11 juil. 2018

Les villes peuvent-elles sauver les abeilles ?

Tandis que les Etats-Unis développent des drones pollinisateurs pour remplacer les abeilles, de plus en plus de ruches sont installées dans les villes où les pesticides n

Vianney Passot
Vianney PassotSecrétaire général
Les villes peuvent-elles sauver les abeilles ?

Tandis que les Etats-Unis développent des drones pollinisateurs pour remplacer les abeilles, de plus en plus de ruches sont installées dans les villes où les pesticides n’ont plus leur place. Est-ce le meilleur moyen de sauver la nature ?

Aux Etats-Unis, la société Dronecopter utilise des drones pour polliniser les vastes exploitations d’amandiers, de cerisiers et de pommiers, et les drones s’en tireraient mieux que les abeilles. Les drones permettraient d’augmenter considérablement les rendements des exploitations agricoles. Paramétré de manière très précise, le drone pourrait couvrir une surface de 16 hectares par heure, si bien qu’après trois ans d’expérimentation, Dronecopter estime que ses drones augmentent la pollinisation de 25 à 60%, pour ce qui est des cerises et des amandes. Autre avantage mis en avant, les appareils peuvent polliniser la nuit et quand il fait froid. Selon l’étude mise en avant par la société, la pollinisation serait plus efficace dans les vergers, notamment pour les pommiers, car les drones vaporiseraient des quantités de pollen plus importantes, favorisant la croissance des fleurs et donnant d’excellents rendements.

Devant tant de génie humain, pourquoi ne pas s’enthousiasmer ? Parce qu’à bien y réfléchir, il s’agit là d’une vision à court terme. Les machines peuvent en effet être plus efficaces que les insectes mais peut-on vraiment se passer des insectes ? Il semble que dans ces immenses exploitations agricoles de Californie, d’où les abeilles ont disparu à cause des pesticides qui y sont déversés et de la monoculture qui y est pratiquée, le problème soit pris à l’envers. La solution n’est pas de remplacer la nature par des machines, mais bien de protéger la nature pour le service de l’humanité. Car, une fois que les abeilles auront disparu, elles ne reviendront plus et il est à craindre que, supplantées par des drones, elles disparaissent tout à fait. Est-ce bien logique de fabriquer des appareils pleins de technologie, dont l’impact carbone ne peut être neutre, pour les substituer à des insectes qui sont fruit de la nature, par définition gratuits et indispensables à l’écosystème terrestre ? La bonne solution serait plus probablement de cesser la monoculture et de raisonner l’emploi de produits phytosanitaires, afin de laisser les insectes faire leur travail.

Installer des ruches en ville. Oui, mais…

Face à l’effrayante mortalité des abeilles ces dernières années, l’on voit de plus en plus de ruches installées dans les villes exemptes de pesticides et d’insecticides. Tant mieux pour ces abeilles et pour nous qui en mangeons le miel. Mais attention ! Il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment d’autres espèces d’abeilles qui ne font pas ruche mais qui sont tout aussi essentielles à l’écosystème et à la biodiversité. Dans le magazine Science, les deux chercheurs Jonas Geldmann et Juan P. González-Varo nous mettent en garde. Il n’y en aurait aujourd’hui que pour l’abeille domestique ou abeille à miel. Or, il existe des centaines d’autres espèces d’abeilles dont la majorité ne produit pas de miel. Elles vivent solitaires et nul ne songe à les défendre. Pire, les scientifiques estiment que l’installation de nombreuses ruches dans les villes cause une concurrence féroce entre ces insectes, au détriment des abeilles sauvages. Il ne faudrait pas que la seule espèce domestique survive, car l’abeille à miel est comme du bétail, elle ne représente pas la faune naturelle. Et, consommant la majorité des ressources, elle pourrait amener les autres espèces à disparaître.

Une fois de plus, il nous faut trouver le juste équilibre pour que toutes les espèces d’abeilles et d’insectes pollinisateurs puissent vivre dans les espaces verts des villes et il faut surtout veiller à ce que ces insectes ne disparaissent pas des campagnes où se trouvent leurs habitats naturels.

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