17 avr. 2018
Vous avez dit "Forêts verticales" ?
A Milan, l’architecte Stefano Boeri a implanté deux tours d’immeubles qui portent de véritables forêts d’arbres.
Forêt verticale, on pourrait croire à une lapalissade mais c’est le terme utilisé pour nommer des forêts d’un nouveau genre qui grimpent à l’assaut du ciel. Ces forêts peuplent les nouveaux immeubles imaginés par l'architecte Stefano Boeri à Milan.
L'architecte italien Stefano Boeri crée des immeubles qui sont aussi des forêts
Dans Voyage au bout de la nuit, le héros célinien, Bardamu, arrivant à New York, s’ébahit d’apercevoir une ville debout, verticale. C’est à cette verticalité que se réfère l’expression « bosco verticale », imaginée pour désigner les deux tours milanaises de l’architecte Stefano Beori, réalisées par son studio. En plein cœur de Milan s’élèvent deux tours recouvertes d’arbres. L’une mesure 110 mètres de haut, l’autre 76. D’où le nom de forêt verticale.
Peut-on vraiment parler de forêt ?
S’agit-il vraiment d’une forêt ? Des arbres installés sur des balcons forment-ils une forêt ? Peut-on en parler en ces termes, sachant qu’en aucun cas leurs racines ne se toucheront, ne communiqueront, sachant que ces arbres ont été plantés par l’homme, importés par l’homme, préparés par ses soins ?
Si nous avons appris dans le best-seller de Peter Wohlleben, La vie secrète des arbres, que ceux-ci communiquent et s’entraident par leurs racines, que l’arbre-mère choisit et « éduque » celui qui le remplacera, que c’est ainsi qu’ils forment famille, donc forêt, nous avons aussi retenu que les arbres ont d’autres moyens de communication. Bien entendu, les forêts installées sur des tours sont tout ce qu’il y a de plus artificielles mais n’y a-t-il pas nombre de forêts artificiellement plantées par l’homme ? Une « forêt verticale » d’essences différentes et complémentaires vaut-elle moins qu’un boisement d’essence unique parfaitement aligné ?
Quels seront les arbres plantés sur les immeubles ?
L’architecte a travaillé avec l’aide d’horticulteurs et de botanistes et le choix des plantes et des arbres à élever le long de la tour et sur les balcons n’a pas été le travail le plus facile. Il a fallu choisir des arbres qui soient adaptés à chaque façade des tours, certains résistant mieux à un ensoleillement constant en étant orientés au sud, d’autres survivant sans soleil direct et prenant place sur les façades nord. Les arbres ont alors été sélectionnés pour être installés. Ils ont d’abord poussé sur la terre ferme mais de manière particulière, les racines taillées de sorte qu’ils puissent être transportables et enroulées d’un genre de film géotextile très épais conçu avec des bulles percées pour que l’eau et l’air puissent être captés. Ils y sont restés plusieurs années avant d’être transplantés sur les balcons des immeubles. Il fallait être sûr qu’ils résisteraient. Selon l’architecte Stefano Beori, le moment le plus délicat de la construction fut le transport des arbres dont il fallait prendre grand soin. Les arbres sont pleins de vie, dit-il. Dans de vastes pots, disposés sur des balcons en quinconce, ils ont été installés dans une terre spéciale, qui est un mélange de matières organiques, de sable et de terre. 9000 coccinelles ont immédiatement été déposées pour lutter contre les parasites. Le but du projet est de créer un véritable écosystème au cœur d’une des villes les plus polluées d’Europe.
Quels avantages apportent les arbres en ville ?
Vivre dans une tour qui est aussi une forêt présente de nombreux avantages. Outre le fait d’être dans un environnement vivant (et nous savons désormais quelles sont les qualités thérapeutiques des arbres), cela crée un microclimat. Les arbres permettent de réguler la température. Au plein de l’été, ils font de l’ombre ; en hiver, ils laissent passer la lumière en perdant leurs feuilles. Ils doivent être régulièrement taillés pour ne pas dépasser, selon leurs espèces, 3, 6, ou 9 mètres. 900 arbres, 5000 arbustes et 11 000 plantes couvrantes, c’est l’équivalent d’un hectare de végétation. C’est du CO2 capté et de l’oxygène rejeté. C’est aussi pour les habitants une protection contre les particules de poussière. Enfin, le système de filtration des eaux usées (ce qu’on appelle les eaux grises, passées dans l’évier et la douche), permet d’arroser les arbres et les plantes.
L’idée est venue à l’architecte alors qu’il était à Dubaï, voyant s’élever toutes ces tours en verre qui réfléchissent la chaleur. Aujourd’hui, de nombreux projets de ce type sont à l’étude, en Chine, en Belgique. Rappelons que c’est à Paris que l’architecte Edouard François créa, en premier, la Tower-Flower sur la Zac de la Porte d’Asnières. Mais il s’agissait essentiellement de bambous. Aujourd’hui, les gratte-ciel sont des forêts qui apportent la biodiversité dans les villes.