22 déc. 2023

Qu’est-ce qui caractérise une forêt primaire ?

Hauts lieux de biodiversité, les forêts primaires sont essentielles à la vie sur Terre, il faut donc les préserver, ce qui n’est pas directement la mission d’EcoTree.

Qu’est-ce qui caractérise une forêt primaire ?

Les scientifiques discutent toujours pour établir la définition la plus précise de la forêt primaire. Quoi qu’il en soit, l’expression forêt vierge semble être peu à peu abandonnée, à mesure que l’on discerne des traces d’anciennes civilisations même au plus profond des forêts tropicales les plus denses. La forêt primaire se définirait ainsi par rapport aux forêts secondaires exploitées par l’homme. A ce titre, avons-nous encore des forêts primaires en Europe et pouvons-nous en recréer ?

Tentative de définition de la forêt primaire

Si autrefois on parlait volontiers de forêt vierge, les spécialistes semblent aujourd’hui préférer parler de forêt primaire, voire de forêt primitive, de forêt originelle ou de forêt naturelle. Selon l’association Francis Hallé pour la forêt primaire, il s’agit d’une forêt “qui n’a été ni exploitée ni défrichée par l’homme ; si elle l’a été dans le passé, un temps suffisant s’est écoulé pour que la forêt ait pu redevenir primaire.”

Car effectivement, si les arbres sont apparus environ 80 millions d’années avant les hommes, cela fait sans doute 300 000 ans que ceux-ci arpentent le globe et donc les forêts. Par conséquent, il paraît difficile d’affirmer qu’en certaines forêts aucun pied humain n’a jamais pénétré. Mais après tout, pourquoi la présence de l’être humain bouleverserait-elle nécessairement l’écosystème forestier ?

On peut ainsi convenir qu’une forêt est dite primaire en fonction de son degré de naturalité : moins elle a été exploitée par l’homme, gérée et plantée par l’homme, c’est-à-dire administrée par une conscience réfléchie, plus elle est proche de son état naturel. 
C’est le point de vue que défend Jean-Luc Dupouey, directeur de recherches à l’INRA. Si l’on prend l’absence d’impact de l’homme comme critère par exemple, on se rend vite compte qu’il n’existe plus de « forêt vierge », dit-il. Et de préférer “parler de degré de naturalité ou d’artificialisation”.

La forêt primaire serait ainsi celle que l’activité humaine n’a pas bouleversée et qui assure sa propre pérennité selon le processus évolutif de sylvigenèse. Mais de quelle durée serait alors son cycle ?

Peut-on reconstituer des forêts primaires ?

Le botaniste Francis Hallé, grand spécialiste des forêts tropicales, a largement contribué à la vulgarisation du concept de forêt primaire et a disséminé l’idée selon laquelle il serait possible de recréer une forêt primaire en Europe. 
Il considère en effet qu’en zone tropicale humide ou équatoriale, où les arbres poussent toute l’année, il faut environ 7 siècles pour qu’une terre défrichée soit recouverte d’une forêt primaire, c’est-à-dire une forêt assurant d’elle-même son propre cycle depuis l’arrivée des espèces d’arbres pionnières jusqu'au développement d’une forêt mature et complexe, après avoir achevé le stade de l’implantation des espèces post-pionnières. Dans une zone tempérée comme celle que nous connaissons en Europe, il faudrait - d’après lui - un millénaire de non intervention pour obtenir une nouvelle forêt primaire.
C’est tout l’objectif de son association qui, depuis plusieurs années, cherche à établir en Europe, à la frontière de plusieurs pays, une nouvelle forêt primaire de quelque 70 000 hectares, soit la superficie de la partie polonaise de la forêt de Białowieża, l’ultime forêt primaire d’Europe, aujourd’hui menacée. 

L’UNEP, programme des Nations unies pour l’Europe, estime que 80% des forêts originelles auraient été abattues au cours du XXe siècle et que chaque année 15 millions d’hectares de forêts tropicales primaires seraient déboisées, soit la surface de l’Angleterre…

Pouvons-nous participer à la reconstitution de forêts primaires en Europe ?

S’il est évident que les forêts primaires sont de hauts lieux de biodiversité et que la création de nouvelles forêts primaires en Europe serait une bonne chose, de même qu’il faut absolument préserver les ultimes forêts primaires qui subsistent dans le monde, ce n’est pas le rôle d’EcoTree qui est d’abord une entreprise de gestion forestière. En l’occurrence, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire est bien mieux placée pour porter cette initiative. Cela ne nous empêche pas de développer des projets de préservation de la biodiversité sans promesse de rendement, parmi lesquels des îlots de sénescence ou des écrins de biodiversité comme dans notre forêt de Monceaux sur Dordogne, vouée à être préservée sans aucune action de notre part. Dans ces parcelles, les arbres ne seront pas prélevés pour être vendus. Nos clients peuvent ainsi soutenir ces projets sans en attendre de rendement financier. Elles ont pour seul but de préserver de petits pans de nature sauvage dans une géographie entièrement façonnée par la main de l’homme, donc d’être profitables à tous en enrichissant la biodiversité.

Préserver les forêts primaires coûte cher

C’est le grand paradoxe : ne pas exploiter une forêt coûte au bout du compte plus cher que de l’exploiter, car il n’y a aucun rendement financier à en attendre, sinon sous une forme d’écotourisme. C’est cette dimension qui est généralement privilégiée pour soutenir ce genre de projets de “mise sous cloche” d’espaces que l’on souhaite conserver vierges de toute exploitation ou organisation humaine. L’association Francis Hallé souhaite ainsi relever ce défi d’une forêt de 70 000 hectares en Europe à l’empreinte humaine réduite au minimum et pourtant ouverte au public. 
De la même manière, sur la péninsule d’Osa, au Costa Rica, un programme de protection d’un des lieux les plus riches en biodiversité au monde a été mis à mal par la crise du Covid qui a stoppé l’écotourisme. Sans rentrées d’argent, il paraît impossible de protéger ces lieux paradisiaques. 
Partout à travers le monde, nous sommes confrontés à cette même problématique, car les forêts portent en elles d’immenses richesses que les populations humaines sont avides d’exploiter. Endiguer la déforestation des forêts primaires d’Amazonie, du bassin du Gabon, de Mélanésie ou d’Indonésie coûte cher. Mais à terme, les détruire nous coûtera beaucoup plus cher. C’est pourquoi il faut trouver un équilibre entre exploitation de forêts pour les ressources dont nous avons besoin et sauvegarde des hauts lieux de biodiversité nécessaires à la vie de l’ensemble des espèces vivantes. 
 

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