28 févr. 2023

Standards, reporting sur la biodiversité : quelles obligations pour les entreprises ?

La réglementation sur le reporting extra-financier en faveur de la biodiversité tend à s’imposer par un grand standard que devront adopter les entreprises.

Standards, reporting sur la biodiversité : quelles obligations pour les entreprises ?

En 2019, la loi française Energie-Climat a renforcé les obligations d’information des acteurs des marchés financiers sur leur intégration des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur stratégie, leurs politiques et leur processus de décisions d’investissement. Ainsi, comme le stipule la loi “les sociétés de gestion de portefeuille incluent une information sur les risques associés au changement climatique ainsi que sur les risques liés à la biodiversité.”
De la sorte, si aujourd'hui seulement une partie des entreprises est concernée par des obligations de reporting extra-financier en matière de biodiversité, il faut prévoir que l’ensemble des entreprises y sera confronté à l’avenir. C’est-à-dire que toutes devront prendre en compte leur impact et leurs dépendances à l’égard de la biodiversité, et en rendre compte.
Voici quels sont, à ce jour, les obligations de reporting et les grands standards qui tendent à s’imposer, alors que les réflexions sont toujours en cours.

Reporting extra-financier pour la biodiversité 

Quelles sont les entreprises concernées ?

Suivant le décret n° 2021-663 du 27 mai 2021 pris en application de l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier, sont concernés les “entreprises d'assurance et de réassurance, mutuelles, institutions de prévoyance et leurs unions, sociétés de gestion de portefeuille, établissements de crédit et entreprises d'investissement pour leurs activités de gestion de portefeuille pour le compte de tiers et de conseil en investissement, Caisse des dépôts et consignations, institutions de retraite professionnelle supplémentaire, fonds de retraite professionnelle supplémentaire, Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, Établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales”.

Ces entreprises et organismes doivent ainsi publier des informations sur “les modalités de prise en compte dans la politique d'investissement des critères relatifs au respect d'objectifs environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance et sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique.”

Quelles sont les obligations de reporting sur la biodiversité ?

« L'entité, précise le décret, fournit une stratégie d'alignement avec les objectifs de long terme liés à la biodiversité, en précisant le périmètre de la chaîne de valeur retenu, qui comprend des objectifs fixés à horizon 2030, puis tous les cinq ans, sur les éléments suivants :
« a) Une mesure du respect des objectifs figurant dans la Convention sur la diversité biologique adoptée le 5 juin 1992 ;
« b) Une analyse de la contribution à la réduction des principales pressions et impacts sur la biodiversité définis par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ;
« c) La mention de l'appui sur un indicateur d'empreinte biodiversité et, le cas échéant, la manière dont cet indicateur permet de mesurer le respect des objectifs internationaux liés à la biodiversité.”

Agir pour influer sur des investissements vertueux

Ainsi les investisseurs sont-ils de plus en plus regardants sur les mesures d’impact des sociétés dans lesquelles ils sont susceptibles d’investir des fonds. Mais par ailleurs, comme cela s’est vu pour ce qui concerne les émissions de carbone, les entreprises qui n’ont pas encore d’obligation de reporting extra-financier sur la biodiversité tendent à l’adopter de façon volontaire. Ce qui marginalise de facto les entreprises qui n’en tiennent pas compte et leur rend déjà, et leur rendra de plus en plus, la capacité d’emprunt ou de demande d’investissement difficile. Et c’est pourquoi, avant même que la loi ait achevé d’imposer quoi que ce soit, de grands standards nationaux et internationaux se développent, afin d’aider les entreprises à s’y retrouver et à comprendre les enjeux de la prise en compte de la biodiversité dans leur gouvernance. Que prendre en compte ? Comment calculer ses impacts et dépendances sur la biodiversité ? Comment les diminuer ? Autant de questions épineuses auxquelles s’attachent à répondre les grands standards. 

Des standards en cours d’élaboration

Dépasser la double matérialité

Pour Emmanuel Faber, président de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), la double matérialité est presque dépassée et nous entrons dans l’ère d’une matérialité dynamique, car les choses évoluent vite. Il remarque que, pour beaucoup d’investisseurs, l’impact est important, qu’ainsi, les entreprises doivent aller au bout de leurs mesures d’impact avant de reporter ce qui est économiquement intéressant pour les investisseurs et les banquiers. Le prochain niveau pourrait être la mesure d’impact intégrée, estime-t-il. Le principe posé est que la valeur créée par une entreprise pour ses investisseurs est inextricablement liée à ses parties prenantes, à la société civile dans laquelle elle opère et au capital naturel qu’elle met en œuvre, c’est-à-dire qu’il ne peut plus y avoir de séparation et que nous parvenons ainsi à une véritable intégration.

Mesurer l’impact pour le développement durable de son entreprise

L’Europe est pionnière en ce domaine, et l’ISSB encourage aujourd’hui les entreprises à mesurer leurs impacts sur leur capital naturel, social, humain, manufacturier et financier car elles ne pourront se développer durablement que si elles s’assurent de la protection de ces capitaux, de leur développement et de leur régénération. C’est ainsi qu’il ne peut plus être possible pour elles de faire l’économie de la biodiversité. Parvenir à mesurer la valorisation économique de l’impact permettra d’accélérer le financement hybride. Et si les entreprises savent calculer leur croissance à long terme, elles doivent savoir calculer leur impact sur la nature de la même manière.
Cette argumentation, démontre Emmanuel Faber, précède la standardisation. Une fois cela admis, il sera temps de développer un standard qui puisse être adopté par la majorité. Ce qui, du reste, est en cours. 

