13 mai 2024
Comment bien choisir ses crédits carbone ?
Il existe une grande diversité de projets de réductions d’émissions et tous les crédits ne se valent pas. Vous découvrirez pourquoi dans cet article.
Une vaste gamme de projets visant à réduire les émissions existe mais les crédits carbone ne sont pas tous équivalents.
1 - Des méthodes de quantification du carbone diverses
Si les crédits carbone sont devenus un outil essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique, c’est avant tout parce qu’ils reposent sur une mesure universelle, partagée par tous les acteurs du marché volontaire du carbone. Toutefois, si un crédit carbone correspond toujours à 1 tCO2eq., il existe une grande diversité de projets de réductions d’émissions et tous les crédits ne se valent pas. En effet, chaque projet carbone est unique, avec ses propres caractéristiques, défis et impacts sociaux et environnementaux.
Les projets carbone peuvent prendre différentes formes, comme par exemple des efforts de reforestation en Amazonie, l’installation de parcs éoliens en Europe, la capture de méthane dans les décharges en Asie, des initiatives d’efficacité énergétique dans les industries africaines, etc. D’où la nécessité d’adopter des approches de quantification distinctes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il existe de nombreuses méthodes de quantification du carbone.
Pour identifier les crédits les plus sûrs, il est donc indispensable de s’appuyer sur l’expertise d’organismes certificateurs indépendants. En effet, la vérification impartiale des crédits carbone par ces entités permet de s’assurer de l’authenticité des déclarations des projets en matière de captation ou d’évitement – et ce quelle que soit la méthodologie utilisée. On évite ainsi les conflits d’intérêts et toute surestimation ou manipulation potentielle des résultats.
Dans l’ensemble, une vérification indépendante garantit la transparence, favorise la qualité et renforce l’intégrité du marché de la compensation carbone, ce qui en fait un aspect indispensable de la lutte mondiale contre le changement climatique.
2 - Des prix et engagements de qualité variable
Cette diversité de projets et de méthodologies a aussi, logiquement, une influence directe sur le prix des crédits carbone : il est évident qu’un projet de captation en Europe n’aura pas le même prix qu’un projet d’évitement à l’autre bout du monde.
Coûts associés au projet (implémentation + maintien) :
Ils dépendent directement des caractéristiques du projet : solutions naturelles ou technologiques, européen vs. international, durée du suivi, monitoring et labellisation, etc.
Marge du porteur de projet et des intermédiaires :
Elle varie beaucoup selon les projets et les garanties de suivi, généralement entre 20% et 60%.
NB : Toutes choses égales par ailleurs, les tonnes associées à un projet plus onéreux seront vendues à un prix plus élevé.
Nombre de tonnes de CO2eq. dans le cadre du projet :
Quantité de GES captés ou évités dans un scénario où le projet est réalisé.
Nombre de tonnes de CO2eq. dans le scénario de référence :
Quantité de GES captés ou évités si le projet n’avait pas lieu.
Influence du scénario de référence
Le nombre de crédits carbone valorisés correspond au nombre de tonnes de CO2e additionnelles, c’est-à-dire qui n’auraient pu être captées ou évitées dans le scénario de référence.
Si l’on prend l’exemple d’un projet forestier, on observe sur les graphiques ci-dessous que, pour une seule et même forêt, le scénario de référence a un impact significatif sur le nombre de crédits émis.
On observe, avec cet exemple, qu’il est possible d’avoir des projets en tous points identiques (coûts, travaux, captation physique du CO2 par les arbres, etc.), qui coûtent le même prix global, mais peuvent avoir un prix “à la tonne” différent, simplement parce qu’ils n’ont pas le même scénario de référence : dans un cas on divisera l’ensemble des coûts par e.g. 500 tonnes/ha avec un scénario agricole (plus de tonnes moins chères), alors que dans un autre, ces même coûts ne seront divisés que par e.g. 250 tonnes/ha avec un scénario friche (moins de tonnes plus chères).
3 - D’autres critères au-delà du carbone
Se concentrer uniquement sur l’optimisation de l’évitement ou de la capture de CO2, sans tenir compte des autres aspects du projet, présente plusieurs risques, tant du point de vue environnemental que socio-économique.
Par exemple, vouloir maximiser la séquestration du carbone d’un peuplement forestier à moyen terme peut favoriser les plantations en monoculture, où une seule essence d’arbre à croissance rapide est plantée à grande échelle. De telles monocultures peuvent gravement compromettre la biodiversité locale, entraînant la perte de diverses espèces végétales et animales et réduisant la résistance des écosystèmes aux maladies et aux parasites.
Une approche axée uniquement sur la quantification du CO2 additionnel pourrait donc détourner l’attention et les ressources d’autres défis sociaux et environnementaux cruciaux, tels que la préservation de la biodiversité, la gestion durable des ressources en eau, la pollution atmosphérique, la dégradation des sols, l’économie locale, etc. La lutte contre le dérèglement climatique ne doit en aucun cas être menée au détriment d’autres enjeux. Ainsi, il est essentiel d’adopter une approche holistique et intégrée dès la conception et la mise en oeuvre de projets liés au carbone, en tenant compte de l’ensemble des implications environnementales, sociales et économiques.
En résumé
La question du carbone est au cœur des préoccupations mondiales face à l’urgence climatique. Les crédits carbone, tout en étant un outil prometteur, doivent être abordés avec rigueur, transparence et intégrité. L’efficacité de ces crédits repose sur leur capacité à être mesurables, uniques, additionnels et permanents. Ils sont le reflet de diverses initiatives, qu’elles soient fondées sur la nature ou sur la technologie, et ont chacun leurs coûts associés, liés à leurs particularités et localisation géographique.
Il est capital de reconnaître que le carbone n’est qu’une partie du puzzle environnemental. Se focaliser uniquement sur cet unique aspect du projet pourrait nous faire passer à côté d’autres enjeux essentiels pour notre planète et pour l’humanité. Choisir des crédits carbone ne doit pas simplement signifier compenser ses émissions, mais aussi contribuer à un monde plus durable, équitable et respectueux des écosystèmes et des communautés.