3 mai 2018

Sauver les forêts : le droit au secours de la planète

Au début du mois d’avril, la Cour Suprême de Colombie a donné raison à une association contre l’Etat colombien, reconnaissant la forêt amazonienne comme sujet de droit.

Sauver les forêts : le droit au secours de la planète

Au début du mois d’avril, la Cour Suprême de Colombie a donné raison à une association contre l’Etat colombien, reconnaissant la forêt amazonienne comme sujet de droit. Faut-il en arriver là pour sauver les meubles ?

Le bon sens contre la loi ?

On a coutume d’entendre, dans la bouche des critiques de la société moderne et de ses travers, la fameuse phrase de Descartes selon laquelle les hommes devraient se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Les hommes auraient soumis la nature sans aucune considération pour celle qui les nourrit en voulant appliquer la maxime cartésienne. C’est oublier que Le discours de la méthode commence par cette phrase : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Ainsi le bon sens voudrait-il que, même si maîtres et possesseurs de la nature, les hommes s’attellent à la choyer et la sublimer ; à lui préserver ses avantages et la mettre en valeur plutôt que la détériorer.

Comme il semble que les hommes aient perdu certain bon sens (et la sentence de Descartes n’était pas tout à fait dénuée d’ironie), on en arrive à défendre par la loi ce que le bon sens ne parvient plus à soutenir. C’est ainsi que, face au laisser-faire de l’Etat colombien soumis aux appétits de certaines firmes irresponsables, la Cour Suprême a été saisie par de jeunes gens au prétexte que la déforestation leur serait fatale. Elle leur a donné raison. Entre 2015 et 2016, la déforestation du territoire a en effet augmenté de 44%, en dépit de tous les engagements de l’Etat colombien.

L’Amazonie colombienne devient sujet de droit

Désormais, l’Amazonie colombienne est définie comme sujet de droit, que l’Etat a le devoir de protéger, conserver, entretenir et restaurer. Un an auparavant, c’est le fleuve Atrato qui avait, lui aussi, été reconnu comme sujet de droit, la Cour Constitutionnelle intimant au gouvernement l’ordre de la dépolluer. A la suite de ce récent verdict, l’Etat colombien doit agir. Il a quatre mois pour présenter un plan d’action. Il y a un an, c’étaient deux fleuves qui s’étaient vu attribuer une personnalité juridique en Nouvelle-Zélande et en Inde. Devenant personnes morales, ces fleuves, cette forêt pourront saisir la justice par le biais de tuteurs légaux ou de parties civiles qui estimeraient que leurs droits n’ont pas été respectés. Pour ce qui concerne la déforestation en Amazonie, il y a urgence. L’été dernier, nous apprenions que le gouvernement brésilien avait décidé d’abroger le statut de réserve naturelle d’une zone située dans les Etats du Para et de l’Amapa, dans le nord du Brésil. Cela afin que quatre millions d’hectares de forêt puissent être exploités par des entreprises minières, ce qui avait poussé la Norvège à prévenir qu’elle diminuerait de moitié les fonds qu’elle alloue au Brésil pour la protection de la forêt amazonienne.

Mais le droit sud-américain n’est pas le même que le droit européen

Pour autant, pourrait-on appliquer ces principes en Europe ? Il semble que non, le droit européen n’étant pas le même que le droit sud-américain. Rappelons-nous qu’il y a encore peu de temps, les animaux étaient considérés par la justice française comme des biens meubles. Après le naufrage de l’Erika et la marée noire qui avait souillé les côtes françaises, certains juristes avaient été tentés de faire de la nature une personne mais l’idée avait fait long feu. En Amérique latine, à l’inverse, l’idée de nature-personne existe déjà. La nouvelle Constitution de l’Equateur, adoptée en 2008, reconnaît la nature comme un sujet de droit.

Voici par conséquent une décision propre à un Etat sud-américain que l’on peut juger positive mais que l’on ne doit pas forcément chercher à copier en Europe. Par ailleurs, cela ouvre des problèmes infinis : comment doit agir l’Etat une fois condamné ? Comment calculer les réparations ? Comment évaluer le préjudice moral ?

Enfin, il semble à EcoTree que l’on ne doive pas tout attendre des Etats et que c’est par l’action individuelle et l’entreprise privée qu’il nous faut commencer à agir dès maintenant pour la sauvegarde et la préservation de la nature.

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