2 oct. 2024
Consommation et retrait des crédits carbone du marché volontaire : comment ça fonctionne ?
Chaque crédit carbone étant inscrit sur un registre, il doit en être retiré lorsqu'il a été consommé, afin de n’être pas utilisé deux fois.
La question de la consommation et du retrait des crédits carbone volontaires est cruciale pour assurer leur unicité et éviter tout risque de double comptabilité ; c’est en cela un enjeu central dans la lutte contre le greenwashing. L’unicité des crédits carbone constitue en effet la garantie que chaque crédit ne soit utilisé qu’une seule fois dans le cadre d'une compensation réelle et effective des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce principe d'unicité s'agrège à d’autres critères fondamentaux des crédits carbone, tels que leur additionnalité (c'est-à-dire la preuve que les réductions d'émissions n'auraient pas eu lieu sans le projet), leur permanence, et leur vérifiabilité.
La nature consomptible des crédits carbone
Les crédits carbone volontaires sont des biens consomptibles au sens de l’article 587 du Code civil, c’est-à-dire un bien dont l’usage normal consiste à les consommer (ou dont l’utilité principale consiste à les consommer). Leur fonction principale est de compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) par une imputation théorique ou abstraite sur ces émissions. L’objectif est de permettre à une entreprise ou un individu de déclarer avoir neutralisé une certaine quantité de CO2 ou d’équivalent CO2 au moyen de crédits carbone. Cette compensation est formalisée par une déclaration publique de l’utilisateur, qu'il s'agisse d'une communication dans un rapport de gestion ou par d'autres moyens formels.
Consommation des crédits par la déclaration publique
La consommation d’un crédit carbone se produit lorsque son propriétaire déclare publiquement l’avoir utilisé pour neutraliser des émissions de GES. C’est à ce moment que le crédit carbone produit son effet compensatoire, lequel consiste à compenser une quantité d’émissions de CO2 générée par l’activité (professionnelle ou non) du propriétaire. Une fois cette déclaration effectuée, le crédit carbone est considéré comme épuisé. À partir de ce moment, il est retiré du registre public de comptabilisation, ce qui le rend non cessible et non négociable.
Cette procédure de consommation par communication est notamment appliquée pour les entreprises soumises à la Déclaration de performance extra-financière (article L. 225-102-1 du Code de commerce) ou à la directive européenne CSRD (directive UE 2022/2464). Ces entreprises sont tenues de déclarer, dans leur rapport de durabilité, la quantité d’émissions qu’elles ont compensée par l’utilisation de crédits carbone. La directive CSRD, transposée en droit français par l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023, impose aux entreprises de fournir un reporting sur leurs actions en matière de durabilité, y compris la consommation de crédits carbone dans un cadre strictement régulé.
Imputation théorique et déclaration volontaire
Il est important de noter que la compensation des crédits carbone volontaires, bien qu’elle ait une valeur importante en termes de communication et d’image, est souvent considérée comme une imputation théorique. Contrairement aux crédits carbone réglementés, tels que ceux issus du Marché carbone européen (ETS), les crédits carbone volontaires n'augmentent pas la quantité d’émissions autorisées au titre des quotas d’émission de GES attribués à leur titulaire.
Les crédits volontaires ne permettent pas à une entreprise de disposer de plus de quotas d’émission. À l’inverse, les crédits issus du marché ETS viennent réduire les émissions autorisées d’un titulaire et permettent une augmentation corrélative de ses quotas d’émission. En d’autres termes, les crédits carbone volontaires sont avant tout des outils de contribution carbone, c'est-à-dire qu’ils permettent de contribuer à l'évitement ou à la captation de tonnes de CO2 équivalent.
Retrait et neutralisation du crédit carbone
Une fois qu’un crédit carbone a été consommé, c’est-à-dire qu’il a produit son effet compensatoire, il doit faire l’objet d’un retrait. Ce retrait implique le gel du crédit dans le registre, où il est alors marqué comme "retiré" ou "consommé". À ce stade, le crédit carbone devient incessible et non négociable, empêchant toute forme de double utilisation. Le propriétaire du crédit a l’obligation de notifier la teneur de registre (généralement un tiers certificateur ou un porteur de projet) de l’utilisation du crédit, et de demander son retrait. Cette procédure garantit la traçabilité des crédits et empêche toute tentative de revente ou de réutilisation frauduleuse.
Ce processus repose en grande partie sur la bonne foi des propriétaires, qui doivent s’engager à respecter cette règle de retrait. En cas de cession multiple d’un crédit déjà consommé, le propriétaire pourrait voir sa responsabilité civile et pénale engagée.
Cas particuliers des crédits ex-ante et ex-post
Dans les faits, les crédits carbone existent sous deux formes : ex-ante (avant la séquestration effective du CO2) et ex-post (après que le CO2 a été effectivement séquestré). La consommation d’un crédit ex-ante entraîne automatiquement la consommation de son équivalent ex-post, dès sa création. Cela signifie qu'un crédit carbone ex-ante, une fois consommé et retiré, implique que son crédit ex-post correspondant est lui aussi réputé consommé. Ce mécanisme assure que la compensation est intégrée dès la création des crédits et évite toute possibilité de manipulation ou de double comptabilité.
Conclusion
La consommation et le retrait des crédits carbone volontaires sont des étapes indispensables pour garantir que chaque crédit est utilisé une seule fois et de manière transparente. Ce processus permet de maintenir l’intégrité du marché carbone volontaire en évitant les risques de double comptabilité. La compensation des émissions par l’utilisation de crédits carbone doit être déclarée publiquement pour valider l’effet compensatoire, suivi d’un retrait formel du registre de comptabilisation. Cette démarche est encadrée par des régulations strictes, comme la directive CSRD, afin d’assurer la traçabilité, la bonne foi des propriétaires et la crédibilité des mécanismes de compensation des émissions de GES.