11 nov. 2019
La forêt chez Astérix : une histoire d’amour
La Bretagne est une région de forêts mythiques, où Astérix et Obélix sont nés, de même qu’EcoTree.
Il n’est pas étonnant, après tout, qu’EcoTree ait pris racine en Bretagne, dans ce pays où les forêts sont mythiques et qu’Uderzo et Goscinny ont pris pour aire de jeux de leurs irréductibles Gaulois. Car si tout n’est pas historiquement juste dans les célèbres bandes dessinées, l’amour des forêts qui y transpire est, lui, tout à fait authentique. Et conforme à l’esprit qui a nourri le territoire gallo-romain. Alors, puisque notre héros gaulois a soixante ans cette année, rendons-lui hommage ainsi qu'à ses créateurs, férus de forêt.
Il y a une longue histoire d’amour entre les Français et leurs forêts, que les aventures d’Astérix illustrent parfaitement. Si les Celtes avaient une mythologie largement tournée vers la nature et les arbres, et que les Romains ont certes contribué à déboiser pour développer l’agriculture, tenant la silva pour un espace d’ensauvagement, c’est qu’ils n’étaient pas insensibles, eux aussi, à l’esprit qui souffle des bois. La rencontre de ces deux peuples a donné une civilisation gallo-romaine largement tournée vers la nature et les arbres. Etymologiquement, toutefois, ce qui demeure dans notre langue de l’héritage gaulois se rapporte principalement à la toponymie, à la géographie, aux noms d’arbres. Preuve, s’il en fallait, que Goscinny et Uderzo ne se sont pas trompés en campant des personnages vivant séparés des Romains par une forêt et tout à fait amoureux des arbres pour certains.
Idéfix amoureux de la forêt
Ce n’est un mystère pour aucun des lecteurs un tant soit peu attentifs des aventures d’Astérix le Gaulois – et Dieu sait s’il s’en trouve ! – Idéfix nourrit une passion quasiment irrationnelle pour les arbres. Dans Le Domaine des dieux, le petit chien d’Obélix est littéralement foudroyé en apercevant un arbre déraciné par les promoteurs romains venus construire une résidence en pleine forêt. Il ne faudra rien moins que l’ingéniosité du druide Panoramix pour faire resurgir les arbres de terre – ceux que la force d’Obélix n’aura pas suffit à replanter.
La forêt d'Uderzo : un refuge et un garde-manger
La forêt est également une barrière naturelle entre les camps fortifiés des Romains et le village des Gaulois, dont on suppose qu’elle doit protéger ces derniers des envahisseurs, bien que tout laisse supposer que ce soient les Romains qui se cachent des Gaulois dans leurs camps retranchés. Le druide Panoramix, lui, s’y rend souvent couper le gui et ramasser les ingrédients nécessaires à sa potion magique, tandis que le barde Assurancetourix y trouve refuge pour exercer son art que les « barbares » n’apprécient pas. (Même si tout nous pousse à croire que les supposés barbares ont l’oreille assez fine et éduquée pour détester les jérémiades d’un barde qui ne sait que chanter faux).
Enfin, la forêt est le territoire de chasse et le garde-manger des Gaulois, d’Obélix principalement, qui aime courir après les sangliers autant que taper sur les Romains. Dans la forêt, Uderzo laisse libre cours à son imagination, déroulant sous nos yeux ravis tout un bestiaire composé de pics, hiboux, dindes, autres corbeaux.
La forêt : entre gags et réflexion
La forêt donne lieu à de nombreux gags dans les aventures d’Astérix. Ainsi de cette scène d’Astérix en Corse où, perdus dans le maquis, Obélix cherche son chien Idéfix qu’il finit par retrouver après avoir distribué diverses baffes aux malheureux Romains égarés dans ce labyrinthe boisé. Dans d’autres albums, les Romains tentent de se déguiser en arbres, notamment dans Le Combat des chefs, où un hibou finit par se prendre d’amitié pour ce drôle d’arbre qui parle.
Mais nous avons aussi droit à quelques réflexions frappées au coin du bon sens, ainsi de ces mots d’Obélix dans Astérix légionnaire, remarquant que la forêt est « mal tenue… Il y a des arbres partout ! » Ces quelques mots en disent long et si vrai sur l’état de certaines forêts qui ne sont pas entretenues ! Même Obélix, tout anarchiste qu’il paraisse, et si proche de la nature, relève qu’une forêt est mal tenue lorsque les arbres n’y sont pas bien agencés et soignés.
La forêt des Gaulois : entre magie et mystère
Outre le fait que la forêt est le lieu où l’on retrouve régulièrement le druide, il arrive qu’Obélix vienne y secouer des arbres pour en faire tomber des Romains. Comme si la forêt était le refuge des ennemis, mais aussi le territoire de la chasse et le lieu des fantasmes. On y croise parfois des brigands et des loups, des Normands ou des Goths qui s’y cachent, ainsi qu’un collecteur d’impôts retors, un sinistre devin. La forêt des Carnutes, où se rencontrent les druides pour conspirer et échanger leurs recettes est interdite aux profanes, seuls Astérix et Obélix s’autorisent à y entrer. Et Idéfix. Enfin, n’oublions pas que ces centaines de milliers d’albums vendus sont autant d’hommages aux arbres avec lesquels le papier est fabriqué. Et une magnifique affaire pour la sylviculture.