5 août 2020
Sainte-Baume : une forêt “vierge” miraculeusement préservée ?
En Provence, la forêt de la Sainte-Baume allie un écosystème extraordinaire à une histoire riche, qui en font une particularité exceptionnelle.
En Provence, la forêt de la Sainte-Baume allie un écosystème extraordinaire à une histoire riche, qui en font une particularité exceptionnelle. Lieu de pèlerinage et de tourisme, en ce qu’elle abrite la grotte où Marie-Madeleine aurait trouvé refuge, après avoir évangélisé la Provence, cette forêt domaniale située dans le département du Var est labellisée Forêt d'Exception®.
Forêt domaniale de la Sainte-Baume, toute une histoire !
Une forêt vierge, dit-on, où Marie-Madeleine aurait fini sa vie, après avoir été convertie par le Christ et avoir converti elle-même la Provence, depuis les Saintes-Marie-de-la-Mer jusqu’à sa dernière grotte, abritée par les barres rocheuses qui bordent au Nord la forêt de la Sainte-Baume. C’est en cette solitude boisée qu’elle aurait passé les trente dernières années de sa vie, dans la prière et la contemplation. C’est de la grotte où elle a trouvé refuge que le massif montagneux et la forêt tirent leur nom, baoumo signifiant grotte en provençal. La tradition veut ainsi que cette sainte grotte soit depuis 2000 ans un lieu de pèlerinage.
Plus tard, au Moyen Age, les moines de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, puis les Dominicains trouvèrent dans ce désert forestier de quoi fonder un prieuré puis un couvent. Papes, rois, croisés et pèlerins y vinrent en masse, et jusqu’à l’époque moderne, le lieu de culte, aussi important que le sera Lourdes plus tard, reçut la visite de François Ier, Charles IX, Henri IV, Louis XIII, Anne d’Autriche et Louis XIV.
C’est ce succès qui valut à la forêt de la Sainte-Baume d’être protégée dès le Moyen Age et de ne pas subir d’exploitation de la part des paysans. Ces interdictions d’exploitation ont été constamment renouvelées au cours des siècles suivants, ce qui permit au bois de rester en partie vierge, mais qui donne également à croire qu’il ne le fut pas entièrement, sans quoi les interdictions renouvelées n’auraient pas eu lieu d’être.
Au moment de la Révolution française, la forêt fut exploitée de manière désordonnée, même si les vieux arbres furent respectés, et elle fut partiellement mise en exploitation par les agents des Eaux et Forêts tout au long du XIXe siècle.
Une forêt relique protégée par l’Office national des forêts
Il paraît donc difficile de parler de forêt vierge pour caractériser le massif de la Sainte-Baume, aussi les scientifiques préfèrent-ils parler de “forêt relique” ou de “forêt climax” pour désigner cette petite forêt domaniale de 138 hectares, située à 30 km à l’est de Marseille.
En dépit de son caractère exceptionnel, et contrairement aux sites provençaux de la Sainte-Victoire, des Gorges du Verdon, des Calanques ou de l’Esterel, le classement de la forêt domaniale de la Sainte-Baume n’a pas été obtenu.
C’est au cours des années 1930 que le concept de “forêt climax” a été développé pour définir des forêts qui n’auraient pas connu de dégradation. En effet, l’une des caractéristiques surprenantes de cette forêt est sa hêtraie, extrêmement rare sous un climat méditerranéen, qui a longtemps fait s’interroger les scientifiques. On a expliqué que c’était là l’exemple d’un passé qu’il convenait de conserver, puisqu’il avait disparu partout ailleurs, et qu’il serait alors possible de transposer dans d’autres forêts méditerranéennes, mais il semble aujourd’hui que ce soient plus précisément les caractéristiques très particulières du massif montagneux qui soient à l’origine de cette belle hêtraie, qui est toutefois le reliquat d’une forêt ancienne.
Une forêt méditerranéenne et alpestre
Telle est, biologiquement, la plus extraordinaire caractéristique de la forêt de la Sainte-Baume. Sur le flanc nord du massif, une faune et une flore, habituellement présentes dans les forêts plus septentrionales, se sont maintenues. C’est ainsi qu’au-dessus de la partie basse peuplée de chênes pubescents et de pins sylvestres, la partie haute abrite des peuplements rarissimes en Provence.
On y trouve ainsi des hêtres, des ifs, des houx et des érables, essences d’ombre, qui ont besoin de froid et d’une forte humidité.
Cela s’explique par le fait que les peuplements serrés d’arbres permettent d’entretenir une humidité propice au développement de mousses et de lichens, ainsi que d’un abondant humus noir, provenant de la décomposition des feuilles mortes, conservant une fraîcheur constante pour les racines.
La hêtraie étant sur le versant nord (ubac) du massif montagneux qui culmine à 1147 mètres permet d’éviter aux arbres de trop souffrir de la sécheresse en été. Il semble par ailleurs que la forêt entretienne un microclimat qui lui soit favorable. On a ainsi relevé des précipitations atmosphériques de l’ordre de 900 à 1000 mm annuelles sur le massif, quand elles sont deux fois moindres à Marseille, qui n’est qu’à une trentaine de kilomètres. Les arbres ayant besoin d’eau attirent l’eau, ce qui n’est pas la plus petite surprise que nous réserve la nature. Ainsi, neige et brouillard sont fréquents sur ce versant montagneux en hiver, qui est par ailleurs parcouru de rivières souterraines.
Mais le plus étonnant est que le versant sud (adret) est, lui, peuplé d’une forêt méditerranéenne typique et que l’on puisse délimiter à oeil nu la forêt alpestre de la forêt méditerranéenne, sur une si petite superficie. La forêt de la Sainte-Baume n’est pas magique, elle est sacrée, et les scientifiques ont encore du pain sur la planche avant d’en dévoiler tous les mystères.