22 feb. 2019
Quand les arbres nomment les lieux et les hommes 1/2
En France, les arbres ont une importance cruciale dans le nom des lieux et des pays.
On considère que les noms de famille se sont imposés aux alentours du XIIe siècle en France. La plupart proviennent des métiers exercés, de sobriquets ou de l’origine géographique de la famille. Or, les arbres ont une importance cruciale dans le nom des lieux et des pays. Promenons-nous dans les noms ; promenons-nous dans les arbres.
L’apport du Gaulois à la langue française tient essentiellement à la géographie, au nom des cours d’eau, des collines, des forêts, des lieux de culte. Si la langue latine l’a emporté sur les langues franque et celtique, c’est grâce à l’apport rationnel et technique qu’elle a hérité du grec. Mais un nombre non négligeable de mots d’origine gauloise transpire dans notre langue et s’exprime généralement dans le domaine du mythe, de la nature. Aux Latins la raison, aux Celtes le rêve et la matière poétique. Ainsi, beaucoup de noms de lieux et de famille dérivent de noms d’arbres, parmi ceux qui peuplaient le territoire français il y a plus de deux mille ans.
Le chêne
Si l’on connaît au chêne plusieurs étymons indo-européens (mots attestés ou reconstitués servant de base à l'étymologie d'un terme donné), qui sont passés dans d’autres langues comme l’anglais, le mot français provient du Gaulois cassanos. Le chêne étant l’arbre par excellence, il désigne dans certaines langues l’arbre lui-même. Ainsi la racine indo-européenne doru donne-t-elle par dérivation tree et désigne ce qui est dur, solide, soit l’arbre. Elle a aussi donné druides, les « Connaisseurs par l’Arbre ».
Cassanos, qui désigne l’arbre comme « le touffu, l’enchevêtré », a donné de nombreux dérivés : Caisne, le Quesne, Chassagne, Chasseigne, Chanoy, Le Chanet, Duchesne, Duquesne, Quesnel...
On estime par ailleurs qu’il existe plus de 220 toponymes en France qui évoquent des localités établies dans ou près d'une forêt de chênes.
On trouve encore un Drevant dans le Cher et un Darvoy dans le Loiret dont les noms proviennent de la racine indo-européenne doru.
Theneuil en Indre-et-Loire est hérité de tanno qui désignait le chêne vert, aussi appelé yeuse, et qui donne en corse leccia, que l’on retrouve probablement dans le nom du village de Ponte-Leccia.
Le hêtre
Le nom indo-européen du hêtre était bhagos, qui a donné le gaulois bagos et le latin fagus. Le nom vernaculaire que nous connaissons est issu du bas francique haister qui a peu à peu supplanté le terme « fou » qui était en usage au Moyen Age, mais qui donnait lieu à confusion avec son homonyme. Demeure aujourd’hui le mot fayard, qui est toujours en vigueur dans la profession forestière, alors qu’au XVIIe siècle, quatre mots coexistaient pour désigner le hêtre.
Ainsi, de nombreux noms de lieux et de personnes viennent de l’étymologie de cet arbre : fou, foutel, fouteau, faye, foyard, fau, faon, fayard, fayaud, favinier, faou, La Faye, Les Fayes, Fy… On trouve encore dans le nord de la France La Fontelaye, la Foutelaye et en Occitanie Fage, Lafage, Lahage…
Bouquelon et Bouquetot, qui sont des communes normandes, puisent leur racine dans le vieux norrois bóki.