1 juil. 2024

Tech-based vs nature-based solutions : quand la Technique veut dominer la nature

C’est sur les Solutions fondées sur la Nature que nous devons compter pour endiguer le réchauffement climatique plutôt que sur des solutions technologiques.

Erwan Le Méné
Erwan Le MénéPrésident
Tech-based vs nature-based solutions : quand la Technique veut dominer la nature

Ces derniers temps, les Solutions fondées sur la Nature subissent les assauts des tenants des solutions technologiques. A la crise sans précédent de la nature et alors que la biodiversité est réduite à peau de chagrin, subissant de plein fouet les dérèglements du climat et l’anthropisation du monde, notre meilleure réponse serait celle d'encore plus de technologies ?
Au prétexte que la nature ne serait pas totalement maîtrisable et qu’il serait difficile de calculer précisément combien de CO2 elle absorbe, nous devrions orienter nos efforts vers des solutions techniques et jouer les apprentis sorciers en créant de nouvelles solutions qui accoucheront de nouveaux problèmes ? Et si cette querelle révélait surtout notre dépendance aux outils technologiques et notre méconnaissance des mécanismes de la nature ?

Solutions fondées sur la Nature : des attaques en règle

Au printemps, l’Union européenne avec sa nouvelle règlementation CRCF (Carbon Removal Certification Framework) - le cadre de certification du carbone européen pour nous permettre d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 - portait un sérieux coup aux Solutions fondées sur la Nature en affichant une préférence pour des solutions technologiques balbutiantes. A l’en croire, les crédits carbone générés par des projets visant à reconstituer ou régénérer la nature seraient de moindre qualité que ceux que génèrent des solutions techniques de type direct air capture.

Outre-Atlantique, les articles de presse et les études cherchant à démontrer que la nature ne serait pas assez fiable pour absorber le CO2 que nos activités industrielles ont relâché dans l’atmosphère depuis deux siècles font florès. Bien que de grandes entreprises comme Shell, Meta, Google, Microsoft, Salesforce affichent leur préférence pour des solutions fondées sur la nature, leur crédibilité est remise en cause. Tant et si bien que la mode s’est imposée en Europe où des startups spécialisées dans la comptabilité du carbone expliquent aujourd’hui ne plus vouloir orienter leurs partenaires que vers des solutions de réduction et de captation de carbone technologiques, abandonnant de facto les Solutions fondées sur la Nature. 

Les deux arguments mis en avant sont les suivants : on ne peut pas se fier à une nature changeante (il arrive que des forêts brûlent en relarguant du CO2 capté dans l’atmosphère) et la comptabilisation de ce que séquestrent véritablement les écosystèmes (incluant les sols) est difficile. 
On leur préfère donc des solutions technologiques telles que mises en avant par Climeworks, Carbon Engineering, Global Thermostat ou la startup américaine Avnos dans laquelle a investi Safran en février 2024. Le coût faramineux du développement de ces technologies interroge toutefois. L’argent ne serait-il pas mieux employé pour soutenir des projets de restauration de la nature ? Dans un article de 2023, le cabinet McKinsey indique que “les investissements dans les technologies climatiques devraient augmenter d'environ 10 % par an et atteindre environ 2 000 milliards de dollars d'ici 2030, ce qui équivaut à environ 1 % à 2 % du PIB mondial.”

Et si tout cela était finalement affaire de marketing, la technologie de pointe séduisant beaucoup plus facilement au XXIe siècle qu’un pan de nature ? Alors même que la nature a fait ses preuves depuis des millions d’années, contrairement au développement de techniques embryonnaires dont, notait encore McKinsey, seulement 10% sont à ce jour commercialement compétitives. 

Les avantages des Solutions fondées sur la Nature

A ceux qui décident d'abandonner le soutien à la gestion des forêts, au reboisement et à la préservation de la biodiversité pour leur préférer des solutions techniques coûteuses, qui ne font qu'ajouter de l'artificiel à une nature qui a surtout besoin d'être renaturée, nous rappellerons quelques éléments factuels.

