21 mars 2022
Quel est l’état de santé des arbres des forêts françaises ?
Certains arbres des forêts françaises sont menacés par des maladies que favorisent les échanges commerciaux et les dérèglements climatiques.
Changement climatique et pullulation de pathogènes (insectes ou champignons) accroissent la mortalité des arbres et affectent la santé des forêts françaises, nous informent l’IGN et le département Santé des forêts du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation qui ont mené une étude conjointe depuis 2007. Trois essences forestières sont particulièrement en danger : le Châtaignier, le Frêne et l’Epicéa commun.
Le stock d’arbres morts est en augmentation
Est considéré comme mort sur pied, un arbre qui ne présente aucun signe de vie au-dessus d’un mètre trente. Entre 2015 et 2019, 3,5% du stock de bois sur pied de la forêt française était considéré comme mort, soit 104 millions de mètres cubes pour 2 754 millions de m3 d'arbres vivants. Ce qui est assez préoccupant, c’est que le stock d’arbres morts sur pied de moins de 5 ans a été en hausse au cours des années 2018 et 2019, ce qui fait craindre des difficultés de renouvellement de la forêt dans certaines régions et pour certaines essences.
Le nombre d’arbres présentant une mortalité des branches est, quant à lui, en légère baisse. Ainsi, près de 95% des arbres observés ont moins de 5% de branches mortes, ce qui ne suppose rien de l’état de santé général des arbres, nous informe l’étude, puisque davantage de prélèvements d’arbres ont été effectués ces dernières années et que l’on compte également plus d’arbres morts.
Les forêts sans Plan Simple de Gestion présentent davantage de signes de dépérissement
L’étude montre que les forêts privées qui ne disposent pas de Plan Simple de Gestion (PSG) ont un volume de bois mort sur pied quasiment deux fois plus important que les forêts qui disposent de ce document de gestion sylvicole.
Néanmoins, cela ne signifie pas que les forêts privées ayant un PSG soient forcément mieux gérées, puisque les arbres morts sur pied peuvent y avoir été prélevés. Quoi qu’il en soit, si quelques arbres morts sur pied ou au sol sont nécessaires à l’établissement d’une riche biodiversité, une bonne gestion forestière a également à coeur d’éviter que trop d’arbres meurent sur pied et de remplacer la majeure partie des arbres morts afin de redynamiser la station forestière en question.
Certaines essences d’arbres de nos forêts sont plus sensibles au dépérissement
On note que, sur le territoire français, le taux d’arbres morts n’est pas le même dans toutes les régions, certaines étant plus affectées que d’autres, notamment en raison de la répartition naturelle des essences ou des plantations effectuées au cours du dernier siècle. Ainsi le stock d’arbres morts est-il plus élevé autour du Massif central (environ 10%), le Châtaignier étant l’essence la plus touchée, si bien que certains massifs forestiers peuvent compter jusqu’à 50% de mortalité.
Si le taux d’arbres morts a tendance à se stabiliser pour les résineux, il est en augmentation chez les feuillus. Le Châtaignier, le Robinier faux-acacia, le Frêne, le Pin sylvestre et l'Épicéa commun payent le plus lourd tribut avant leur cinquième anniversaire.
Délaissé, le Châtaignier est l’essence la plus fragilisée
Le Châtaignier est un arbre de verger. Depuis que sa gestion en vergers et en taillis a été abandonnée dans la majeure partie du pays, cet arbre souffre beaucoup, affecté par plusieurs maladies exotiques et présentant d’importants signes de dépérissement.
C’est également un arbre forestier, mais il a été planté et cultivé pour son fruit plus que pour son bois, car il ne forme pas de futaie. La châtaigne, qui fut nommée “gland de zeus”, a gagné le monde grec aux alentours du Ve siècle avant Jésus-Christ. Déjà produite et cultivée au siècle précédent, elle nous viendrait de Perse, d’Arménie et de Transcaucasie. Tout au long du Moyen Age, cet arbre fut cultivé en France, formant le principal de la nourriture des habitants, jusqu’à être surnommé au XIXe siècle “arbre à pain”. L’apogée des plantations de Châtaignier eut lieu aux XVIe et XVIIe siècles. Aujourd’hui, la France reste le 4e producteur européen de châtaignes, le Châtaignier est la troisième essence feuillue des forêts de France (en surface), et la plupart des châtaigneraies sont situées dans les forêts privées. Par ailleurs, la France produit la moitié de la châtaigneraie à bois dans le monde.
