26 nov. 2021

Qu’est-ce que l’herbier de posidonie ?

Les herbiers de posidonie forment des forêts sous-marines qui agissent comme des puits de carbone et des réservoirs de biodiversité en Méditerranée.

Qu’est-ce que l’herbier de posidonie ?

Considérés comme les poumons de la mer, les herbiers de posidonie sont formés par une plante endémique à la Méditerranée, posidonia oceanica. Cet incroyable organisme sous-marin joue, sous l’eau, un rôle similaire à celui des forêts sur terre, captant d’immenses quantités de CO2 en relâchant de l’oxygène et formant un vivier pour de très nombreuses espèces animales et végétales. L’échelle de proportion n’étant pas la même sous les mers, la croissance de la posidonie est infiniment plus lente que celle des arbres, son captage de CO2 bien plus conséquent et sa fragilité incomparable. Pour la conserver, commençons par découvrir cette espèce menacée de destruction.

Caractéristiques biologiques de la posidonie

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, posidonia oceanica n’est pas une algue mais une plante aquatique. Celle que l’on surnomme encore pelote de mer, chiendent marin ou paille-de-mer appartient à la classe des plantes à fleurs, c’est-à-dire les angiospermes. Du genre Posidonia, elle doit son nom au dieu grec de la mer Poséidon. Vivant sous l’eau, près des côtes et jusqu’à 40 mètres de profondeur, elle est très présente sur le pourtour du littoral corse, de la Provence et de la Côte d’Azur, notamment aux abords de la Presqu’île de Gien, de la réserve naturelle de Port-Cros et dans le Parc naturel régional des Calanques, à l’Est de Marseille. 
Comme toute plante à fleur, elle est enracinée dans le sol et se reproduit à l’aide des fruits qu’elle produit. Mis à part l’espèce endémique de Méditerranée, il en existe quatre à huit espèces cousines sur les côtes de l’Australie tempérée et de la Nouvelle-Zélande. Les zostères forment des herbiers équivalents dans l’Atlantique nord européen.
Ce qui rapproche la posidonie, qui est une plante, de l’arbre est sa capacité à capter le carbone et à l’emmagasiner. Toutefois, sa croissance est immensément lente, elle ne croît pas plus vite qu’un mètre par siècle !

Posidonie : un puits de carbone sous-marin

A l’instar des récifs coralliens, et même encore davantage, les herbiers de posidonie participent activement à la séquestration du carbone d’origine anthropique dans les océans. Nous savons que les océans sont le premier puits de carbone au monde, la posidonie en est probablement la première cause. La production d’oxygène des herbiers qu’elle forme est supérieure, au mètre carré, à celle de la forêt amazonienne
Agissant comme un puits de carbone, les plantes sous-marines captent le CO2 par le processus de la photosynthèse, en séquestrant une partie dans leurs racines qu’elles sédimentent dans le sol, tandis qu’une autre partie permet la croissance des feuilles (quelques millimètres par an) et y demeure très longtemps même une fois mortes. 
Les feuilles mortes de posidonie sont très coriaces et difficilement désagrégables, elles forment ainsi soit des laisses de mer en tas compacts et imputrescibles, que l’on retrouve sur les bords des plages : ces banquettes sont un écosystème privilégié pour une faune et une flore marine très riche. Soit des boules caractéristiques qui flottent à la surface de l’eau et que l’on retrouve sur le sable, nommées aegagropiles. 
Dans les fonds marins, elles s’accumulent comme des concrétions qui stockent d’immenses quantités de CO2. Les scientifiques considèrent ainsi que les formations de magnoliophytes marines, dont fait partie la posidonie posidonia oceanica, sont responsables de 40% du carbone fixé chaque année par la végétation côtière. Ces mattes, comme on les appelle, dont l’épaisseur moyenne est de un à quatre mètres, stockent “de 11 à 42 % des émissions de dioxyde de carbone produites par les pays méditerranéens, depuis le début de la révolution industrielle”.
Bien évidemment, dans ce cycle du carbone, les herbiers de posidonie ne font pas qu’emmagasiner le CO2, ils délivrent aussi de l’O2. On considère ainsi qu’un cm2 d’herbier relâche 14 litres d’oxygène par jour.

L’herbier de posidonie : un abri et une frayère pour la faune sous-marine

La posidonie est une formidable source de nourriture pour les poissons, les crustacés ou encore les limaces de mer. Certaines espèces sous-marines herbivores, telles les oursins ou les saupes y trouvent de quoi manger. Par ailleurs, tout comme les arbres en forêt, les herbiers de posidonie perdent leur feuilles mortes qui, en s’accumulant, forment une litière propice à de nombreux écosystèmes. 
Ce sont aussi des frayères, c’est-à-dire des lieux de reproduction pour les poissons, les amphibiens mais aussi les mollusques et les crustacés. 

