6 mai 2021
Inventaire des zones humides importantes de France
Faire l'inventaire des zones humides de France n'est pas chose aisée tant elles sont nombreuses et remarquables : en voici quelques-unes.
Combien la France compte-t-elle de zones humides d’importance et quelles sont les plus remarquables ? Certaines sont très connues, comme la Camargue ou la Baie du Mont Saint-Michel, d’autres le sont moins et pourtant d’une importance cruciale dans la préservation de la biodiversité et l’absorption du carbone. Petit inventaire des zones humides remarquables de France.
Quelle est la fonction des zones humides en France ?
Saviez-vous que, outre le fait d’abriter une très riche biodiversité (oiseaux, batraciens, plantes hygrophiles, insectes aquatiques…), les zones humides contiennent un cinquième du carbone mondial ? Pas les zones humides de France uniquement, mais celles du monde entier réunies ! Celles que l’on peut définir comme des lieux où l’eau peu profonde (douce ou salée) est présente de façon permanente ou temporaire sont représentées par une grande diversité dont nous avons force exemples en France : estuaires, lagunes, étangs, lacs, marais, marais salants, baies, vasières, tourbières, prairies humides, mares, forêts humides, ou encore récifs coralliens, lagons et mangroves dans les régions tropicales.
Ces zones de transition entre terre et eau (marais salants, zones côtières, bords de rivières, lagunes, ripisylves, etc.) sont des lieux très variés qui accueillent de nombreuses espèces d’animaux et de plantes.
En France, 30 % des espèces rares et menacées, la moitié des oiseaux et la totalité des grenouilles en ont besoin pour vivre. Mais ce n’est pas tout. Ces milieux aquatiques sont des zones tampons qui freinent et absorbent l’eau, réduisant ainsi les crues et les inondations.
Les marais littoraux et les mangroves constituent également des protections contre les effets des tempêtes. Les tourbières stockent le carbone atmosphérique mieux que les forêts, empêchant de grandes quantités de CO2 de rejoindre les gaz à effet de serre de l’atmosphère.
Malheureusement, beaucoup de zones humides sont encore détruites de nos jours. Dans le monde, on estime que 87% des zones humides présentes au XVIIIe siècle ont disparu et que leur perte est aujourd’hui trois fois plus rapide, en pourcentage, que la déforestation.
La France n’est pas épargnée : deux tiers de la superficie des zones humides ont été détruites depuis le début du XXème siècle. Heureusement, la Convention de Ramsar, signée et ratifiée par la France, permet de protéger les plus importantes zones humides.
Ramsar : l’inventaire des zones humides à protéger en France
Les zones humides sont les seuls milieux à faire l’objet d’une convention internationale : la Convention de Ramsar. La France a signé cette convention en 1971 mais ne l’a ratifiée qu’en 1986. Depuis lors, elle respecte ce traité dont l’objectif est la conservation et la gestion rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Cette convention, qui avait au départ pour objectif de préserver les oiseaux aquatiques, protège désormais tous les aspects de la biodiversité et jusqu’à la protection des valeurs sociales et culturelles présentes sur le territoire des zones humides.
La circulaire du 24 décembre 2009 relative à la mise en œuvre de la Convention Internationale de Ramsar sur les zones humides fait bénéficier les sites désignés d’un label international qui récompense et valorise les actions de gestion durable de ces zones et encourage ceux qui les mettent en œuvre à les poursuivre.
Aujourd’hui, la France possède 50 zones humides d’importance internationale, en métropole et à l’outre-mer, pour une superficie totale de 3,7 millions d'hectares.
Baie de Somme : une zone humide propice aux oiseaux
L’estuaire de la Somme est l’une des plus importantes haltes d’Europe pour les oiseaux migrateurs. D’une superficie de 19 090 ha, la Baie de Somme se situe à 20 km d’Abbeville, en Picardie. C’est là que la Somme, fleuve côtier de Picardie, se jette dans la Manche. Le vaste estuaire qu’elle forme est communément appelé Baie de Somme.
Demeuré vierge de toute installation portuaire ou industrielle, cet estuaire revêt aujourd’hui une importance capitale, notamment pour les 365 espèces d’oiseaux qui y ont été répertoriées aux cours des deux derniers siècles.
