28 mars 2024
Quel est le rôle des vers de terre dans le sol ?
Leurs services écosystémiques sont nombreux car ce sont eux qui font le sol, les vers de terre sont une espèce merveilleuse à protéger.
Infatigables travailleurs de la terre, les vers de terre œuvrent sans relâche à l’aération des sols et au mélange des éléments en douceur, permettant aux plantes et aux arbres de croître, permettant la vie. Mais savons-nous bien comment ils agissent et comment les trois grandes catégories de lombrics se complètent pour participer à la conception des sols et à leur bonne santé ?
Vers de terre : les meilleurs ingénieurs du sol
Si l’être humain a inventé l’araire puis la charrue pour retourner le sol afin d’y semer, il n’a fait qu’imiter grossièrement le travail de la nature. En effet, depuis près de 700 millions d’années, les lombriciens travaillent le sol en aidant à la décomposition de la matière organique et en mêlant l’humus et l’argile tout en faisant remonter les matériaux minéraux à la surface. Ce sont eux qui ont permis, il y a quelque 250 millions d’années, la formation des mulls, l’humus le plus fertile. Sans leur présence dans les sols et leur travail constant de la terre, nulle plante, nul arbre ne vivrait. C’est aussi au Mésozoïque, à l'Ère secondaire, que reptiles, dinosaures et autres mammifères sont apparus. Les vers de terre étaient déjà là et c’est sans doute grâce à eux que la vie de ces grands êtres a été rendue possible.
Voici pourquoi Darwin estimait que peu d’autres animaux avaient joué un rôle aussi important dans l’histoire du globe que “ces créatures d’une organisation si inférieure”.
Quelles sont les trois grandes espèces de vers de terre ?
La classification écologique range les vers de terre en trois groupes écologiques principaux qui ont tous leurs caractéristiques et leurs fonctions propres : les vers épigés, les vers anéciques et les vers endogés.
Les vers de terre épigés
Les vers de terre épigés sont petits, mesurant de 1 à 5 cm et vivent essentiellement à la surface du sol dans la litière de feuilles. Ces petits vers ne creusent pas de galeries mais ils participent au brassage et au fractionnement de la matière organique. De couleur rouge vif ou brun rougeâtre, ils ne sont pas striés.
Plusieurs sous-écotypes de vers épigés existent dont les épigés staminicoles qui vivent dans la litière et s’en nourrissent ; les épigés coprophages qui se nourrissent d’excréments animaux voire humains ; les épigés corticoles qui vivent sous l’écorce des arbres et se nourrissent de l’aubier ou du bois mort…
Ainsi tout ce petit peuple grouillant participe-t-il au recyclage des déchets organiques comme nombre d’autres insectes rampants ou volants, comme d’autres organismes (levures, bactéries, champignons…)
Les vers de terre anéciques
Les vers de terre anéciques sont généralement de grande taille (plus de 10 cm) et creusent des galeries verticales jusqu’à un mètre de profondeur voire plus, dans lesquelles ils se déplacent. La nuit, ils remontent à la surface pour se nourrir de feuilles mortes qu’ils entraînent dans leurs terriers.
Par leurs déplacements, ils apportent la matière organique en profondeur et remontent la matière minérale à la surface. Ce sont eux qui organisent véritablement le brassage de la matière par leur va-et-vient. Mais ils ont également une autre fonction. En digérant la matière organique, les lombrics la rejettent sous forme de turricules. Ces déjections forment des agrégats de matière organique et minérale stables qui contiennent des éléments directement assimilables par les plantes. Voici comment cela s’explique. Ingurgitant la matière organique à la surface du sol la nuit, ils creusent ensuite des galeries verticales pour aller puiser l’argile en profondeur avant de remonter déposer leurs turricules à la surface. Entre-temps, dans leur intestin se sont rencontrés l’argile et l’humus qui formeront le complexe argilo-humique.
Les deux éléments de ce complexe sont attachés par des ions calciques qui ont deux charges positives, l’argile et l’humus étant négatifs. Pour ce faire, les vers de terre ont une glande de Morren qui sécrète du calcium en grande quantité. Certains champignons bénéfiques du sol sécréteront ensuite sur ce complexe une colle humique appelée glomaline qui sert de liant entre l’argile et l’humus, indispensable pour fixer le complexe argilo-humique. Celui-ci permet le stockage des minéraux lixiviables qui pourront être assimilés par les plantes.
Les vers de terre endogés
Les vers de terre endogés vivent dans le sol et s’en nourrissent. Ils mesurent d’un à vingt centimètres et les galeries qu’ils creusent sont à peu près horizontales et très ramifiées. Celles-ci permettent la circulation des gaz et de l’eau. Ils colonisent tous les étages du sol et ne remontent jamais à la surface. Ils favorisent également la pénétration des racines dans le sol et leurs galeries sont des habitats propices aux champignons et aux bactéries.
Souvent sans pigments cutanés, ces vers sont de couleur pâle, rose, gris, vert ou bleu. Selon leur sous-écotype, ils mangent du sol plus ou moins pauvre en matière organique tandis que certains sont carnivores et se nourrissent d’autres espèces de lombriciens. Certains consomment de petites racines mortes et contribuent, là encore, au recyclage des déchets organiques.
Collecte de vers de terre dans le cadre du projet de recherche Silvester
Comment préserver les vers de terre ?
Ceux qu’Aristote appelait les intestins de la terre ont ainsi un rôle primordial dans le maintien de la vie terrestre et de la bonne santé des écosystèmes. Dans les prairies de zones tempérées, ils favorisent les Fabacées (légumineuses) qui gagnent jusqu’à 35% de croissance en plus en leur présence.
Malheureusement, l'usage systématique du labour et des produits phytosanitaires en réduit considérablement les populations, notamment dans les zones d’agriculture intensive. L’absence de couvert végétal en décomposition au sol est également contraire à l’abondance de vers de terre. Depuis 1950, le taux de matière organique des sols a ainsi été divisé par deux en Europe. On estime qu’à cette époque les sols comptaient 2 tonnes de vers de terre à l’hectare, contre moins de 100 kilos par champ cultivé en 2010.
L’agriculture biologique, qui a compris l’utilité des lombrics, s’en est fait un allié et il est encore plus présent dans les sols non travaillés, en semis direct ou dans les prairies. D’où la nécessité de conserver des prairies ainsi qu’une litière au sol, ce qui est notamment le rôle des forêts et même des arbres champêtres, des arbres dans les villes ou des haies.
Par ailleurs, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes pose également problème à certains vers de terre dont elles font leurs proies.
L’Irlande a calculé que le travail des vers de terre lui rapportait 700 millions d’euros par an. Ainsi, non seulement pour les services écosystémiques qu’ils apportent mais aussi parce qu’ils font partie de la nature, préservons les vers de terre.