Le Giec a toujours préconisé l'usage du reboisement et de l'afforestation pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Les solutions technologiques n'ont aucun impact positif sur la biodiversité, leur impact serait plutôt négatif (utilisation de ressources naturelles et dépenses d’énergie), alors même que le plus grand danger qui nous guette aujourd’hui est celui de la disparition des espèces. Faudra-t-il, dans quelques décennies, investir dans des projets de création d’une nature artificielle ? 

Par ailleurs, la capture de CO2 par des engins aussi sophistiqués soient-ils ne produit pas de bois d'œuvre ou de menuiserie, ne permet donc aucunement de participer à la transition écologique en fournissant des matériaux renouvelables pour la construction, l’ameublement...

Ensuite, contrairement à ce que l’on a pu lire, des forêts non gérées ne capturent pas plus de CO2 que des forêts bien gérées, au contraire.

Enfin, lorsque nos paysages auront entièrement été remodelés par les machines et les outils, nous aurons peut-être capturé tous les gaz à effet de serre mais où irons-nous rêver, nous promener, nous divertir ? Dans des forêts laissées à l’abandon donc impraticables et davantage sujettes aux incendies ? Car les forêts brûlent essentiellement lorsqu’elles ne sont pas soumises à la main du forestier. 

La nature, pourtant, nous offre gratuitement une multitude de services écosystémiques (filtration de l'eau, maintien de la vie sur Terre, matières premières...) nécessaires à notre vie et vers lesquels nous serions bien avisés de diriger la majorité des fonds avant de nous désoler de leur disparition. Laquelle nous coûtera beaucoup plus cher que leur préservation. En 2021, un rapport de la Banque mondiale estimait que l'effondrement de certains services écosystémiques fournis par la nature (pollinisation par des espèces sauvages, nourriture issue de la pêche marine, bois provenant des forêts naturelles…) pourrait amputer le PIB mondial de 2 700 milliards de dollars par an d'ici à 2030. Mais une étude publiée en mars 2024 dans la revue Science suggère une autre manière de calculer le coût de la perte de biodiversité et estime qu’elle pourrait être beaucoup plus coûteuse. La valeur actuelle des services écosystémiques serait ainsi revue à la hausse : de 130 à 180% !

L’hégémonie de la Technique

Alors que les XVIIIe et XIXe siècles furent ceux d'un développement sans précédent des sciences naturelles, des mécanismes et de l’ingéniosité de la nature, nous semblons avoir remisé toute cette science accumulée pour attendre le salut de la Technique (en persistant à croire que nous sommes capables d'apporter sans fin les solutions aux problèmes que nous créons en permanence).

Jacques Ellul, l’un des penseurs majeurs du XXe siècle, a très largement mis en évidence l'idolâtrie de l’homme moderne pour la Technique, à laquelle il confère un sens beaucoup plus étendu que celui – usuel - du machinisme. La technique s'est retrouvée intégrée dans les esprits au point qu'elle est devenue une référence pour tous : une manière "normale" de concevoir le monde, les objets qui nous environnent étant tous plus ou moins assimilés à des marchandises. Dès lors, estime Ellul, la technique constitue une croyance, une façon quasi mystique de concevoir le monde, dont le "mythe du progrès" ne constitue que la partie la plus visible. Ainsi écrit-il, « ce n’est pas la Technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la Technique. »

Aussi n’est-il pas interdit de percevoir une métaphysique à l'œuvre dans cette adulation contemporaine pour les solutions technologiques de capture des émissions de GES au détriment de solutions que la nature nous met à disposition ici et maintenant. 
Par certains aspects, gérer des forêts et remettre en état des zones humides est plus difficile que faire fonctionner une machine. Cela demande surtout de considérer la résolution de nos problèmes sur du temps long. Cela demande, enfin, de quitter cette croyance selon laquelle, puisque nous avons le pouvoir de dérégler le climat, nous avons le pouvoir de le rétablir à l’aide de la science et de la technique. Car si ce dernier axiome était vrai, cela signifierait que nous pouvons continuer de vivre comme nous vivons actuellement, tout étant réparable. En ce sens, les tech based solutions ne sont qu’une offre de compensation carbone, soit un nouveau droit à polluer. 

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