques départements de France, les incitations publiques ne sont guère probantes. La valorisation de la filière bois-énergie permettra peut-être de donner un coup de pouce à la replantation des haies, dont il est estimé qu’un kilomètre produit en moyenne 4 m3 de bois de chauffage par an.
Les nombreux avantages des haies
Le premier avantage d’une haie autour d’un champ ou en lisière d’un bois est qu’elle capte le carbone de l’atmosphère. En effet, si les arbres absorbent du CO2, ce n’est pas seulement au sein des forêts. Une complantation de différentes essences formant une haie d’un à quatre mètres d’épaisseur donne lieu à autant d’arbres, arbustes, arbrisseaux ou grandes plantes qui séquestrent durablement le carbone de l’air. Imaginons le rôle prépondérant qu’auraient deux millions de kilomètres de haies dans notre pays, pour la séquestration du carbone, sachant que les forêts ne peuvent pas s’étendre indéfiniment sur notre territoire. Mettant en regard des kilomètres de fils barbelés ou de clôtures électriques qui demandent une dépense énergétique, et produisent donc autant d’émissions de CO2, et des haies qui les remplaceraient en captant avantageusement le CO2, on saisit rapidement quel est le schéma le plus vertueux. Bien entendu, la présence de haies en lisière des champs réduit la superficie cultivable, mais le gain est tout de même supérieur à la perte, compte-tenu des nombreux avantages qu’offrent les haies.
Premièrement, elles enrichissent la biodiversité en créant un écosystème qui, si la haie est plantée d’essences autochtones, abritera oiseaux, rongeurs, hérissons, insectes dont le rôle est essentiel dans la pollinisation et la vie de la nature.
Deuxièmement, les haies, tout comme les arbres, ont un rôle de coupe-vent, et sont d’ailleurs beaucoup utilisées dans les régions soumises à de puissants vents, comme la vallée du Rhône, car elles protègent les plantations qui risqueraient d’être couchées par le vent.
Troisièmement, les haies empêchent l’érosion des sols, grâce au système racinaire des arbres.
Quatrièmement, les haies captent et séquestrent l’eau dans les sols, grâce à leur système racinaire, empêchant le ruissellement qui, lui-même, provoque l’érosion.
Cinquièmement, les haies ont un rôle de régulateur climatique essentiel, en ce qu’elles adoucissent les gelées l’hiver et apportent ombre, fraîcheur et humidité, du fait de l’évapotranspiration des arbres, en été. C’est pourquoi dans les régions chaudes, des arbres sont de plus en plus souvent plantés autour des parcelles de vigne, par exemple.
Sixièmement, les haies étant souvent formées d’arbres fruitiers ou d’arbustes à baies, elles offrent une nourriture aux oiseaux, aux rongeurs mais aussi aux hommes. Au Moyen Age, elle offraient ainsi du bois de chauffage et une alimentation aux paysans.
Septièmement, grâce aux feuilles, aux fruits et aux branches mortes tombés au sol, les haies produisent un humus noble qui enrichit toute la terre à l’entour.
Quelques types de haies : arbres têtards, haies mellifères, haies de Benjes
L’importance de la haie est écologique, mais également esthétique. Ce n’est pas sans ravissement et sans quelque mélancolie que l’on regarde d’anciennes photographies des paysages bocagers avant la première guerre mondiale. Les haies, comme les chemins creux, offraient à l’oeil un jeu d’ombre et de lumière, de plans et d’arrière-plans, de perspectives géométriques, fantaisistes, classiques ou baroques tout à fait passionnant.
Ainsi, loin des haies de thuyas qui se sont multipliées autour des habitations et qui ont pour seul avantage de se tenir caché de la vue de son voisin, mais pour principaux inconvénients d’être lisses, immuables, et d’appauvrir considérablement les sols à cause de l’acidité de leurs aiguilles qui ont également des propriétés fongicides, les arbres têtards, aussi appelés arbres paysans, ont longtemps formé de belles haies. Avec leurs trognes inimitables, ils découpaient des ombres inquiétantes ou fantastiques sur les prairies et les champs. Les branches régulièrement ratiboisées donnaient du bois aux paysans et aux bêtes et les empêchaient de pousser trop haut, gagnant en épaisseur ce qu’ils perdaient en hauteur.
La haie mellifère permet de conjuguer plusieurs avantages. Elle offre une diversité d’essences favorable au développement de la biodiversité et à l’installation durable d’un écosystème riche. Dans le même temps, elle attire les insectes pollinisateurs qui sont essentiels à la reproduction de certaines espèces d’arbres et de la plupart des plantes et qui, eux-mêmes, nourrissent les oiseaux, dont nous déplorons la disparition inquiétante, notamment dans nos forêts, alors que les oiseaux eux-mêmes, en rejetant des graines de fruits dans leurs déjections, permettent à de nombreuses espèces d’arbres et de plantes de se reproduire.
Il existe enfin, parmi la grande variété de haies possibles, une méthode mise au point par l’écologue allemand Hermann Benjes, au cours des années 1980, qui est la plus naturelle qui soit. Elle consiste en la création d’une haie végétale assez proche de celle du plessage, mais que l’on réalise avec du bois mort. Ce sont ainsi des haies constituées de branches de bois mort et de feuilles mortes, disposée à l’horizontal, parfois tressées afin de mieux se maintenir, sur une hauteur d’environ un mètre. Cet amas de bois mort attirant rapidement de petits animaux qui viennent y trouver abri et nourriture, leurs déjections pleines de graines donnent bientôt naissance à une haie de plantes et d’arbres autochtones. Ainsi, l’écosystème qui finit par se former au bout de quelques années est on ne peut plus naturel, offrant une résistance inégalée aux aléas climatiques et aux éventuelles attaques de maladies. A cette forme de haie s’applique parfaitement l’adage de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.