Comme les forêts terrestres, la posidonie fixe le sol et purifie l’eau

Agissant comme les forêts sur la terre, les herbiers de posidonie fixent le sol par leur système racinaire en rhizome. Ils augmentent d’ailleurs très lentement le niveau de la mer où ils sont implantés, à raison d’un mètre par siècle. Ils constituent par ailleurs une protection hydrodynamique contre les vagues et les courants sur la frange côtière, et les banquettes que forment les feuilles de posidonie mortes échouées sur les plages amortissent le fracas des vagues en hiver. Ils freinent le phénomène d’érosion des plages. C’est pourquoi il est important de ne pas les en prélever. 
Comme les arbres avec leur système racinaire, les herbiers de posidonie jouent un rôle d’épurateur de l’eau, mais une trop grande turbidité des eaux leur est fatale. En effet, ces plantes ont besoin de la lumière du soleil pour faire de la photosynthèse. 

L’herbier de posidonie : l’organisme vivant le plus ancien au monde ?

En mer Méditerranée, entre les îles de Formentera et Ibiza, un herbier de posidonies a été daté de 80 000 à 200 000 ans, ce qui en fait l’organisme vivant le plus ancien que nous connaissions à ce jour sur notre planète. Les biologistes considèrent que 3 à 9% des herbiers de posidonia oceanica seraient multi centenaires ou millénaires. 
Poussant très lentement, ces plantes peuvent vivre très longtemps. Leur devise pourrait être “patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage”. 
N’occupant qu’un pour cent des océans, les herbiers de magnoliophytes, dont font partie notre posidonie, sont l’un des écosystèmes les plus importants au monde, compte tenu des services écosystémiques qu’ils nous offrent.
Aujourd’hui, leur valeur monétaire à l’hectare dépasse largement celle des récifs coralliens ou de la forêt d’Amazonie

Les menaces qui pèsent sur les herbiers de posidonie

Malheureusement, ces écosystèmes d’une extrême importance sont également menacés de manière directe et indirecte par les activités humaines. Au cours des cent dernières années, le déclin global des herbiers de posidonie est de 10% et de 34% au cours des 50 dernières années. Plusieurs facteurs en sont responsables.

Le réchauffement climatique

Le réchauffement climatique dont nous sommes en partie responsable a un effet sur ces plantes qui, bien que résistant à de nombreuses épreuves, notamment la modification du pH de l’eau ou sa pollution, semblent souffrir de l’élévation de la température de l’eau et de la récurrence des événements climatiques extrêmes. Ainsi, d’autres espèces plus résilientes aux changements de température peuvent les supplanter, et l’élévation moyenne du niveau de la mer est logiquement fatale aux herbiers profonds. 

Menaces anthropiques : l’ancre des bateaux, le raclement des fonds marins, le “nettoyage” des plages

Les menaces sur lesquelles nous pouvons avoir un impact immédiat sont celles qui nous sont directement imputables. Ainsi, les ancres des bateaux de plaisance au mouillage arrachent tous les ans en quelques minutes de grandes quantités de posidonie qui ont mis plusieurs siècles voire plusieurs millénaires à pousser. Des mesures d’interdiction de mouillage sont prises dans certaines réserves naturelles ou dans certains parcs nationaux, mais se heurtent souvent à la réalité économique immédiate que génère le tourisme.
Certains chaluts de pêche sont également responsables de la destruction de vastes herbiers de posidonie en pratiquant le raclement des fonds marins ou en jetant leurs filets dans des zones richement peuplées par cette espèce. 
Enfin, un grand effort de communication doit être fait à l’égard des communes et des baigneurs pour stopper le “nettoyage” des plages des banquettes de posidonie dont le rôle est essentiel tant pour la biodiversité que pour le maintien des plages.

L’introduction d’une algue concurrente : caulerpa taxifolia

Une dernière menace qui pèse sur la posidonie est la compétition que lui fait une algue verte caulerpa taxifolia. Cette algue d’origine tropicale a été accidentellement introduite en Méditerranée depuis une souche issue de l’aquarium de Monaco. Cette espèce envahissante s’est répandue à grande vitesse, déstabilisant tout l’écosystème marin de Méditerranée, bien que certains prédisent sa probable disparition. C’est tout ce que nous lui souhaitons ici.
 

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