Etablir les standards

La CSRD a été adoptée en juin 2022, rappelle quant à lui Patrick de Cambourg, président du Sustainability Reporting Board de l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG). Cette décision européenne politique rend le système de reporting obligatoire pour toutes les entreprises de 250 salariés ou plus. Leur adjoindre les PME par un système incitatif est l’affaire de la loi mais aussi des standards qu’il reste à développer et qui seront adossés à un audit indépendant. 
Alors que l’Europe est favorable à l’idée d’une plateforme commune dans le monde pour que les entreprises n’aient pas à reporter plusieurs fois, les discussions sont en cours afin de converger vers un standard de qualité. Avec la CSRD, l’EFRAG travaille à établir des étapes pour que les entreprises aient le temps de suivre. Toutefois, les premiers reportings porteront sur 2024 et seront publiés en 2025 et la 2e tranche des grandes entreprises devra s’y mettre l’année suivante. Il est donc grand temps pour elles de s’en préoccuper.
Patrick de Cambourg estime que c’est un triple avantage compétitif que d’avoir un sustainability reporting

  • on décide mieux en prenant en compte les facteurs au-delà du financier (durabilité) ;
  • on crée des relations avec l’ensemble des parties prenantes ;
  • puisqu’il faut trouver des capitaux pour la transition, on convaincra mieux ceux qui les apportent.

Standards de reporting extra-financier pour la biodiversité : qui fait quoi ?

Quels sont les organismes et institutions impliqués ?

Même si tout cela n’est pas encore figé et que réflexions, discussions et tractations sont en cours pour que l’impact sur la biodiversité soit pris en compte par les entreprises dans leur gouvernance, voici déjà quelques éléments pour s’y retrouver.

SBTN

Le Science Based Targets Network (SBTN) est un réseau mondial intégré à la Global Commons Alliance qui donne des lignes directrices aux entreprises afin de réduire leurs impacts sur la perte de biodiversité

TNFD

Créée en 2021, la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) a pour mission de répondre au besoin croissant de tenir compte de la nature dans les décisions financières et commerciales. La TNFD est une initiative mondiale dont l’objet est de développer et fournir un cadre de gestion des risques et de divulgation permettant aux organisations de signaler et d'agir sur l'évolution des risques et des opportunités liés à la nature, dans le but ultime de soutenir un changement dans les flux financiers mondiaux afin de produire des résultats positifs pour la nature, plutôt que négatifs. 
C’est un outil de reporting qui vise à rendre publics les impacts, risques et opportunités des entreprises vis-à-vis de la nature. Ses recommandations complètes seront publiées en septembre 2023. La TNFD s’attelle à contribuer à l’alignement avec la base de référence mondiale émergente en matière de reporting qui est en cours d'élaboration par l'ISSB.

ISSB

L’International Sustainability Standards Board est un organisme de normalisation créé en 2021 dans le cadre de la Fondation IFRS. Son mandat est la création et le développement de normes d'information financière relatives au développement durable afin de répondre aux besoins des investisseurs en matière d'information environnementale.
Les normes de l'ISSB feront partie du corpus plus large des normes internationales d'information financière (IFRS) et seront connues sous le sigle IFRS-S ("S" pour "sustainability") pour les distinguer des normes comptables publiées par l'International Accounting Standards Board (IASB).

IASB

L’IASB est un groupe d’experts indépendants chargé de l'élaboration des normes comptables internationales IFRS. 

GRI

Le Global Reporting Initiative est un organisme indépendant de normalisation de la performance d’entreprises, d’ONG et d'organisations gouvernementales relativement à leur développement durable et à la divulgation de ces informations. Il se pose comme une démarche volontaire de la part des entreprises, afin de se rendre transparentes et d’éviter tout risque de greenwashing. 
La norme GRI 304 relative à la biodiversité est entrée en vigueur en 2018. Elle est publiée par le Global Sustainability Standards Board (GSSB) et donne aux organisations et entreprises des éléments d’information pour leur permettre de communiquer des informations sur leurs impacts liés à la biodiversité et la manière dont elles gèrent ces impacts.

CDSB

Le Climate Disclosure Standards Board a été créé au Forum économique mondial de Davos en 2007. Il s'inscrit dans la dynamique d'une finance durable. Il se compose de huit organisations : CERES, Carbon Disclosure Project (CDP), Climate Registry (TCR), International Emissions Trading Association (IETA), World Council for Business and Sustainable Development (WBCSD), World Economic Forum (WEF) et World Resources Institute (WRI). Son objectif est la création d'un cadre global pour les rapports et suivis d'entreprises en matière de changement climatique. Il ne crée pas un standard mais constitue un forum collaboratif destiné à améliorer les pratiques et standards actuels, en associant la performance financière aux enjeux liés au climat.

EFRAG

L’European Financial Reporting Advisory Group est un groupe consultatif européen sur l'information financière créée en 2001 avec les encouragements de la Commission Européenne afin de servir l’intérêt général. Son rôle est de développer et promouvoir la voix européenne dans l’élaboration des normes comptables internationales (IFRS) et de s’assurer que celle-ci soit prise en considération par l’IASB.
 

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