Composé de larges étendues de plages de sable, de vasières, de prairies et de zones humides, l’estuaire est disposé à la confluence de plusieurs voies de migration des oiseaux qui font route vers ou depuis l’Islande, la Scandinavie, la Russie et les Îles britanniques. Certains s’y arrêtent pour hiberner et se reproduire tandis que pour d’autres, ce n’est qu’une halte de passage. Ainsi peut-on y observer la très rare Spatule d’Europe, le Tadorne de Belon, le Canard pilet et l’Huitrier pie.
Outre ces nobles oiseaux, 34 espèces de mammifères terrestres y sont installées, et c’est là qu’on trouve la plus importante colonie française de phoques veau-marin.
Pour ce qui est de la flore, tout à fait exceptionnelle, elle aussi, citons le Liparis de Loesel, orchidée terrestre d’Europe qui se développe dans les prés tourbeux et les bas-marais calcicoles, qui fait l'objet d'un plan national d'actions en France, du fait de la menace de disparition qui pèse sur elle.
Etangs de la Champagne humide
Situés aux portes de Troyes dans les départements de la Marne, de l'Aube et de la Haute-Marne, ces étangs d’une superficie de 255 800 ha font la richesse de la Champagne humide. Reposant sur un sol imperméable formé d’argiles propices à la conservation perpétuelle des eaux, ils forment un vaste ensemble d’étangs, de lacs, de canaux, de gravières de vallées fluviales, de massifs de forêt humides, de marais et de prairies humides.
Dans les années 1960 à 1990, cette grande zone humide a permis de développer trois grands lacs-réservoirs destinés à réguler le débit de la Seine, de la Marne et de l’Aube. A l’automne, lorsque le niveau d’eau des lacs-réservoirs baisse, il découvre de vastes zones exondées (vasières) riches en micro-organismes, qui constituent des zones trophiques accueillant moult limicoles (petits échassiers de l'ordre des Charadriiformes) et autres anatidés (oies, cygnes, canards).
Les étangs de la Champagne humide sont ainsi une étape ornithologique incontournable dans la migration et l’hivernage de plus de 300 espèces d’oiseaux d’eau. Ce sont aussi des lieux de stationnement post nuptial pour les cigognes noires, des sites de reproduction de hérons pourprés, et de passage de plus de 250 000 grues cendrées. Enfin, des zones d’hivernage de l’oie des moissons et du pygargue à queue blanche, qui sont des espèces menacées.
Ce site remarquable accueille une faune et une flore très diverses. Les forêts humides, les étangs et les mares constituent des habitats privilégiés pour les amphibiens dont neuf espèces ont été comptabilisées, parmi lesquelles l’emblématique crapaud sonneur à ventre jaune.
On y trouve également la loutre d'Europe et une vingtaine d'espèces de chauves-souris. Plusieurs espèces de plantes rares et protégées y poussent : Pulicaires vulgaires, Utriculaires, Renoncules à feuilles d'ophioglosse, Gratiole officinale, Ail anguleux, Germandrée des marais, Laiteron des marais, Inule des fleuves...
Lac de Grand-lieu
Situé à 15 km au Sud-Ouest de Nantes, en Loire-Atlantique, en plein cœur du Pays de Retz, c’est l'un des plus grands lacs de plaine en France. D’une superficie de 6300 ha, il est relié à la Loire et aux marais de l'estuaire par la rivière Acheneau. Il est l'œuvre de la nature et du travail des hommes conjugués depuis trois siècles.
En son centre, une zone d'eau libre d'environ 800 ha accueille des brèmes et des gardons. Autour d’elle, sur plus de 1200 ha s'est développé un herbier flottant de nénuphars blancs et jaunes, de châtaignes d'eau et de limnanthèmes aux fleurs d'or, qui n’a pas d’équivalent en France. Puis, au-delà, s’étendent sur plus de 1700 ha des roselières et des forêts flottantes de saules et d'aulnes qui abritent de grands échassiers nicheurs : Grande Aigrette, Spatule blanche, Héron pourpré. Enfin, une couronne de prairies inondables puis de bocages et de bois complète cet ensemble naturel unique.
