29 mars 2019

Bois : des chantiers remarquables

D’étonnantes constructions en bois prouvent, s’il était besoin, l’inépuisable richesse de cette ressource. La France dispose de bois de qualité et de forêts cultivées de

Bois : des chantiers remarquables

D’étonnantes constructions en bois prouvent, s’il était besoin, l’inépuisable richesse de cette ressource. La France dispose de bois de qualité et de forêts cultivées de différentes manières, mais aussi d'artisans curieux, qui ne craignent pas de se frotter aux techniques ancestrales. Promenons-nous dans le passé.

L’Hermione, un fameux trois-mâts

C’est un chantier unique et hors du commun qui a débuté en 1997 dans l’ancien arsenal de Rochefort. Dix-sept ans de travail pour reconstruire à l’identique le navire de guerre qui avait conduit le marquis de La Fayette aux Etats-Unis, pour y faire la révolution. L’Hermione est aujourd’hui le plus grand navire en bois naviguant au monde.

La coque du navire a été entièrement réalisée en chêne et pour bâtir le navire, il n’a pas fallu moins de 2000 chênes sélectionnés dans les forêts françaises, soit 1 160 m3. Ce sont au bout du compte plus de 400 000 pièces de bois et de métal qui ont été assemblées. La construction navale aimait particulièrement les chênes brogneux, dont le tronc est rugueux et plein de bosses et de nœuds. C’est principalement dans les forêts de l’Ouest de la France et du Poitou, que l’on a extrait les chênes qui serviraient à construire l’Hermione. Mais certains venaient également du parc du château de Versailles, arrachés par la tempête de 1999. Ironie de l’histoire…

Guédelon, un château-fort reconstruit à l’identique

C’est à Guédelon, dans l’Yonne, en 1997 également, qu’a ouvert le chantier de construction d’un château-fort médiéval, à l’identique, et selon les techniques et matériaux de l’époque. Plus difficile encore que pour l’Hermione, il a fallu aux artisans s’inspirer des gravures et des vitraux pour retrouver les gestes de l’époque médiévale. C’est ainsi qu’ils se sont aperçu que nos ancêtres coupaient les arbres en été et que cela n’influait pas sur la qualité du duramen (le cœur du bois). Et puis, ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas abattre les arbres en utilisant des coins, des haches, des passe-partout. Il fallait couper à hauteur d’homme, ne pas utiliser systématiquement la scie de long.

Après avoir étudié les charpentes du XIIIème siècle, ils ont compris qu’il leur fallait utiliser du bois de section faible, équarri uniquement à la hache et à la doloire. Le travail du bûcheron consiste alors à retirer l’aubier, la partie vivante du chêne, et à tailler la pièce dans le duramen, la partie plus minérale. Les enluminures de l’époque présentant des types de haches différentes, ils ont supposé que les charpentiers possédaient deux haches : une doloire pour équarrir et planer, et une cognée pour faire les entailles.

Nos apprentis médiévistes ont ensuite remarqué que le bois médiéval n’était pas tout à fait semblable à celui qu’ils utilisaient. Le bois médiéval avait des cernes de croissance très proches, de l’ordre d’1 à 2 mm. La forêt de Guédelon résultant d’une sylviculture moderne avec des coupes régulières privilégiant 60 à 80 gros chênes à l’hectare, elle compte cinq générations simultanées d’arbres donnant de fortes disparités et très peu de sujets correspondant à ce qu’ils recherchaient. L’ONF a pu leur indiquer, à trente kilomètres de là, une futaie de chênes idoine. La forêt de Bellary fut coupée à blanc pendant la Première guerre mondiale, avant de repartir de pied franc sans entretien pendant 50 ans. C’est ainsi que les arbres ont poussé serrés, recevant peu de lumière, croissant lentement, de moins d’un millimètre par an. Cette futaie présentait de grandes similitudes avec le couvert forestier dominant au XIIIème siècle au nord de la Loire. Avec ce bois, aujourd’hui destiné au bois de chauffage, ils sont parvenus à obtenir des bois de brin extrêmement résistants et remarquablement stables. La charpente qui a été conçue avec ce bois couvre un bâtiment de 25 m de longueur par 9 m de largeur et utilise 47 fermes.

Autres temps, autres mœurs, autres manières de cultiver les forêts, Florian Renucci, qui a travaillé sur le chantier expérimental de Guédelon, estime « qu’à raison de 600 chênes par hectare, la forêt médiévale du XIIIème siècle fournissait sans difficulté les bois nécessaires à la construction des châteaux, logis, églises, abbayes, commanderies.»

Nos ancêtres n’ont pas fini de nous surprendre, et c’est tant mieux !

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