Certains spécimens de France ont plus de 400 ans ; autour du lac Léman, on en trouve qui sont âgés de mille ans, et il s’en trouve de plus âgés encore en Italie. Le dépérissement des châtaigniers est donc une perte patrimoniale autant qu’une perte économique et un appauvrissement de la biodiversité dans nos forêts.
Le chancre : principal pathogène du Châtaignier en France
Le chancre du châtaignier est provoqué par un champignon originaire d’Asie, Cryphonectria parasitica. En 1956, la maladie est repérée en France, après avoir décimé les forêts de châtaigniers américains en moins d’un demi-siècle. Les attaques du parasite provoquent des lésions sur le tronc, les branches et les rejets, menant au dessèchement d’une partie de l’arbre. Un virus qui parasite le pathogène produit toutefois de bons résultats sur les peuplements qui avaient été anciennement touchés dans le sud de la France. Les chancres sont en cours de cicatrisation et ne provoquent plus de mortalité.
L’encre du châtaignier est un réel problème
Cette maladie est également due à deux champignons originaires d’Asie (Phytophthora cambivora et P. cinnamomi) introduits en France à la fin du XIXème siècle. L’alternance de périodes sèches et humides depuis le début du XXIe siècle a favorisé leur dissémination et la multiplication des foyers. Le Châtaignier meurt par la destruction de ses racines réduites au pourrissement. Le Chêne rouge est également affecté par cette pathologie, bien que dans une moindre mesure.
Le Cynips du Châtaignier est un danger à surveiller
Cet insecte de la famille des hyménoptères nous vient de Chine. Il se reproduit très vite et les œufs sont déposés dans les bourgeons entre juin et août. Lorsque ceux-ci débourrent au printemps, des galles sont formées par la larve qui se nourrit. Les feuilles sont attaquées, perturbant la floraison et la fructification. La production de châtaignes peut diminuer de 50 à 70% et si l’impact est moindre pour ce qui est de la production du bois, il faut tout de même se méfier car les galles sèches peuvent représenter une porte d’entrée pour le chancre du Châtaignier.
Le Frêne mis en danger par la chalarose
Le volume de frênes morts sur pied est en constante augmentation ces dernières années. De moins de deux millions de mètres cubes avant 2015, il a atteint près de cinq millions de mètres cubes en 2018. Selon le Département de la santé des forêts, c’est à la chalarose que nous devons la hausse des dépérissements depuis 2015. Le taux d’arbres morts reste malgré tout dans la moyenne (3,8 %) et le stock de bois vivant se stabilise autour de 110 millions de m3.
La chalarose est provoquée par un champignon asiatique (Hymenoscyphus fraxineus) qui fut détecté pour la première fois en 2008, en Haute-Saône. Il provoque la mort rapide des jeunes frênes et fragilise les plus anciens par une nécrose qui s’installe au niveau du collet. Très peu d’arbres touchés n’en montrent pas de signes si bien que l’essence risque d’être fortement menacée comme essence de production.
L’Epicéa commun menacé par les scolytes
L’Epicéa commun paie le plus lourd tribut des conifères avec 4,3% d’arbres morts sur pied. Sa mortalité ne cesse d’augmenter, favorisée par les étés chauds et secs des années 2018 et 2020. Le typographe et le chalcographe, qui sont deux sortes de scolytes, sont des insectes autochtones. Ils s’attaquent d’abord aux arbres affaiblis mais à la faveur des changements climatiques et météorologiques, (sécheresses, canicules), pullulent et attaquent aussi les arbres sains. Cette pullulation épidémique peut se poursuivre pendant plusieurs années, même après que les conditions qui l’ont favorisée ont changé.