En hiver, c’est le plus grand lac de plaine de France, les prairies du pourtour sont inondées et offrent une nourriture abondante aux oiseaux, notamment aux 25 000 canards qui hivernent là. Les nénuphars disparaissent et les roselières, désertées par les hérons partis en migration, se transforment en dortoirs pour les busards des roseaux, bruants des roseaux, étourneaux, et grands cormorans. Au printemps, de vastes herbiers aquatiques se développent, et des milliers d’oiseaux viennent accomplir leur reproduction dans les roselières. Les prairies inondables, pâturées ou fauchées, sont aussi un lieu de reproduction et d'alimentation.
On recense plus de 500 espèces de plantes, dont beaucoup sont très rares ou menacées comme certaines renoncules, l’Etoile d’eau ou la Cigüe vireuse.
Brenne
La Brenne, ce sont, aux porte de Châteauroux dans l’Indre, des milliers d’étangs mêlés à des milieux très variés : landes, praires humides, pelouses sèches et cultures. Ces étangs ont été façonnés de main d’homme, en profitant du faible relief et de l'imperméabilité du sous-sol. Il a suffi de levées de terre pour contenir l’eau sur plus de 9000 hectares. Ce sont ainsi pas loin de 3000 étangs qui hébergent une faune et une flore riches et diverses. Parmi le millier d’espèces floristiques, une centaine est protégée.
Abondante, la faune y est riche en libellules (62 espèces), en reptiles (10 espèces), en amphibiens (14 espèces).
Les oiseaux d’eau tels que Guifette moustac, Grèbe à cou noir, Butor étoilé… y viennent nidifier. Les grues y migrent chaque année par milliers et les anatidés, hérons et grèbes y passent l’hiver à plus de 15 000.
Camargue
L’une des plus célèbres zones humides de France est la Camargue, à 90 km de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône et le Gard. Ce site formé par le delta du Rhône englobe de vastes étendues de lagunes, d'étangs saumâtres, de marais d'eau douce et de dunes. Caractérisées par une salinité variable, ces zones humides sont alimentées en eau douce par la pluie, mais aussi par l’eau pompée dans le Rhône pour l'irrigation.
La Camargue est un site mondialement connu pour son accueil de multitudes d’oiseaux d'eau. Un tiers des canards du territoire français y hiverne de septembre à mars ! La Camargue est, par ailleurs, la seule zone de reproduction des flamants roses en France. Ils s’y nourrissent des minuscules crustacés qui pullulent dans ces eaux très salées. On compte également en Camargue des hérons, des butors, des sternes, des guêpiers, des rolliers, des passereaux, qui y font halte sur la route des vacances qui les mène de l’Europe à l’Afrique, et retour.
Quant à la flore, elle s’est adaptée à la sécheresse, à la salinité et à la forte variabilité du niveau d'inondation. On y dénombre 4 espèces de salicornes qui composent la "sansouïre" ; la saladelle qui s'épanouit dans les pelouses. Tandis que les dunes fossiles sont couvertes de genévriers et les dunes vives d'oyats. Dans les étangs peu profonds, patamots, ruppias et zoostères se partagent les eaux, en fonction de la salinité.
Baie du Mont Saint-Michel
C’est au fond du golfe normand-breton, frontière entre le Cotentin et la Bretagne, que la baie du Mont Saint-Michel forme un vaste espace réunissant des milieux fort variés. Dans cette zone où l’amplitude des marées est l’une des plus puissantes au monde, la mer peut perdre 15 mètres de hauteur lors des équinoxes, découvrant plusieurs dizaines de milliers d'hectares de grèves, de vasières et de bancs de sable. Îles rocheuses, dunes, prés salés, prairies humides et falaises forment ce site de 45 800 ha.
Son rôle est essentiel dans la reproduction et le grossissement de certains poissons plats qui peuplent la Manche et la Mer du Nord. Plus de 20 000 oiseaux s’y abritent régulièrement et 100 000 échassiers y hivernent. Bécasseau variable, Huîtrier-pie et Pluvier argenté en sont des hôtes réguliers. L'obione pédonculée y fleurit et on ne la rencontre presque nulle part ailleurs en France.
Mais grand dauphin et phoque veau-marin s’y plaisent aussi !